Battlefold, la bagarre en recto-verso

Un jeu, ça peut découler de 3 sortes de points de départ (en tout cas, c’est ce qu’on dit) : un thème qui inspire l’auteur, une mécanique fute-fute, ou un matériel tellement cool qu’on se dit « si je voulais faire un jeu avec ça, ça donnerait quoi ? » Et puis il y a les jeux qui s’inspirent d’autres jeux. Ils les prennent, les chiffonnent, les retournent comme un gant et paf ! Ça fait quelque chose de nouveau.

Dans le cas de Battlefold, la source d’inspiration assumée est Fold-It, un petit jeu familial coréen où l’on compose des repas pantagruéliques en pliant un mouchoir dans tous les sens. En fait, l’auteur de Fold-It, Yohan Goh, remet ici le couvert, accompagné cette fois-ci de Dave Choi, et l’envolée culinaire passe désormais sous le signe d’un combat d’arène de bon aloi. Le résultat : un jeu de baston original et rythmé pour 2 à 4 joueurs, qui s’expédie manu militari en une petite demi-heure. Bonne nouvelle pour nous : l’éditeur Sorry, We Are French (SWAF) s’occupera de l’amener sur le sol français !

Moi je le trouve super carré, comme jeu. Est-ce que ça se voit que c'est pour quatre joueurs ?

Moi je le trouve super carré, comme jeu. Est-ce que ça se voit que c’est pour quatre joueurs ?

 

Prise en main

Il y en a des choses sur une table de Battlefold. Tout au centre se trouve l’arène : une fosse carrée simple au possible dans lequel les combattants vont se tabasser jusqu’à ce que mort s’ensuive (et plus si affinité). Deux pioches de cartes et quelques mystérieuses demi-billes de bois numérotées traînent à côté.

Devant chaque joueur est placée une plaquette où caracole son personnage : un nain hargneux, un elfe un peu distant, un chaton voleur ou un dragon apothicaire. Tout ce petit monde est superbement illustré par Vincent Dutrait, qui parvient à réinterpréter avec force et couleurs quelques poncifs du med-fan. La plaquette permet de rappeler les différentes capacités du personnage et de garder trace de ses points de vie.

 

Notre nain préféré a la particularité d'avoir peu d'allonge mais de frapper très fort.

Notre nain préféré a la particularité d’avoir peu d’allonge mais de frapper très fort.

 

Mais ce qui attire le plus l’attention, c’est bien sûr le mouchoir : chaque joueur dispose d’un carré de tissu à sa couleur, comportant un damier 4 par 4 où chaque case est remplie par un motif évoquant les actions du jeu : des bottes pour se déplacer, une épée pour attaquer, un bouclier pour se protéger des coups, une gourde pour se soigner, un coffre pour recevoir un bonus et un piège d’un vilain vert vénéneux dont je vous laisse deviner la fonction. Ce mouchoir est imprimé des mêmes symboles aux mêmes endroits au verso.

 

Le fameux mouchoir, à plat.

Le fameux mouchoir, à plat.

Le fameux mouchoir, après un pliage réussi. Bien joué, le nain !

Le fameux mouchoir, après un pliage réussi. Bien joué, le nain !

 

La partie

L’explication des règles va très vite : à chaque tour, une carte Secret est dévoilée comportant plusieurs symboles. Les joueurs doivent alors trouver le plus vite possible comment plier leur mouchoir afin de ne laisser visible que les symboles demandés : ni plus, ni moins. Dès qu’ils ont fini, ils s’emparent des billes de bois, ce qui déterminera l’ordre du tour. Ils appliquent alors toutes les actions portées par leur mouchoir, s’en servant pour courir autour de l’arène et se taper dessus avec bonne humeur. Le dernier joueur à avoir terminé son pliage (la faute à sa cervelle en gelée ou ses doigts en spaghetti) n’a pas le droit d’utiliser les actions du mouchoir. Il est donc réduit à un maigre socle d’actions minimum pour ce tour, de quoi tituber en direction d’un adversaire et peut-être lui mettre une gifle.

 

Quelques exemples de cartes Secret qui vous disent comment plier votre mouchoir. Par exemple, la carte du bas exige de ne laisser paraître que 3 symboles, dont 2 épées. Regardez un peu le mouchoir ci-dessus et tentez donc le coup. (Réponse en bas de l'article).

Exemples de cartes Secret qui disent comment plier son mouchoir. Celle du bas exige de ne laisser paraître que 3 symboles, dont 2 épées. Regardez le mouchoir ci-dessus et tentez donc le coup. (Réponse en bas de l’article)

 

Ce jeu d’origami frénétique remplace agréablement un traditionnel lancé de dé. Le tirage de la carte d’initiative au début du tour fourni des défis variés (la plupart sont fort simples, mais quelques cartes posent de vrais casse-têtes), mais font également varier considérablement la dynamique de chaque tour. Certaines cartes encouragent fortement le déplacement et tout le monde s’éparpille ou se pourchasse dans l’arène. D’autres confèrent une lourde puissance de feu, ou au contraire forcent tout le monde à prendre du répit pour un tour. La plupart des cartes laissent également un ou deux symboles libres à présenter, afin que les joueurs puissent avoir une marge de liberté. Mais si les joueurs plient leur mouchoir trop vite, ils risquent de révéler un piège, qui sanctionne immédiatement avec perte de points de vie à la clef.

Chaque joueur dispose de 8 points de vie à l’origine, et peut infliger au moins un point de dégât par tour, parfois trois ou quatre. Il est possible de collectionner les boucliers pour se prémunir des attaques ou de se jeter une petite gourde d’eau-de-vie en douce pour reprendre des forces, retardant un peu l’inéluctable. Mais dans la pratique, les points de vie tombent plutôt vite.

Et là, Battlefold fait très fort : le joueur occis n’a pas perdu pour autant. Il retourne sa plaquette, et le fantôme de son personnage continue à hanter l’arène ! Pendant que ses adversaires se tapent dessus comme des sourds, lui en profite pour leur ponctionner de l’énergie psychique. S’il fait le plein de sa jauge d’énergie, il peut « transcender » ce monde de brutes et gagner la partie. Il n’est pas facile de jouer le fantôme : il repart pratiquement à zéro et il lui est plus difficile d’attaquer qu’avant. Mais il est à l’abri des agressions adverses, ce qui fait que son compte d’énergie monte inexorablement. Ce joueur devient donc un timer qui, sans faire de tort aux autres, les contraint quand même à mettre fin au combat le plus vite possible. Un joueur qui meurt tôt a des chances tout à fait raisonnables de l’emporter en tant que fantôme. 

 

Le chaton voleur a voulu tenter le coup des neufs vies et est mort prématurément. Qu'à cela ne tienne, le voilà devenu un chaton voleur fantôme qui essaye péniblement de sucer de l'énergie.

Le chaton a voulu tenter le coup des neuf vies et est mort prématurément. Le voilà devenu un chaton voleur fantôme qui essaye péniblement de drainer de l’énergie.

 

L’ensemble du jeu est riche de petites trouvailles comme cela qui maintiennent l’ambiance et le rythme de la partie. Par exemple, le fait que chaque personnage puisse frapper dans une direction différente les contraint à se repositionner en permanence pour garder leurs adversaires dans le viseur, au lieu de s’enliser dans un bête face-à-face. Le jeu ne présente pas une profondeur abyssale, et on en saisit vite les tenants et aboutissants mais tout est fait pour que chaque minute qui passe envoie du poney.

 

Tout se joue dans les derniers coups. Le dragon et nain jouent à cache cache autour du chat-fantôme pour éviter de se prendre une attaque fatale. Pendant ce temps, le maléfique matou se gave impunément.

Les derniers coups : dragon et nain jouent à cache cache autour du chat-fantôme pour éviter de se prendre une attaque fatale. Pendant ce temps, le maléfique matou se gave impunément.

 

Conclusion

On regrettera peut-être un peu le manque de renouvellement des partis (à voir) et la relative facilité de la majorité des pliages (mais ça c’est parce qu’on aime se faire mal). En tout cas, en transposant ce gameplay exotique de pliage de mouchoir dans un contexte de combat d’arène sans aucun rapport, les créateurs prenaient un pari plutôt risqué. On peut dire que l’essai est transformé. Battlefold est un titre frais et nerveux, accessible à tous, qui vous titillera agréablement les méninges. 

 

Réponse au pliage des 2 épées : 3 plis. Qui dit mieux ?

Réponse au pliage des 2 épées : 3 plis. Qui dit mieux ?

 

Les autres articles d’El Cam => par ici les amis !

Vous aimez les gladiateurs en slip ? => Arena! For the Gods analysé par fouilloux

Vous voudriez en savoir plus sur Fold It, l’inspiration pour Battlefold ? => Lana & son papa y ont joué ici

La fiche de jeu 

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3 Commentaires

  1. morlockbob 01/08/2017
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    Que voilà un jeu inattendu, belle découverte.

    Par contre malgré son talent, je ne trouve pas que V. Dutrait puisse tout dessiner…pas trop fan des illustrations pour ce genre d’univers…

  2. Grovast 01/08/2017
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    Un osé mariage que celui pliage (activité plutôt inoffensive a priori) et de la baston (passe-temps plutôt Geek quand même).

    J’applaudis l’idée et la prise de risque, à regret, car autant la première composante aurait certainement attiré et plu, autant la seconde composante disqualifie le jeu par chez moi.

    De ce pas chez Mr Izo me laisser conter Fold-it je vais.

  3. Oursonmaniac 03/08/2017
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    Testé au PEL 2017

    Super jeu ! Tout le monde a bcp aimé ! En plus si on s’acharne un peu trop à poutrer un joueur, celui ci se rapproche dangereusement de la victoire avec le mode fantôme.

    C’est fun, ça passe vite, trop vite, et chaque perso se joue différemment dans l’arène.

    Une préco assurée de par chez nous !

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