Au regard de la tendance ludique actuelle, Antiquity est un repoussoir total.
La règle en 10 phases par manche (!), l'esthétique moribonde comme seul Splotter sait nous les proposer, les manipulations fastidieuses de minuscules jetons, tout concourt à faire fuir le joueur, même amateur de gros jeux.
Quelle erreur ça serait! Car la liste des points négatifs s'arrête là, et celle des éloges peut commencer.
Quelle erreur ça serait de ne pas goûter à cette liberté de jeu complètement bluffante. Les pouvoirs des différents bâtiments, qu'on agence "à la Tétris", sont d'une diversité assez grisante, leurs impacts sur le jeu sont à la fois majeurs et murement réfléchis. Tout cela est, qui plus est, équilibré au micro-poil.
Mention spéciale au coup de génie de la condition de fin de victoire, qu'on choisit comme au self-service.
Quelle erreur ça serait de bouder ce jeu quasiment sans aucun hasard. Certes, il faut aimer lutter, car le jeu est aussi rude que les marqueurs Pollution en ont l'air, et il faut s'employer sec pour déjà survivre. Les premiers tours sont bien occupés et tout retard conduit inexorablement à une mort lente.
Quelle erreur ça serait de ne pas connaitre ces moments d'intense réflexion pour agencer ce foutu bâtiment désiré tout en gardant la place pour une future cathédrale. La composante de gestion solitaire de son plateau personnel est largement contrebalancée par l'interaction spatiale qui devient rapidement tout sauf anodine. C'est un jeu où il faut s'étendre, et où on arrive rapidement chez les voisins. Récolter les ressources ou polluer chez les autres sont des petits plaisirs dont il est sage de profiter.
Quelle erreur ça serait de ne pas ressentir ce mélange de fureur et de honte quand on a complètement foiré son placement de bucheron deux tours avant, ou qu'on jette 3 ressources à la poubelle faute d'avoir correctement anticipé son stockage.
Offrant un niveau de simulation incroyable, une profondeur stratégique maximale et une élégance terrible cachées derrière son austérité de façade, Antiquity est tout simplement un pur chef d'œuvre qui mérite sa place au panthéon des jeux de gestion.
Sa difficulté bien réelle et sa courbe de progression vertigineuse n'en font cependant pas un jeu à mettre entre toutes les mains.