Rencontre avec Thierry Gislette, gérant de boutique de jeux de société depuis 1986
Nous avons eu la chance de rencontrer une véritable figure ludique locale, le fort sympathique Thierry Gislette, gérant de boutique de jeux de société depuis 1986 ! Oui, presque 30 ans, 30 ans à vivre du ludique, à ouvrir des cartons, conseiller les clients, observer le monde qui nous intéresse et caresser du meeple pardi ! Alors, cher Monsieur Thierry, pour débuter cet interview pouvez-vous vous présenter et nous dire ce qui vous amené dans le monde du jeu de société ?
« Je m’appelle Thierry Gislette, et je suis le gérant de la boutique Jeux Descartes de Lyon. J’ai ouvert ma première boutique au Havre en 1986, « Au clerc de dune », par passion et envie, car à l’époque, la boutique qui existait sur place, et qui avait été une pionnière dans le domaine du jeu, périclitait, bon an, mal an.
Je l’ai revendue pour venir dans la région en 1992 et j’ai travaillé 5 ans pour Jeux Descartes comme fondeur des figurines Ral Partha.
La fonderie s’est arrêtée au moment où Jeux Descartes cherchait un responsable pour sa boutique de Lyon en 1997. J’ai accepté le poste avec grand plaisir.
Puis Asmodee a racheté Jeux Descartes et finalement à revendu les boutiques restantes (Bordeaux, Paris Ecole et Lyon) à leurs gérants, dont moi-même, en 2009.
J’ai tenté l’aventure du Ludopole dans la foulée en 2011, et même si le projet reste pour moi unique et motivant, nous ne pouvons plus assumer les coûts engendrés par les 2 boutiques. Donc, repli à partir du 02/11/14 sur la boutique historique qui existe depuis 1978. »
Quel genre de joueur êtes-vous aujourd’hui ? Y a-t-il des sorties qui ont particulièrement attiré votre attention ces derniers temps ? Quels jeux plus anciens restent des piliers de votre ludo ?
« Je suis un joueur curieux et ouvert. Je peux me faire plaisir avec un petit jeu de 5 minutes, comme avec un monstre de 5 à 6 heures. Ce qui compte pour moi, c’est le plaisir de partager un bon moment avec des joueurs motivés, et la découverte d’un mécanisme malin et entraînant.
Je fuis par contre les jeux stressants comme Space Alert ou Zombie 15′. Et pourtant, je les trouve très originaux et très bien fait, mais je cherche à être plus détendu à la fin d’une partie, qu’au début…
Voici quelques jeux récents qui m’ont séduit : Love letter, Concept, Istanbul, Abyss, 5 tribes, Mascarade, Eclipse, 1 000 Sabords.
Quant aux incontournables dont je ne me débarrasserai jamais : Diplomacy (même si cela fait un bail que je n’ai pu y jouer), Supergang, Ave Cesar, Das Malefiz Spiel (Barricade), Footmania, Take it easy, Time’s up et Dixit ! »
Pouvez-vous nous parler un peu de Descartes en France et en particulier à Lyon et de son historique ?
« La société Jeux Descartes est née grâce à des visionnaires qui ont senti qu’il y avait un manque de distribution sur les jeux modernes, en parallèle de Jeux & Stratégie, le magazine mythique qui a bercé mon adolescence, fin des années 80 (hé oui, ma bonne dame).
Il s’agissait de faire un peu comme France Loisirs, et d’ouvrir la vente du jeu de société et de réflexion à la VPC. De fil en aiguille, cette société de distribution a fait de l’édition et a fédéré autour d’elle un réseau de boutiques spécialisées à travers la France, connu sous le nom de Relais Descartes, gage de conseils et de qualité.
En même temps qu’elle développait le réseau indépendant, elle a créé au fil des années, 5 boutiques bien à elle, 3 à Paris, 1 à Bordeaux et 1 à Lyon vers 1978. La boutique lyonnaise est donc l’une des plus anciennes de France.
Suite au rachat de Jeux Descartes par Asmodée au milieu des années 2000, la boutique a fini par m’être cédée en 2009, alors que j’en étais le gérant depuis 1997. »
Que pouvez-vous nous dire sur l’installation au Ludopole de Confluence ?
« Lorsqu’Odile Perino m’a parlé du projet début 2010, j’ai tout de suite été séduit par l’originalité du lieu à créer. C’était tentant et nous avons hésité car nous venions de racheter la boutique d’Ainay.
Nous avons sauté le pas, et le résultat était à la hauteur du projet, et il le reste, même si nous avons dû en sortir. Ce n’est pas tant le manque de clientèle, nouvelle et conquise par le lieu, que le coût, sous-estimé au moment du projet, qui est la cause de notre départ.
Pourtant, la synergie entre tous les acteurs du lieu a fonctionné à merveille et l’actuelle direction, avec une motivation sans faille, met tout en place pour développer ce concept novateur et indispensable au milieu ludique.
Nous restons en étroite collaboration avec le Ludopole et comptons bien participer régulièrement aux évènements pour lesquels on ferait appel à nous. »
Quelles évolutions du marché ont été les plus marquantes pour vous en tant que joueur et pour votre activité ?
« C’est la multiplication des petits éditeurs, de l’auto édition, et le développement sans complexe, du nombre d’auteurs de jeux en France, et à Lyon en particulier. De plus, le jeu vidéo a décomplexé toute une génération de joueurs entre 20 et 30 ans, qui sont actuellement le cœur de notre clientèle, et qui mélange allègrement le jeu à l’écran et sur table. Un vrai renouveau et un vrai bonheur !!! Il fut une époque où nous passions pour des extra-terrestres. »
Pensez-vous qu’il y a trop de jeux à l’heure actuelle ou voyez-vous plutôt cela d’un bon oeil ?
« C’est vrai que nous sommes submergés par le nombre de propositions. Même si certains jeux n’apportent pas grand-chose de neuf au marché, force est de reconnaître qu’une majorité de nouveaux jeux sont de bons jeux. Le problème, c’est que tous n’ont pas la même visibilité, et il devient difficile pour les boutiques de tout avoir, en même temps, et de tout connaître, faute de temps. De plus, le coût du stock devient également un souci, à cause de la quantité, mais également avec des gammes de jeux dont le prix s’envole, même s’il est justifié.
Le marché finira par se réguler, et c’est à nous de profiter de l’engouement des nouveaux joueurs pour développer encore plus ce marché. »
Avez-vous observé une évolution de votre clientèle ?
« Comme dit précédemment, nous avons de plus en plus affaire avec une clientèle qui a une relation au jeu beaucoup plus décomplexée. De plus, cette clientèle s’est énormément féminisée, ce qui change également la façon de jouer de ces nouveaux joueurs.
La clientèle est devenue aussi très experte et pointue grâce aux sites spécialisés qui fleurissent sur le web, et donc, l’échange est encore plus enrichissant qu’avant, pour notre plus grand plaisir.
L’ouverture des rayons de grands magasins à certaines gammes de jeux que nous vendions depuis une dizaine d’années, a permis de faire découvrir à toute une partie de la population, que le jeu était tout à fait accessible.
Nous en avons le retour en boutique spécialisée quand il s’agit d’aller plus loin dans le choix de nouveaux jeux à acheter. »
Que manque-t-il selon vous aujourd’hui à ce marché ?
« En priorité, une économie qui fonctionne. Tous les paramètres de ce marché sont au vert. La création, la publication, la diffusion, l’expertise. Quand (si ?) l’économie ira mieux, nous aurons un marché épanoui, j’en suis convaincu. »
Un dernier mot pour conclure ?
« Je suis toujours aussi heureux de venir travailler au magasin, et même si nous avons quelques difficultés en ce moment, je suis toujours décidé à profiter de ces moment privilégiés avec les clients, où nous échangeons, plaisantons et partageons nos coups de cœur. C’est noël à chaque arrivage de nouveautés. Je crois faire partie des privilégiés qui ont eu l’opportunité d’allier passion et travail. A bientôt. »
Merci Thierry et très bonne continuation !
>> Remerciements Crédit Photos : le blog ludique de Ludo le gars
Djinn42 20/12/2014
Je confirme que cette boutique était un bel endroit mais la boutique d’origine garde tout son charme.
J’aime toujours autant y aller depuis bientôt 20 ans que j’ai découvert l’endroit.
eolean 22/12/2014
Très intéressante cette interview, et une vision claire sur le présent et l’avenir que je partage.
Simon Armanini 15/05/2018
Bonjour, revendez vous des petites séries de jeux de créateur ?
Merci.
Simon Armanini.
Thierry Gislette 16/05/2018
Bonjour
Qu’appelez-vous « Jeu de créateur »?
Tous les jeux sont fait par des créateurs