Sabordage, le concours de goélette
Depuis que j’ai eu l’occasion de visiter un sous-marin, je me suis pris d’une passion soudaine pour la mer et les navigateurs. J’ai eu la chance de rencontrer Prosper Barbe-courte, célèbre pour avoir fait fortune avec le trésor du tout aussi célèbre Barbe-noire. Je lui ai demandé de nous raconter comme il s’était emparé de ce trésor justement. Sans plus attendre, commençons l’entretien.
Monsieur Courte, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette histoire, et comment tout a commencé…?
Le pourquoi du comment
– Ahoy moussaillon ! Eh bien à l’époque où le vieux Barby (c’est comme ça qu’on l’appelait quand on était proche de lui) était sur le point de boire sa dernière tasse, je faisais parti d’un des 5 lieutenants de sa flotte. Et j’étais son préféré, enfin après Scarlett.
Et donc c’est sans surprise que lorsque je suis allé le voir dans son dernier hamac, il m’a confié un parchemin en peau de cachalot indiquant le lieu où il avait caché toute sa fortune.
Comme mes 4 autres, euh, disons camarades, étaient déjà au port, je me suis empressé d’allé préparer mon bateau. Et alors, quelle ne fut pas ma surprise de voir qu’ils étaient eux aussi déjà en train d’affréter leurs navires. Ah, le vieux crabe nous avait bien eu.
Ce jour là une tempête soufflait, et nous estimâmes que nous ne pourrions pas prendre la mer avant trois jours. Ni une ni deux, j’ai mis mes équipes à l’oeuvre, il fallait absolument que je trouve le trésor avant les autres. Et pour cela, il n’y a pas 36 solutions gamin, il fallait que mon bateau soit plus long que les autres.
Devinez qui a gagné.
– Hein ?
– Euh, c’est-à-dire, à quoi ça va vous servir d’avoir le bateau le plus long? Je veux dire, c’est pour ça qu’ils ont une forme bizarre ?
– Mais c’est pour être le plus rapide bien sûr, nom d’un perroquet boiteux ! Tu connais pas l’dicton ? « Plus c’est long, plus c’est rapide ». Ah les jeunes je vous jure. Pour chasser des pokémons y’a du monde, mais dès qu’il faut construire un bateau pour aller chercher un trésor, y’a plus personne. Enfin bon, les autres avaient eu la même idée.
Heureusement, on est tous partis du même point. On avait chacun un bateau avec deux voiles, une proue blindée, et la poupe fixée au port. Ah vous auriez du voir ces bateaux ! A l’époque on savait construire ! On vous rajoutait une bombarde au milieu d’une frégate en moins de temps qu’il ne faut à un canon pour tirer. La magie des pièces modulables. On en a construit des extensions pour nos bateaux pendant ces trois jours.
Constructo, coup de canonto, abordago
– Ah, ce devait être une bonne ambiance ces trois jours, avec vos équipages rivalisant de rapidité pour construire votre navire. Une saine compétition non ?
– Une bonne ambiance ? Une saine compétition ? T’es sur que t’as bien pigé le concept de piraterie ? Une bonne ambiance…. Ah ces mômes… On a passé trois jours à se canarder la tronche oui !
Nos charpentiers construisaient tous à peu prêt à la même vitesse, le seul moyen de se départager, c’était de bousiller les rafiots voisins. Je t’explique comme ça marche.
Chaque matin, l’architecte des navires nous propose chacun 4 extensions à construire.
On en choisit une, puis on la rajoute à l’endroit que l’on veut sur notre bateau. Et comme je te l’ai dit, pas moyen de savoir où les autres vont mettre la leur, parce qu’on est tous à fond et qu’on construit en même temps.
Bon, et on refait ça 3 fois dans la journée, à chaque fois en prenant une des extensions que notre voisin veut pas.
C’est pour lui montrer qu’on est plus malin que lui et que ce qu’il jette, nous ça nous intéresse. Bon, et puis si jamais on construit un canon, on en profite pour allumer la mèche. Mais ça reste fair play, on laisse des mèches un peu longues, ce qui fait qu’on tire en général à la pose de l’extension suivante. Ah ça foutait le moral dans les chaussettes quand on venait de se construire une chouette bombarde de la voir détruite juste après par un boulet bien placé ! Mais bon c’était le jeu.
– Donc si je résume, trois fois par jour, vous construisiez une extension, puis les canons allumés lors de la construction précédente tiraient, puis vous allumiez à nouveaux les canons c’est ça ?
– T’es peut-être moins bête que t’en as l’air en fin de compte. T’as presque tout capté gamin. À un détail prêt. Chaque canon ne tirait qu’une fois. Tu comprends, on les construisait à la hâte, et en général on pouvait plus s’en servir une fois le premier boulet tiré.
– Ah oui ça faisait des grosses journées. J’imagine que les nuits devait être tranquilles au moins.
– Au temps pour moi, y’a rien à tirer de toi ! Mais non elles étaient pas tranquilles les nuits, bougre de marsouin à jambe de bois ! Au contraire, c’était le moment pour passer à l’abordage. Si on avait encore des extensions avec des planches d’abordage, c’était le moment d’aller piquer une extension au voisin. On est des pirates. Pas des couturiers.
– Quelle aventure. Mais dites moi, je parie que votre bateau était à l’une des extrémités, ce qui vous a permis de prendre moins d’attaques puisque vous n’aviez qu’un seul voisin non ?
– Et non bonhomme, j’étais au centre, au coeur des combats moi. Mais tu te trompes si tu crois que c’était plus facile sur les côtés.
Le port était blindé et protégé de chaque côté. Le premier matin, ce sournois de Black Jack a voulu tirer sur Lili à sa droite. Mais celle-ci avait réussi à mettre un tuyau pile en face de la bouche du canon, et comme elle était sur le bord, on s’est dit que ça ferait un boulet de gâché. Tu parles ! Il a rebondi sur le blindage du port et c’est cette chouineuse de Scarlett qui l’a pris en plein poire. Tu aurais du voir sa tronche. Je connais des poissons-globes qui avait l’air moins abrutis qu’elle à ce moment là.
Bref, quand on a vu ça, on s’est bien moqués des deux pleutres qui s’était mis sur le côté en se croyant un peu à la cale. Enfin, celui qu’a pas rigolé, c’est Black Jack. Il a cru refaire le coup pour en mettre une autre dans les dents de Scarlett. Ces deux pouvaient vraiment pas s’encadrer, alors quand il a vu qu’avec un peu de chance il pouvait lui tirer dessus même en étant loin, il a pas voulu la laisser passer.
Sauf qu’elle avait bien prévu le coup, et moi, et tout les autres aussi. Résultat, on a tous mis des tuyaux, et c’est lui qui s’est pris son boulet dans les fesses. Ah on s’est bien marrés tiens !
Vent frais, vent du matin (Ceci est un canon)
– Vous me parlez de tuyaux, j’imagine que ça faisait partie des extensions possibles. Dites m’en un peu plus sur celles-ci.
– Et bien on avait du choix. D’abord il y avait le canon simple. Souvent avec une mèche de 1, qui tirait un boulet au tour suivant, sur un voisin direct. Parfois, on arrivait à en mettre deux du même côté. On mettait alors une mèche de 2 sur le deuxième, sinon on aurait détruit deux fois la même extension, ça aurait servi à rien.
Ensuite, il y avait le canon long. Une petite merveille. À la différence du canon normal, rien n’arrête les boulets de celui-là, sauf un blindage. On pouvait détruire une extension de chacun de nos ennemis avec un seul tir. Mais comme il a toujours une mèche de deux, donc plus longue, ils avaient souvent le temps de se protéger.
Puis la bombarde. Ah, celle là, c’était ma préférée. Avec elle, on tirait pas sur son voisin immédiat mais sur celui d’après. Et là il n’y a rien à faire pour se protéger. Ah j’en ai envoyé des boulets sur cette otarie de Scarlett ! Elle qui se croyait maline avec ses blindages ! Bien sûr, on choppait bien une mouette ou deux au passage, mais pour une fois que c’est pas elles qui nous bombardaient hein !
Et enfin, un bijou de technologie, le canon à répétition. Je t’ai dit que chaque canon tirait qu’une fois hein ? Bin lui c’était l’exception à la règle. Une fois mis en marche, il tirait un coup d’un côté, un coup de l’autre. C’est avec ça que je leur ai mis la misère. Le dernier jour, ils ont ramassé tiens.
– Ah oui. Mais vous aviez de quoi vous protéger ?
– Bien sûr. D’abord il y a les blindages. Ils arrêtaient tous les boulets sauf ceux des bombardes. Logique, vu que ça venait d’en dessus.
Les tuyaux permettaient de faire passer un boulet à votre voisin. Toujours un plaisir quand ça fonctionne. Encore une fois, inutile face aux bombardes.
Et puis, le plus marrant de tous, le ressort, pour renvoyer un boulet à son envoyeur. Dommage qu’ils ne tiennent pas face aux bombardes et aux canons longs !
– D’accord, on a fait le tour je crois, non ?
– Presque, il restait les planches d’abordage dont je t’ai parlées, pour voler une extension au voisin.
Les cales aux trésors permettaient de planquer des extensions à sortir à la dernière minute pour agrandir encore le navire. Enfin, si on réussissait à les garder jusqu’à la fin.
Et pour terminer, les planches pourries. Il fallait les enlever avant de partir, mais elles étaient plus rapides à construire que les autres, et on pouvait donc les mettre après que les autres aient construits leurs extensions. Pratique pour mettre un tuyau en face d’un canon long qui aurait fait trop de dégâts sinon ! Ah, c’est bien ça l’esprit de la piraterie, crois moi.
Rien ne sert de ramer, il faut partir avec le bateau le plus long.
– Et bien merci Monsieur Courte. Quelle aventure ! Un dernier mot avant de finir cet entretien ?
– Ah, c’était une belle aventure. Je ne sais pas si je referais ça tout les jours, mais on s’est quand même bien amusés. On se serait cru dans un de vos trucs modernes là, comment vous dites déjà, ah oui, les cartoons ! Et puis ça avait de la gueule, faut l’dire. J’ai eu un peu de chance dans le chaos de cette bataille, mais je crois que c’est mon expérience qui m’a permis de battre les autres au final.
J’ai toujours fait attention à leur laisser les extensions qui m’auraient fait le moins de mal, c’est comme ça que je les ai eu. N’est pas capitaine qui veut, jeune homme. Il parait qu’aujourd’hui les navires vont sous l’eau et se commandent à la voix. Pfff, ces marins d’eau douces ne savent pas ce que c’est que la vraie piraterie ! Un canon, un ressort, ça c’est la vie !
C’est sur ce bon mot que nous laissons le capitaine Courte et que je vous dit à bientôt !
Un jeu de Roméo Hennion
Illustré par Jean-Baptiste Reynaud
Edité par origames
Distribué par iello
Langue et traductions : Anglais, Français
Date de sortie : 05-2016
De 2 à 5 joueurs
A partir de 12 ans
Durée moyenne d’une partie : 45 minutes
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