Héros à louer – I believe I Cannes win
Dans ma Black Box, il y avait Héros à Louer, mais sous son nom originel, Seventh Hero, et sous la licence Doomtown. AEG a donc réussi son coup à mort : déjà, Trains, c’était de la bombe de balle. Mais ce Seventh Hero tombait bien : Héros à Louer me faisait grave de l’œil. Ce jeu japonais nous vient de Kuro, et est édité en France par Iello dans la gamme des mini-games. Effectivement, le contenu du paquet a de quoi décontenancer un peu : 7 cartes en 11 exemplaires chacune, ça vous calme son bonhomme. Heureusement, j’avais déjà vu le jeu à la journée de présentation Iello de l’automne 2014, et je le soupçonnais fort bon. Avec une nomination à Cannes cette année, on n’en a que la confirmation.
Petit point matos : encore une fois, c’est dans la Black Box. Donc on a le jeu à la bourrine, sans rien. Pour rappel, la Black Box, c’était 3 ou 4 jeux dans une grosse boîte pour pas trop cher : j’ai eu Trains, 7th Hero Doomtown, Maximum Throwdown Overload (haha, il est atypique, celui-là, je vous le garantis) et Seven Seas: Guildhall (pas encore testé). Heureusement, j’avais quelques sachets en rab’.
La carte reste de bonne facture, puisqu’AEG, s’il faut le rappeler, est spécialisé dans nos chers bouts de carton. La charte graphique très fantasy du Héros à Louer français (ou de sa version japonaise) est complètement gommée pour donner la part belle à une esthétique western, avec de superbes illustrations tirées de Doomtown Reloaded.
Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas utiliser les termes barbares de Doomtown (dude, posse, etc.). Ça va rester accessible. 😉
La loi de la concurrence
Alors, comment ça se passe dans le Far West ? Bon, eh bien le but, c’est d’avoir six héros, sur le panel de sept que compte le jeu. On commence avec deux héros tirés au pif, forcément différents, on donne cinq cartes à chaque joueur et, bingo, c’est prêt. Simple comme bonjour.
À son tour de jeu, le joueur actif révèle une carte de la pioche centrale, qui va donner la mission du tour. La mission va attirer un héros, et c’est le joueur actif qui va le jouer de sa main. Chaque mission a des pré-requis spécifiques, assez malins puisque deux d’entre eux s’échelonnent en fonction du nombre de joueurs. S’il est impossible de jouer un héros de sa main, le joueur actif doit envoyer un de ses héros recrutés (le calvaire !). Et s’il ne peut toujours pas envoyer de héros « légal », on prend le premier de la pioche, au pif.
Malgré les pré-requis, le héros est joué face cachée. Le joueur suivant dans l’ordre de table peut accepter de recruter le héros, ou de laisser le même choix au joueur suivant. Si le héros fait le tour de la table, le joueur actif doit le recruter. C’est là que ça commence à devenir malin : c’est bien, de recruter des héros, mais on ne peut avoir qu’un seul shérif, qu’un seul adjoint, qu’un seul inventeur fou… Si vous en avez deux, c’est la bagarre, et les deux zozos sont défaussés. Dommage pour vous. Vous comprenez sûrement qu’il devient crucial de bien gérer son coup et que le bluff devient une donnée à prendre en compte avant d’accepter le héros de votre collègue fourbasse.
Heureusement, il y a toujours la possibilité de demander un indice supplémentaire : en montrant une carte au joueur actif, on lui demande s’il s’agit du héros en cours. Il répond par oui ou non, et la carte sera défaussée quoi qu’il arrive, mais n’est pas « encore » révélée : on attend la fin des résultats ! Vous pouvez ainsi sacrifier de la taille de main pour augmenter vos chances de victoire. Le prix est certes lourd, mais il en vaut parfois la chandelle ! À la fin du tour, le joueur actif pioche une carte, c’est le suivant reproduit la manip’.
Variantes (cliquez pour dérouler le menu)
Les règles françaises diffèrent sur deux points :
- Lorsqu’il est impossible de jouer un héros de sa main, on met le premier héros de la pioche. (Moins punitif ainsi.)
- Le second tie-breaker change : au lieu de faire la somme des valeurs de héros, on compte le nombre de héros qui ne sont pas inclinés. (Moins hasardeux, valorise la prise de risque)
Les variantes japonaises sont aussi dans la règle française :
- Pour demander des indices sur le héros drafté, au lieu de demander la valeur exacte, on demande si le héros correspond aux critères de la mission représentée par le héros que l’on défausse. Plus propice aux nœuds du cerveau, plus subtil, mais plus dur.
- Remélanger la défausse jusqu’à ce qu’un joueur ait 6 héros (élimine tous les tie-breakers, rallonge potentiellement la partie)
Avec ça, vous aurez de quoi renouveler le contenu de votre Seventh Hero !
La porte du saloon grince
… et devinez qui pointe le bout de son nez ? Les héros ont tous un pouvoir unique lorsque vous les avez recrutés. Pour en profiter, il suffit d’incliner un personnage, et c’est fait ! Notez qu’il est impossible de redresser son personnage, sauf si on en défausse un par inadvertance ou par malice adverse : pour peu qu’on réacquière ce héros, il arrivera en jeu redressé, prêt à être réutilisé. Ces pouvoirs rythmeront la partie, et se déclencheront aux moments les plus opportuns, avec souvent une touche de kingmaking, ou du moins d’arbitrage en défaveur du premier joueur.
- Le shérif (1) annule un autre pouvoir (il faudra souvent être vif pour intercepter les actions). Déclenche en général une boule de neige d’effets et perturbe les plans les plus vils.
- Le pistolero (2) dézingue le héros à la sélection. Pratique pour ne pas se coltiner un héros qu’on a déjà, ou qui mettrait trop bien un adversaire.
- L’adjointe (3) redresse un héros ! Carte versatile par excellence, l’adjointe est un allié de choix qui est souvent mésestimé.
- Le hors-la-loi (4) interdit à un adversaire de recruter le héros du moment. (Effet « Vouuuuuuus ne passerez pas ! » garanti.)
- Le charlatan (5) permet de regarder le héros en cours. Une incertitude ? Une envie de recruter à un héros de la victoire ? Allez. On jette un œil.
- La nonne (6) permet au joueur actif d’envoyer n’importe quel héros, ignorant ainsi tous les prérequis de la mission. Bluff bien sale, mais aussi va-tout lorsque l’on ne peut pas remplir les critères d’une mission ! La nonne est donc précieuse.
- L’inventeur fou (7) permet de piocher deux cartes. Il a souvent été pris à la légère dans mes parties, et pourtant, il me semble être très fort pour plusieurs raisons. D’abord, avoir une taille de main augmentée donne plus de choix sur les missions, et permet d’obtenir des indices plus facilement. En revanche, ce qu’on voit moins, c’est qu’il peut être un instrument à fermer la partie plus tôt, et donc, de conserver une avance putative. Combiné à l’adjointe, c’est un carnage assuré.
Fins de partie
La partie se finit lorsqu’on arrive au bout de la pioche, ou lorsqu’un joueur atteint son 6e héros (victoire immédiate). Lorsque le premier cas est atteint, on compte qui a le plus de héros (of course). S’il y a égalité, on compte le nombre de héros éliminés parmi les candidats à la victoire (vous savez, les héros « doublons », gardés dans une défausse spéciale et personnelle). Il peut y avoir égalité, et si ça arrive, il suffira d’additionner la valeur des héros de chaque prétendant. Si le sort s’acharne encore, boooon, la victoire est partagée. Mais pour en arriver là, je pense qu’il faut une bonne dose de coïncidence.
Du coup, réutiliser ses pouvoirs en sacrifiant des héros à la vindicte, puis en les recrutant à nouveau, c’est souvent contre-productif, mais il peut être stratégique d’opérer ainsi ! Économique, fin, Héros à Louer se taille une part dans les modèles de draft en ce sens qu’il propose une sélection à l’aveugle et au bluff. L’aspect de draft se joue surtout sur la quantité limitée de ressources, et l’économie descendante, qui est immédiatement identifiable. Les parties, courtes et intenses, versent parfois dans de l’arbitrage un peu inique, mais il faut bien condamner ces audacieux parvenus qui en sont à leur cinquième héros, non ?
Mexican standoff
Ben écoutez, Héros à Louer, c’est un jeu très fin, peut-être un brin moins abordable que d’autres jeux du format. Ses règles peuvent paraître légèrement complexes au début, mais on les absorbe très vite, joueur averti comme non. Au final, il a paru difficile de ne pas enchaîner deux ou trois parties à chaque fois que je l’ai sorti, tant les possibilités tactiques sont amusantes ! On parle peu de narration : les mécanismes simples mais pointus racontent certes une histoire un peu ric-rac, mais c’est le jeu à la japonaise qui veut ça. Et personnellement, j’aime autant. Le plaisir narratif ne fait pas tout ! (Ce n’est pas pour ça que le travail graphique et narratif n’est pas fait, ou est mal fait : c’est juste que le jeu lui-même ne pousse pas la narration en avant.) J’espère que de bonnes initiatives comme ça nous viendront plus souvent, des éditeurs français qui importent, mais aussi des auteurs qui nous pondent des systèmes enchanteurs.
Plus je joue, et plus je trouve de finesse dans les « petits jeux ». Et je trouve ça très encourageant qu’on n’ait plus besoin de sortir la grosse boîte avec trouze mille figurines, cent trois dés et des cartes à gogo, avec un livret de règles de quarante pages, pour s’amuser et trouver des sensations ludiques chouette. Sautez dessus si vous pouvez essayer : c’est peut-être votre came. En tout cas, c’est devenu la mienne. (Comme Trains, dans cette même Black Box.)
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TheGoodTheBadAndTheMeeple 26/01/2015
On dirait du Magic… Combo de pouvoir de cartes avec un twist de mecanique… pas convaincu
Umberling 26/01/2015
L’aspect combinatoire est assez secondaire, les pouvoirs étant en 1-shot. Le focus du jeu est véritablement le mécanisme de draft allié à la déduction. Vu l’investissement temps demandé (20mn à tout casser), ça vaut le coup de se laisser tenter. Après, si tu cherches du narratif, c’est sûr, il faut se tourner vers autre chose.
Sha-Man 26/01/2015
Pas vraiment de combo de pouvoir.
Ils sont à usage unique et seulement si on gagne la carte, les pouvoirs sont souvent à réserver dans la partie.
Le coeur du mécanisme n’est d’ailleurs pas tant les combos de pouvoir que le système de passage de cartes, bluff pour inciter ou dissuader les autres à prendre une carte.
Du style, envoi d’une carte merdique pour un joueur, lui faire croire qu’on veut l’empêcher de la prendre avec le maitre chien pour le forcer à l’annuler avec sa poule enragée et qu’il la prenne pour s’auto-snooker.
Ensuite les pouvoirs étant consommés, ils ne serviront plus de la partie.
Vu qu’on gagne à 6 cartes devant soi, pas tant de pouvoirs combotage au final.
Shanouillette 26/01/2015
je vois pas le rapport avec Magic moi …??…bref, pour nous un excellent petit jeu où le bluff peut être beaucoup plus subtil qu’on l’imagine au départ..il faut rester super alerte sur ce que jouent les autres et être rapide pour leur couper l’herbe sous le pied au bon moment !
Mephisto 01/05/2015
J’aime beaucoup ce petit jeu. Simple sans être idiot, dynamique, rapide et drôle (pour le coup beau travail de Iello l’adaptation FR est une jolie réussite) !!
J’ai eu l’occasion de le sortir avec des non joueurs, si ça pouvait paraître compliqué à l’explication des règles tout s’est décanté en illustrant le propos en jouant 🙂 tous avons bcp aimé et ri !!
Umberling 01/05/2015
Justement, faut pas hésiter à complexifier avec la version japonaise, si ça marche et si on veut un renouvellement de challenge et de fun. (l’américaine est la moins bonne pour moi)
Mephisto 02/05/2015
Oui je réserve les règles de la version japonaise pour mes amis plus « confirmés » ! Par contre je ne connaissais pas la variante qui nous oblige à envoyer un Héro de notre équipe en jeu lorsque je ne peux pas l’envoyer de ma main. J’aime bcp ce point de règle qui complexifie un peu la chose, au risque d’allonger la partie d’un poil !