Tout le reste n’est que Chimère…
Chimère est un jeu de société qui va débarquer pour le festival Paris est Ludique. Il s’agit du premier né d’une petite maison d’édition grenobloise, Game Flow, montée par Clément Leclercq (qui vient du jeu vidéo) et Roméo Hennion (infographiste). L’idée de Chimère provient d’ailleurs à la base de Roméo (aussi auteur de Sabordage) et on sent bien qu’il a laissé parler la partie graphique et visuelle dans son inspiration ludique.
En effet, dans Chimère, vous devez concevoir une créature imaginaire – une chimère donc – composée de trois parties : une tête, un corps, une queue, provenant de bêtes différentes, et ce, en assemblant des tuiles de parties d’animaux. Voici par exemple, le noble « Minon » :
Cul de mouton, corps de requin et tête de lion sur fond d’héraldique, les maisons de Game of Thrones n’ont qu’à bien se tenir.
La sensation de liberté liée au fait de pouvoir composer son animal fantastique (tous esquissés d’abord par Roméo puis illustrés et finalisés par Biboun) est d’ailleurs bien funnement rendue : vous voulez une tête d’aigle avec le corps d’une seiche et une queue d’écureuil ? Pas de problème. Faite vous plaisir. Tout est permis, tout fonctionne.
Bon, il faudra tout de même pas tout à fait faire n’importe quoi si vous voulez gagner. Et oui, vous êtes à un concours de magiciens et on attend de vous que votre chimère corresponde à certains critères, pour plaire au roi qui cherche une nouvelle mascotte. C’est pourquoi vous vous donnez tout ce mal.
Au centre de la table, un plateau rond qui symbolise 4 saisons car ici une manche du jeu représente une année. Pour chaque saison nous placerons deux objectifs qui sont autant de critères de sélection qui rapporteront des points si votre Chimère sait s’y concorder.
On tire donc aléatoirement des petites tuiles qui vont s’assembler par paires donnant des concours à la manière (là aussi) d’un cadavre exquis : le « speed dating » de « brutes » par exemple.
Le concours « duel de bouffon » (photo ci-dessus) signifie que pour le « duel » votre chimère devra posséder des traits d’Agressivité (icône de la mâchoire), et pour la partie « bouffon » qu’il lui faudra des critères de Beauté (dixit le symbole des ailes violettes). Pour chaque saison, nous avons ainsi un double objectif (un objectif majeur qui vaudra 4 ou 5 points et un mineur qui vaut 3 ou 2 points). « Tire à la corde » de « gros lard », « défilé dans la boue », etc, les critères de sélection vont varier de saisons en saisons, de manches en manches, de parties en parties, et promettent des associations par ailleurs non dénuées d’humour.
1, 2, 3 … Chimère !
On prend donc connaissance des critères demandés (des icônes) pour les différentes saisons, et c’est parti ! On joue alors simultanément pour constituer nos chimères mais on n’est pas pour autant chacun dans nos coins, comme vous allez le voir, loin s’en faut. Nous sommes des magiciens un peu facétieux.
On va donc aller chercher des tuiles dans les diverses pioches disposées sur la table, tête, corps, et queue, une par une, pour essayer de créer nos 4 chimères (une pour chaque saison) au mieux.
Chaque tuile présentent plusieurs petites icônes diverses, à vous de la placer à l’endroit le plus adéquat ; quand vous en piochez une vous devez la poser sur un de vos 4 plateaux de jeux (qui correspondent donc aux 4 saisons) ou sur un plateau adverse, si cela vous permet de vous débarrasser d’une tuile qui ne vous arrange pas, ou de bloquer quelqu’un qui était trop bien parti par exemple. Autant dire qu’on se refile des cadeaux empoisonnés dans cette phase un peu frénétique. « Non de $£#_*! C’est quoi cette tête de sauterelle, qui m’a posé ça là ?! ».
Si vos 4 plateaux saison sont complets, vous n’avez plus le droit de piocher de tuiles pour les placer chez les autres. Faut pas exagérer.
Couinement, adaptation, couinement, adaptation
Une fois que tous les magiciens ont rempli leur plateau, on a le droit à un petit temps minuté par un sablier, pour déplacer les parties d’animaux entre nos plateaux perso : Ces échanges sont essentiels, ils nous permettent d’optimiser nos chimères pour correspondre au mieux aux critères des concours et de corriger nos bêtises et/ou d’arranger les tuiles mal placées imposées par les adversaires. Même si le sort, et les autres, se sont acharnés sur vous, il se pourrait que vous vous en sortiez avec les honneurs. Alors arrêtez de couiner.
Le truc à savoir, c’est qu’il faut éviter d’avoir deux parties de votre chimère qui proviennent de la même bête. Et oui une chimère, c’est trois animaux différents, pas deux. Si vous vous retrouvez dans une telle situation, une des parties qui doublonne sera transformée automatiquement en mouton, et c’est pas cool car le mouton a zéro critère, autant dire que c’est un peu la looze pour votre chimère.
Dès qu’un joueur est satisfait de ses créations, il chope le sablier et le retourne à nouveau (quand il aura terminé de s’écouler bien sûr) pour donner encore 30 dernières secondes aux autres joueurs. Ce joueur-là, le plus rapide, va aussi se saisir d’un petit bonus au passage (qui motive du coup à bien se grouiller) : il s’agira de la tuile du Prix de la Reine.
The Queen’s award
Le Prix de la Reine fonctionne un peu différemment, il ajoute une dose d’interaction cocasse, à base de blabla, un peu surprenante de prime abord.
Comment ça marche ?
Comme je le disais, le joueur qui a été le plus rapide dans la création de chimère récupère une tuile « Prix de la Reine » et la place sur une de ses 4 chimères, celle qui colle le mieux au critère imposé. Cela peut-être « la plus ridicule », la « plus raffinée » ou la « plus imposante » par exemple. Les autres joueurs concourront pour ce prix en devant défendre leur chimère de la même saison, pas le choix pour eux ! Comme nous allons le voir, ce concours-là se jouera sur la base d’un argumentaire court proposé par chaque joueur et se conclura par un vote à main levée.
En compétition cette saison…
Vient ensuite le moment de comparer nos chimères.
On les prend saison par saison et on additionne alors le nombre d’icônes demandées. Par exemple, au printemps, le concours « Duel de Bouffons » requiert de l’Agressivité et de la Beauté. J’additionne donc mes icônes d’Agressivité et de Beauté sur ma chimère de printemps, mes adversaires font de même, et le joueur qui en a le plus remporte les points du concours majeur (5 ou 4 points), le second gagne le deuxième prix (3 ou 2 points).
On procède de la sorte pour les quatre saisons et on termine avec le Prix de la Reine. Là, c’est un peu différent puisque comme je vous le disais, c’est pas un simple décompte, il va falloir argumenter ! Le joueur le plus rapide a eu le loisir de mettre le Prix de la Reine sur la chimère qui correspondait le mieux au critère-surprise (et oui, celui-ci, contrairement aux autres, n’est révélé qu’après avoir terminé nos chimères donc on doit faire avec).
Par exemple, si c’est le prix de « la chimère la plus imposante » : j’ai déposé mon Prix sur ma chimère d’été, parce qu’elle est bien épaisse avec sa tête de lion, son corps de rhino et sa queue de mammouth ! Les autres doivent présenter leur chimère d’été également. Chacun défendra ensuite oralement sa chimère en expliquant aux autres pourquoi c’est elle la plus imposante.
Cette phase a le mérite de créer une autre strate d’interaction sociale et pousse les joueurs à apprécier véritablement le rendu final de leur création (comprenez, à sortir leur nez des icônes).
Une fois les argumentaires délivrés – selon votre public, ils seront comiques/maladroits/creux/abracadabrants/… -, on procède alors à un vote à la volée (bien sûr on ne peut pas voter pour soi). La chimère qui obtient le plus de voix emporte le Prix de la Reine. 2 Points. C’est pas la mort.
Le temps passe vite
Et voilà, vous savez comment se déroule une année.
Comptez environ 10 minutes pour une année, oui, ça passe vite ! Le jeu se déroule en trois manches, à la fin desquelles la partie prend fin. On va alors pouvoir révéler nos petites tuiles de PV pour déterminer le grand gagnant. Et oui, nos PV sont tenus secrets lors de la partie de sorte à éviter d’être influencé par cela lorsqu’on vote pour les discours les plus convaincants (on limite les effets du genre « T’es devant, même si ton discours était très fun, je vote pas pour toi pour pas que tu gagnes »).
Il est possible de jouer aussi avec une règle avancée où interviennent les « dons extraordinaires ». En gros, quand vous commencez à bien maîtriser le jeu des icônes, vous pouvez ajouter les critères interdits, ceux-ci compliquent un peu la tâche mais permettent de grappiller quelques points en plus. C’est simple : certains critères ne doivent pas du tout apparaître sur votre chimère, et c’est gagné.
En résumé, les chimères existent
Chimère est singulier, mixant rapidité et observation d’une façon inédite, et surtout il fait montre d’une véritable courbe d’apprentissage. Au début, on prend un peu de temps pour se familiariser avec les diverses icônes, même si le travail ergonomique est plutôt bien fichu, on fait des allers-retours un peu balourds entre les objectifs demandés, les symboles de nos tuiles, on vérifie bien la saison, le type d’animal, il y a beaucoup de choses à (di)gérer et on est pressés par le temps (« c’est la bonne icône, mais c’est pas la bonne bête, à moins que ça passe dans une autre saison… »).
Et puis on commence à se rendre compte qu’il faut ab-so-lu-ment envoyer des tuiles chez les autres pour les empêcher de créer la chimère parfaite ou pour se débarrasser de tuiles aux intérêts moindres. Et nos copains font de même, sans pitié, ils nous envoient leurs tuiles pourries, et oui c’est le jeu ma petite Lucette ! Il faut être réactif !
Et ensuite, quand on maîtrise le jeu, on voit d’un coup d’œil de quoi nous avons besoin, les symboles à privilégier, ceux à balancer d’office chez les autres, etc. Une vraie petite gymnastique, assez originale et plutôt rigolote.
La phase, rapide, où l’on peut ré-agencer nos tuiles permet de tenter de corriger le tir et évite une trop grosse frustration (j’ai plein de tuiles moisies, mais si je les change de plateau, elles se révèlent tout à fait intéressantes). Mais attention, là aussi il faut aller vite ! Le sablier coule.
Puis vient le Prix de la Reine où il s’agit de défendre une de nos chimères, et convaincre les autres qu’elle est la plus ceci ou la plus cela. Les argumentaires sont souvent bien débiles car évidemment totalement improvisés et ce petit côté « bagou » fait que Chimère fricote clairement avec la catégorie « jeu d’ambiance ». Les appellations mêmes de nos chimères créent des supports pour nos argumentaires qui peuvent être très cocasses. Les moins à l’aise à l’oral souffriront un peu, si c’est votre cas rassurez-vous, cette phase ne dure pas longtemps. D’ailleurs, une partie entière de Chimère tient en une demie-heure.
Bref, c’est léger, c’est vivant, c’est frais. Un brin vachard mais bon enfant. Une bonne façon de lancer une soirée jeux, tiens ! Notez qu’on a bien une variante à deux, mais il est a priori clairement plus drôle à 3, 4 ou 5 participants.
Si vous êtes à PEL, prenez le temps de vous arrêter chez Game Flow (ils sont distribués par Blackrock) pour vous frotter au bestiau !
Un jeu de Clément Leclercq, Roméo Hennion
Illustré par Christophe « Biboun » Fossard
Edité par Game Flow
Distribué par Blackrock Editions
Pays d’origine : France
Langue et traductions : Français
Date de sortie : 06-2016
De 2 à 5 joueurs
A partir de 8 ans
Durée moyenne d’une partie : 30 minutes
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TheGoodTheBadAndTheMeeple 20/06/2016
plutot joli dites et bien trouvé le nommage des chimères… faut voir en action pour juger.
Jules Prototypaire 20/06/2016
Jouer déjà une bonne dizaine de fois sur différents salons et rencontres ludiques (eh oui, nous sommes voisins !), le jeu est fun, original, intéractif et un brin taquin. Un bon et beau jeu familial !
elniamor 20/06/2016
Noté sur ma To Do List de PeL, merci !
Dhjaz 23/06/2016
Bien vu, le camelmouth 😀
6gale 26/06/2016
Chris (Zuton) tu connais ?
Game Flow, c’est du coin.