À la poursuite du lapin blanc : le point sur T.I.M.E. Stories
Vous auriez l’heure jeune homme ? Je crois que je suis en retard…
T.I.M.E. Stories, c’est un peu l’Arlésienne du jeu de société. Il a partagé ce rôle pendant pas mal de temps avec Roll for the Galaxy, mais, depuis que ce dernier est enfin sorti, il est l’unique détenteur du titre. On l’attendait à chaque fois au tournant, mais il ne nous gratifiait que par du teasing (une bribe d’interview par ci, une image par là), puis disparaissait au coin de la rue suivante, telle une femme fatale des films noirs des années 40. Mais c’est ça qui marche bien sûr, qui nous fait saliver, donne envie d’en apprendre le plus possible, quitte à soudoyer des gens du milieu en leur payant des verres et espérant qu’ils lâchent un précieux petit morceau d’info (mais non, on ne bosse pas comme ça chez Ludovox 😉 ).
Non, je n’ai pas le temps de vous raconter toute ma vie !
Rapide petit historique quand même pour resituer :
T.I.M.E. Stories, on en parle depuis looooongtemps, avant les Space Cowboys même.
Il s’agit d’une création de Manuel Rozoy, prévue au départ pour être éditée chez GameWorks. À l’origine, W. Eric Martin de BoardGameGeek en faisait déjà mention (et avait eu l’occasion de l’essayer) en octobre 2012 à Essen, et il était à ce moment-là prévu pour Essen 2013.
Quand on a annoncé la création de Space Cowboys, regroupant une part du gratin du monde ludique francophone, on a tout naturellement entendu reparler de T.I.M.E. Stories, vu que Sébastien Pauchon, le boss de GameWorks, faisait désormais partie de la dream team.
Je ne vais pas citer les différentes deadlines toujours repoussées, car, pour moi en tout cas, l’essentiel est d’avoir au final un bon jeu, peu importe s’il faut une patience de Dalai lama.
Au départ, le jeu était annoncé pour 3 à 4 joueurs uniquement, et la boîte de base devait contenir deux à trois scénarios. Actuellement, on en est à 1 à 4 joueurs (2 à 4 officiellement sur la fiche de BGG, mais, dans un des topics, il est précisé que c’est jouable en solo aussi), mais un seul scénario dans la boîte, avec de la place pour stocker les suivants.
Mais prenez donc le thé avec nous, et écoutez bien…
Oui, mais bon, ça parle de quoi ?
Ah, voilà, bavasser sur les retards et le développement, c’est bien, mais intéressons-nous un peu au jeu proprement dit.
Depuis le début, il est défini comme étant du « decksploring », un nouveau concept, un jeu d’exploration basé sur des cartes. Avec résolution d’énigmes et un thème très fort. L’exploration est très libre et proche de l’expérience d’un jeu de rôle, mais sans maître du jeu, tout se résolvant à la lecture et à l’observation des cartes.
Et tout cela avec pour constante le temps. Le temps de par votre profession d’agent temporel, de par la durée limitée d’une exploration, puis la boucle temporelle qui vous permet d’y revenir (j’en parlerai plus tard). Vous incarnez donc un agent d’une organisation futuriste de régulation du temps, T.I.M.E. Votre agence traque les failles temporelles et tente de les refermer avant qu’elles ne causent des dégâts au continuum espace-temps. Les agents sont donc envoyés à une certaine époque pour investiguer et s’incarnent dans des personnages locaux.
American horror story, Asylum
Le premier scénario, qui sera dans la boîte de base, se déroule dans un asile dans les années 20. Les joueurs prennent donc possession de pensionnaires assez hauts en couleur et ayant leurs caractéristiques propres.
Le plateau reprend un plan de l’asile, et chaque pièce dans laquelle on peut se rendre est constituée d’une série de cartes qu’on dispose devant les joueurs une fois que ceux-ci ont précisé leur destination.
Les joueurs se déplacent donc toujours ensemble de pièce en pièce, mais explorent des endroits différents de celles-ci.
Ils se répartissent l’exploration en se concertant, et selon qu’ils pensent que tel ou tel de leur personnages, d’après ses talents, sera le plus utile.
On ne leur montre que la face illustrée des cartes représentant la pièce où ils se trouvent. Chacun à leur tour, ils peuvent utiliser leur action pour se rendre dans un endroit de la pièce en question, afin de soit parler avec un personnage, soit examiner un objet bien précis.
C’est alors qu’ils peuvent retourner la carte correspondante et en prendre connaissance secrètement, ils feront part de ce qu’ils souhaitent ensuite à leurs camarades.
Certaines cartes révéleront également autre chose si l’on dispose d’une information préalable ou d’un objet utile.
Un certain nombre d’unités de temps sont alors déduites du compteur total (d’une valeur de 60 maximum, mais dont le point de départ sera déterminé par le scénario).
Quand celui-ci atteint son terme (ou qu’un personnage meurt), les joueurs sont renvoyés dans le futur, au QG de T.I.M.E., et doivent repartir pour un nouveau « cycle ».
Mais, forts de leurs découvertes précédentes, ils peuvent se concentrer sur ce qu’ils n’ont pas encore exploré, ou revenir sur un indice particulier qui leur semblait essentiel, et donc ne plus perdre de temps avec des fausses pistes préalablement explorées. C’est là que l’aspect « jeu de rôle » (toutes proportions gardées et dépendant évidemment des joueurs) va se faire ressentir, lorsque tout le monde va échanger idées, points de vue et souvenirs afin d’optimiser la nouvelle exploration. On peut compter au moins trois ou quatre de ces boucles temporelles avant de finir un scénario.
« L’expérience, c’est le nom que chacun donne à ses erreurs. »
Comme les scénarios peuvent être longs, il y a, tel un jeu vidéo, un système de « sauvegarde » (en rangeant les cartes d’une certaine façon dans la boîte), qui permettra de reprendre le jeu là où on l’avait arrêté.
L’aspect visuel est très important aussi, car des indices peuvent se cacher dans des dessins. D’où l’obligation de s’attacher les services d’illustrateurs de talent pour chacun des scénarios.
Vincent Dutrait, par exemple, qu’on ne présente plus, est l’illustrateur du futur scénario dans un environnement médiéval-fantastique (son travail en cours de finalisation).
Pour le scénario de la boîte de base, « Asylum » (avec 8 personnages jouables), de Manuel Rozoy et Peggy Chassenet, ce n’est pas moins de trois illustrateurs qui s’y collent : Benjamin Carré, David Lecossu et Pascal Quidault.
Et maintenant ?
La bonne nouvelle, c’est que le jeu, prévu pour Essen 2015, sortira finalement le 5 septembre 2015.
Un second scénario (écrit par Nicolas Normandon et illustré par Looky et Pascal Quidault) vendu séparément, sera disponible à part peu après. Il est intitulé « The Marcy Case » et se déroulera aux Etats-Unis, en 1992. Puis « Sous le masque » le scénar égyptien signé Montiage arrivera au premier trimestre 2016, les scénarios suivants sortiront normalement au rythme d’un par trimestre. Il y aura aussi la possibilité de création d’histoires : L’éditeur fournira gratuitement sur son site tous les modules (gabarits, visuels, picote, etc.) nécessaires pour que tout le monde puisse créer ses propres scénarios.
Chaque scénario se composerait de 120+ cartes représentant tous les lieux et aurait une variation dans la mécanique et/ou les objectifs de jeu, pour une durée d’environ 90 minutes en moyenne par session (mais cela dépendra beaucoup de la façon de jouer, et des scénarios). La boîte de base contiendra tout le matériel générique commun à tous les scénarios (règles, plateau, dés, pions et jetons).
Vous reprendrez bien un peu de thé ?
Alors, qu’en penser ? Encore difficile de se prononcer à l’heure qu’il est évidemment. Afin de ne pas spoiler le jeu, la partie démo à laquelle j’ai pu participer ne reprenait que le tout début du scénario Asylum et avait juste pour but de donner envie. Mission accomplie de ce côté-là, même avec si peu, on a clairement envie d’en apprendre plus et de découvrir le jeu.
Maintenant, la question qui se pose surtout est si les joueurs voudront dépenser 45€ (prix conseillé) pour une boîte ne contenant qu’un seul scénario a priori pas hyper rejouable (à ce que j’ai pu en lire, en tout cas sur les premiers), et en sachant que chaque scénario suivant (si l’on se fie au tarif de la première extension) coûtera 25€ en moyenne (mais cela dépendra de votre point de vente et aussi des scénarios car certains sont plus riches en matériel que d’autres).
Je ne mets ici pas du tout en cause la qualité des scénarios, mais j’imagine que beaucoup de joueurs se poseront légitimement la question quant à l’investissement.
Par exemple, W. Eric Martin dit avoir terminé « The Marcy Case » en quatre boucles temporelles et six heures en tout. En comparaison, Sherlock Holmes Détective Conseil, dont les fans devraient normalement apprécier T.I.M.E. Stories, contenait quand même dix scénarios dans la boîte.
Question rejouabilité, il pourrait cependant en être autrement pour certains des scénarios suivants. Le scénario médiéval-fantastique, par exemple, intégrerait des réactions différentes de personnages non-joueurs selon les rôles que vous incarnez. Il n’est pas exclu de voir venir des scénarios semi-coopératifs également.
Alors l’essayer c’est l’adopter ? L’avenir nous le dira 🙂
>> La fiche de jeu avec les autres articles sur le sujet
Un jeu de Manuel Rozoy
Illustré par Ben Carre, David Lecossu, Pascal Quidault, Vincent Dutrait
Edité par Space Cowboy
Langue et traductions : Anglais, Français
Date de sortie : 09/2015
De 2 à 4 joueurs
A partir de 12 ans
Durée moyenne d’une partie : 45 ou 90 minutes (en sauvegardant)
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Cormyr 03/08/2015
Je suis étonné par les 90 minutes que tu annonces. Croc m’avait dit 4 à 5h. D’ailleurs tu annonces 6h pour terminer Marcy Case.
Il est certain que la non ré jouabilité des scénarios au prix de 25€ va faire réfléchir les joueurs. C’est classique dans les jeux de rôle mais pas du tout dans les jeux de société. Autre écueil, la durée des parties. Certes il y a des sauvegardes et on peut donc jouer un scénario en plusieurs séances, classique aussi dans les jdr, mais plus difficile avec un public de joueurs de jeux de société ce n’est pas pour rien que FFG a fait Descent 2 où un scénario peut se faire en 3h où il en fallait 6 ou 7 avant.
En fait, là où les Donjons Crawler reprennent principalement les aspects tactiques des jdr pour un faire un jds, TIME Stories reprend les aspects narratifs en arrivant à se débarrasser du meneur et en faire un jeu de société.
Bref, une édition courageuse pour un jeu original qui sort du format standardisé des jeux actuellement. Et rien que ça c’est remarquable. Mais surtout j’ai trouvé le jeu vraiment super après la partie demo au salon de Toulouse. Et j’ai vraiment envie de m’y lancer. Restera à trouver les joueurs prêts à investir le temps nécessaire.
Wraith75 03/08/2015
Salut Cormyr,
Euh, ne serait-ce pas Shanouillette qui a rajouté 90 minutes, je ne me souviens pas d’avoir écrit cela (toutes mes excuses si je suis amnésique) ?
Oui, ce serait plutôt au moins 3 ou 4 heures par scénario.
W. Eric Martin a fait 6 heures, mais il a joué ses 4 séances en presque deux ans, au gré des salons, mais en retrouvant à table les mêmes joueurs.
Shanouillette 03/08/2015
Oui mea culpa ! J’ai précisé 90 minutes en moyenne par session
Dixit Space cowboys « Un scénario pourra (si vous le désirez, bien sûr) être découpé en plusieurs sessions de 90 minutes, soit plusieurs fois 90 minutes. le nombre de sessions dépendant du talent, de la chance des joueurs, et, bien entendu, des scénarios. »
Cormyr 03/08/2015
J’avais zappé la subtilité du session 🙂
Tchouchen 03/08/2015
A la base le jeu de base devait être vendu 25€ (sans scénario, comme un livret de base de jdr) et ensuite chaque scénario 25€
Cela permettait à un joueur qui voulait acheter le jeu et qui avait déjà fait le premier scénario, de prendre les règles + le scénar de son choix pour 45€
La pression mis par les joueurs avant la sortie du jeu, a incité les spacecowboys a faire une boite avec le premier scénario… ils n’auraient pas du céder aux caprices des joueurs.
Quentin_be 03/08/2015
Avec un peu de chance (les places étant limitées), vous pourrez l’essayer lors du Brussels Games Festival les 15 et 16 août ! 🙂
Plus d’infos : https://www.facebook.com/BrusselsGamesFestival et http://brusselsgamesfestival.be/fr/program/editors/asmodee_benelux.html
Daybay 05/08/2015
On peut faire un parallèle avec les jeux vidéos peut être.
Ici 25 e pour 4h de jeu.
Un jeu vidéo qui se termine en 12h pour 70 euros à sa sortie.
C’est comparable, non ?
Umberling 05/08/2015
Ça peut l’être. Pour moi le souci n’est pas tant le temps que l’unicité de l’expérience vécue. Non ?
Wraith75 06/08/2015
Sauf que deux mois plus tard il est à 40€ sur Steam, et 6 mois plus tard à 15€ pendant les soldes Steam =)
Shanouillette 06/08/2015
Les règles sont sur le site dédié qui vient d’être lancé ici