► E.D.I.T.O. Critiques et influences
À l’occasion de notre invitation à la Radio Des Jeux, nous avons entendu une belle chronique signée par Monsieur Mathias au sujet des critiques, des prescripteurs et des influenceurs. Un large sujet qui m’a donné envie d’écrire cet édito, histoire de rebondir.
Aujourd’hui, c’est une question qui peut être abordée sous deux angles quasi antinomiques. D’un côté, par celui qui a quelque chose à vendre, et de l’autre, par celui qui a potentiellement quelque chose à acheter. Depuis toujours, qu’on le veuille ou non, les critiques, prescripteurs, influenceurs se situent au beau milieu de ces deux opposés. Ils jouent le rôle du trait d’union, de la chambre d’écho, et dans la pratique, sont interdépendants à divers degrés, voire soumis à ces deux pôles par des intérêts partagés. Mais comment leur rôle est-il perçu par les uns et les autres ? Quel est leur impact réel sur les actions d’achat dans le j2s ? À l’heure où la fonction de critique disparaît dans les principaux secteurs culturels au profit des algorithmes et des agrégateurs, n’y a-t-il plus de place pour une quelconque expertise ? À l’heure des 4 ans du site, il me tardait d’approfondir ces questions.
Algorithme vs sérendipité
Il s’agit d’un phénomène connu dans les grandes industries culturelles (littérature, le cinéma, la musique, etc) : le critique traditionnel a perdu de son poids. Il ne fait plus vendre, il est moins lu. Sur Internet, « le populisme est le nouveau modèle du cool ; les élitistes sont les nouveaux ringards » annonçait Alexandra Molotkow dans le New York Times en 2012, grandement relayée depuis. Nombre de journaux nationaux ont mis les critiques culturelles à la marge, sorti ces derniers des pages d’accueil, faute d’audiences jugées suffisantes.
On le sait, l’information, bien public pourtant traité en marchandise, subit de nombreuses transformations. Les marques deviennent des médias, et les journalistes sont de plus en plus remplacés par des data scientists. Le fondateur de Narrative Science, Kristian Hammond, estime que d’ici 2025, environ 90% des articles seront “générés par des algorithmes”.
Le constat est simple, les habitudes des utilisateurs ont changé et chacun peut faire l’expérience : On choisit désormais un film en regardant le nombre d’étoiles sur AlloCiné, un restaurant en regardant sa note globale sur TripAdivsor, une musique parce qu’elle est proposée via les curated playlists de Spotify ou Deezer, etc.
Le risque ? S’installer confortablement dans sa bulle de filtres, entretenir un cercle (vicieux, non ?) où opinions, préférences et perspectives sont limitées par ce que nous connaissons déjà, et prendre pour argent comptant non pas ce qui est le mieux pour nous, mais ce que d’autres décident à notre place. Pour en sortir, la sérendipité (“hasard heureux”) et quelques initiatives notables, comme des extensions pour navigateurs qui permettent de mettre les bulles de filtres en exergue dans les recherches.
Devant la démultiplication à l’infini de l’offre culturelle, la révolution numérique des médias est en cours, se reposant de plus en plus sur les machines, de moins en moins sur l’Homme. Pour vous faire des recommandations, les algorithmes prennent en compte vos comportements, vos habitudes, et mixent tout ça avec les tendance du marché, voire avec d’autres biais : on sait qu’il est possible de payer pour être mis en avant sur de certains sites comme les recommandations littéraires d’Amazon ou de la Fnac…
Les réseaux ont changé la donne
Aujourd’hui, l’internaute est volatile, il clique et consomme de l’info de partout, sa fidélité n’est plus tout à fait celle des forumeurs des années 2000 : cette population là a vieilli, tandis que les nouvelles générations ont grandi avec les réseaux sociaux et youtube dans la poche. D’ailleurs, le coût de modération et de maintenance des gros forums rend parfois ces derniers difficiles à rentabiliser : certains lieux d’échange culturel d’il y a 15 ans, tels IMDb, ont fermé leur forum car ils étaient finalement juste pris d’assaut par les trolls. Pour les sites qui produisent réellement du contenu, les lieux de discussions se trouvent désormais essentiellement dans les commentaires, sous les contenus. Les forums ont pourtant le mérite d’archiver les discussions, ce qui permet de retrouver à tout moment une réponse à une question : cela en fait indubitablement une force face aux réseaux sociaux, aux contenus plus égocentrés et éphémères.
Si positionner sur Facebook permet rapidement d’agglomérer une communauté, c’est aussi accepter d’être locataire chez Mark Zuckerberg, qui écrit (et change) les règles du jeu pour vous et votre groupe. On a vu dernièrement que le nouvel algorithme Facebook a étouffé des rédactions entières (une pensée pour Buzzfeed France), prises à leur propre piège, devant payer pour toucher leur propre communauté et payer encore pour avoir des résultats pertinents sur leur propre campagne…
À côté de tout ça, nous le disions, Youtube a opéré une percée incroyable en matière de diffusion d’informations et d’infotainment. Notamment chez les plus jeunes, c’est là-bas et sur Instagram que les prescripteurs sévissent le plus aujourd’hui et leur rôle est désormais devenu clef dans le marketing d’influence d’un bon nombre de secteurs. Ces influenceurs servent de relais entre une communauté confiante et des marques qui allouent leur service pour mettre en avant un produit (nous y reviendrons).
Et qu’en est-il dans le monde du jeu ?
Le #j2s n’est pas en reste et les joueurs se retrouvent dans toutes ces pratiques : ils regardent les notes sur les sites agrégateurs, échangent sur les réseaux, lisent des avis, regardent des tops sur Youtube. Pour autant, le secteur répond encore à quelques petites particularités. Notamment, le jeu a deux spécificités qui nécessite encore un peu d’“Human Touch”.
D’une part, le fait qu’il s’agisse d’une expérience physique et non dématérialisée empêche le recueil d’informations précises sur vos consommations et habitudes. Par exemple, chez Netflix, c’est un algorithme piloté par 600 ingénieurs à temps plein qui classent tous les films en 76 897 genres pour proposer aux abonnés des recommandations personnalisées en fonction de leurs intérêts. En d’autres termes, même si vous ne rentrez aucune note sur les séries que vous avez regardées, Netflix connaît vos préférences. A contrario, aujourd’hui il reste difficile de mesurer de façon précise à quoi jouent les joueurs. Aucun réel suivi sur des masses critiques n’est possible. On a déjà du mal à savoir ce qu’ils achètent de façon incontestable… (à ce titre le rapport annuel de 2017 publié par Reixou est un précieux indicateur).
D’autre part, de par sa posture actuelle, à la marge, l’industrie du jeu de société moderne connaît grosso modo, deux profils d’acheteurs : Soit l’amateur (allant de l’amateur à l’expert en passant par le casu et le geek, salut les amis !) qui se tient plus ou moins au courant, soit le néophyte qui cherche un jeu uniquement pour une occasion spéciale (la célèbre Dame Michu qui entre dans la grande surface spécialisée la veille de Noël).
Dans le second cas, le consommateur ne va ni voir les tops sur Youtube, ni les notes sur les sites agrégateurs spécialisés. Il va plus sûrement entrer dans une boutique et se fier aux arguments de la boîte (le maquettage et le marketing, les récompenses et labels) et à ceux du vendeur. Dans l’autre cas, l’amateur “connaisseur”, lui, suit plus ou moins l’actu, et surtout il cherche des recommandations de personnes de confiance avant d’acheter. Dans ce cadre, la note obtenue par un jeu sur tel ou tel site peut guider son acte d’achat. Cela opère comme un premier filtre, mais bien souvent, le consommateur un tant soit peu éclairé va chercher à corroborer ses premières impressions avec d’autres sources (commentaire, review vidéo ou écrite, buzz sur les réseaux, conseil d’ami…).
►Note et avis
Comme nous le disions lors de l’émission de la Radio des Jeux “une note n’est pas un avis.” Si l’on commence par regarder la note, on va ensuite chercher à comprendre pourquoi (surtout si elle est terriblement haute ou mauvaise) en lisant les commentaires ou les arguments d’une review. Selon une étude, 90% des consommateurs lisent 10 commentaires avant de se sentir ou non en confiance. Il en va certainement de même dans le #j2s.
Il est normal de se méfier un peu des notes. Prenons le cas de Walking Dead No Sanctuary. Avant même que le jeu ne soit livré, il obtenait une note fort médiocre sur BGG, à cause de la mauvaise presse qu’a l’éditeur auprès d’une partie de la communauté (liée à des expériences passées). Quand les premiers backers furent livrés, d’autres notes très mauvaises sont apparues, simplement pour sanctionner la direction artistique (les joueurs n’avaient même pas lu les règles du jeu). Les figurines en particulier, très décevantes, méritaient qu’on “casse” le jeu à elles seules. Une fois que les joueurs ont commencé à jouer, la note a remonté, car le jeu en lui-même n’est pas si mal (malgré son édition ras les pâquerettes) !
Ce genre de situation est courante. On remarque aussi l’inverse évidemment : certains jeux jouissent d’excellentes notations simplement car l’auteur/éditeur a bonne réputation ou que le jeu a l’air beau/bien.
Puis, c’est la viralité, les effets de buzz, les mouvements de foule, avec des tendances qui peuvent parfois faire énormément de bruit (à noter que ce n’est pas parce qu’un jeu fait énormément parler de lui qu’il va se transformer en long seller, loin s’en faut).
On sait par ailleurs qu’il est tout à fait probable que des postes sur les sites ou les réseaux sociaux soient rémunérés. Gardez à l’esprit qu’il est de nos jours possible de devenir le meilleur restaurant de Londres sans avoir servi un seul plat (voir l’expérience du Shed at Dulwich). On sait que les retours biaisés, les fausses recommandations, les renvois d’ascenseur (voire de monte-charge) sont monnaie courante sur Internet, et le secteur du jeu n’est pas épargné par ces phénomènes.
Bref, dans un tel contexte, les commentaires et reviews de personnes sincères et désintéressées deviennent absolument nécessaires. Là, les influenceurs auront un rôle à jouer, à la condition sine qua none d’avoir gagné la confiance de leur audience. En effet, selon une étude, 43% des interrogés désignent l’authenticité comme étant la première raison pour laquelle faire confiance à un influenceur. En Europe, les relations tarifées entre l’influenceur et les sociétés viennent rapidement ternir cette image de probité, raison pour laquelle cela est souvent tenu caché (difficile de savoir ce qu’a touché tel ou tel influenceur pour telle ou telle production de contenu) même si ce manque de transparence peut, à terme, nuire. À noter que ce genre de pratiques passent beaucoup mieux aux US (autre pays, autres mœurs !). Mais la confiance peut naître simplement si la personne semble proche et sympathique. L’image de l’influenceur et la proximité qu’il entretient avec sa communauté permet un engagement réel, qui va dans un tiers des cas jusqu’à l’acte d’achat (source : étude).
Tout un panel existe entre le critique et l’influenceur. L’influence n’est pas une évaluation forte, mais plutôt une visibilisation d’un produit dans un écosystème saturé. C’est par ailleurs souvent la célébrité qui fait que l’influenceur est bankable, non ses réelles compétences critiques.
Nous voyons bien qu’en règle générale, les médias, tant qu’ils n’inventeront pas un mode de financement solide et juste, resteront un milieu poreux (comprendre contenant des vides économiques) le rendant très perméable à toutes sortes de rapprochements engendrant des contraintes lourdes sur la qualité et la nature des publications. Pour une information libre, le Monde diplomatique proposait la solution d’une cotisation sociale d’irrigation sectorielle sur toute la presse généraliste et spécialisée “avec l’espoir de démentir enfin l’écrivain autrichien Robert Musil, qui déplorait il y a déjà près d’un siècle : “Les journaux ne sont pas ce qu’ils pourraient être à la satisfaction générale, les laboratoires et les stations d’essai de l’esprit, mais, le plus souvent, des bourses et des magasins” (projet pour une presse libre).
Et nous dans tout ça ? (profession de foi)
Force est de constater que nous avons fait un pari risqué sur le Vox, à contre courant, en misant sur de l’éditorial produit par un petit nombre de connaisseurs plutôt que de faire de l’agrégation. Aujourd’hui, nous savons que nos lecteurs sont essentiellement des amateurs avides d’une certaine expertise. Nos stats ne mentent pas : les gros articles de fond sont les plus lus, et la page des Tests est la plus visitée (hors accueil).
Nous nous inscrivons tout de même dans la tendance actuelle, en mettant à disposition quotidienne news, photos, vidéos, podcasts que nous produisons ou choisissons chez des partenaires triés sur le volet. Nous essayons par ailleurs d’offrir un site où l’utilisateur peut aller le plus vite possible sur l’information qu’il recherche, sans le parasiter avec de la pub ou des clics inutiles. Mais comme nous restons vigilants sur notre capacité à produire un contenu non entravé ou affecté par des interdépendances opposées à nos inclinaisons déontologiques, notre pérennité économique reste des plus fragiles. C’est là où nos lecteurs et notre Tipeee entrent en jeu. Nous nous inscrivons là dans une large mouvance : le financement participatif s’avère un levier de plus en plus utilisé pour les médias (notamment spécialisés et alternatifs) à l’instar de bien d’autres domaines (des créations artistiques aux ONG comme médecins sans frontières), tous en quête d’indépendance.
► Déontologie
Puisqu’on en parle, il est toujours bon de rappeler notre ADN. Sur Ludovox, nous avons des rédacteurs indépendants et de confiance, ils peuvent écrire leur opinion librement, sans avoir affaire aux créateurs (comprendre auteurs/éditeurs) des jeux. Leur texte est relu par la rédaction, qui veille à un certain niveau de qualité et de pertinence. Nous tâchons de toujours rester vigilants dans les diverses strates du processus de production, pour parvenir à une opinion qui ne soit pas influencée par des éléments personnels ou professionnels annexes.
Mais le chroniqueur j2s étant un être humain, il a des défauts. Par exemple, il ne peut pas jouer à tout ! Son travail débute par un certain filtrage. Il se repose sur des outils et des personnes pour faire ce premier tri, quitte à prendre le risque de ne pas repérer un titre qui serait déjà injustement passé sous les radars. Après, pour le reste, au-delà de la subjectivité, tout est question d’expérience, de distanciation, d’analyse, de culture, d’écriture, d’honnêteté. Et nous pensons que celui qui peut rassembler ces qualités peut aussi jouer un rôle dans notre écosystème. Qu’il n’est peut-être pas pour rien dans l’augmentation de la qualité des jeux. De plus en plus d’auteurs, d’éditeurs et de distributeurs semblent le penser aussi, acceptant de mieux en mieux le jeu de la critique, l’encourageant pour certains, comprenant qu’elle peut même leur être utile si elle est de qualité. Depuis 4 ans, nous constatons que les choses ont nettement évolué, même si la marge de progression reste large.
Pour conclure sur ce dernier édito de la saison avant une douce période de trêve, il paraît important de rappeler ici que chacun peut, à sa façon, nous aider à garder le cap que l’on s’est fixé avec Ludovox. Entre autres, vous pouvez relayer nos contenus, interagir avec le site, entrer vos parties et avis, ou bien sûr faire un don sur Tipeee ! ⤵
Au nom de toute la team, merci !
Bel été à tous. 🙂
Pour aller plus loin :
- Le critique culturel est mort
- Les nouveaux critiques culturels : de la prescription à l’influence
- Quand les sites institutionnels deviennent agrégateurs de média sociaux
- Pourquoi les entreprises deviennent des médias
- Algorithmes et robots journalistes
- Comment Netflix cerne vos désirs même inexprimés
- Une année de jeux de société en France par Reixou
- Projet pour une presse libre
Umberling 05/07/2018
Ouiiiii !
damien 05/07/2018
Je vous lirai avec plaisir. Mais c’est l’occasion de citer à nouveau la préface de Mademoiselle de Maupin par Théophile Gautier, que j’ai retrouvé dans un article sur la haine de la critique, et qui me fait marrer à chaque fois par sa verve:
« Une chose certaine et facile à démontrer à ceux qui pourraient en douter, c’est l’antipathie naturelle du critique contre le poëte, — de celui qui ne fait rien contre celui qui fait, — du frelon contre l’abeille — du cheval hongre contre l’étalon.
Vous ne vous faites critique qu’après qu’il est bien constaté à vos propres yeux que vous ne pouvez être poëte. Avant de vous réduire au triste rôle de garder les manteaux et de noter les coups comme un garçon de billard ou un valet de jeu de paume, vous avez longtemps courtisé la Muse, vous avez essayé de la dévirginer ; mais vous n’avez pas assez de vigueur pour cela ; l’haleine vous a manqué, et vous êtes retombé pâle et efflanqué au pied de la sainte montagne.
Je conçois cette haine. Il est douloureux de voir un autre s’asseoir au banquet où l’on n’est pas invité, et coucher avec la femme qui n’a pas voulu de vous. Je plains de tout mon cœur le pauvre eunuque obligé d’assister aux ébats du Grand Seigneur. »
Shanouillette 06/07/2018
Haha je me demande qui est le plus frustré des deux quand je lis ça 😉
moi j’ai pensé à mettre la citation tirée du film Ratatouille : « le met le plus médiocre a sans doute plus de valeur que notre critique qui le dénonce comme tel. Il est pourtant des circonstances où le critique prend un vrai risque. C’est lorsqu’il découvre et défend l’innovation. Le monde est souvent malveillant à l’encontre des nouveaux talents et de la création. Le nouveau a besoin d’amis. »
Cela dit, si la critique gastronomique, tout comme la majorité des autres secteurs d’ailleurs, tombe plus facilement dans la critique assassine et a du mal à « défendre » et à s’émerveiller, dans le jds c’est plutôt une tendance opposée (#bisounours) – liée aux questions soulevés dans l’article ;).
eolean 06/07/2018
Passionnant cet édito, merci ! 🙂 Et puisque c’est le dernier de la saison, j’en profite pour vous remercier pour l’engagement et la qualité dont vous avez encore fait preuve cette saison ! Bravo ^^
Concernant l’article, je pense que l’explosion culturelle survenue depuis 20 ans avec internet continue de produire ses effets. Les anciens codes permettant d’avoir des points d’appuis de référence unique et proposé par des tiers (les critiques des média) antérieurs à cette explosion ne peuvent plus répondre uniquement à la masse de contenu média-culturelle disponible. La multiplicité des avis agit comme un effet de sondage. La qualité d’un avis vient désormais également de sa quantité. 4 étoiles avec 100 avis valent plus que 5 étoiles avec 3 avis. Qu’importe qui rédige ces avis…
Cependant, on observe néanmoins que dans ce torrent d’influence, certains sortent du lot. Certaines personnes émergent et leurs avis prennent plus d’influence et au final, on se retrouve avec un plébiscite populaire sur certaines personnes qui deviennent pour certains des références. Avant certains achetaient première ou madmovies pour le cinéma en fonction de leur sensibilité. Aujourd’hui on choisit également nos sources de confiance, nos référent culturel. C’est juste qu’on a beaucoup plus de choix.
Au final, nous avons et je pense que nous aurons encore et toujours besoin de références pour nous faire nos propres opinions. Simplement parce que nous n’avons pas le temps de jouer à tout. Et je crois pour ma part que c’est l’expérience qui nous amène à nous identifier tel ou tel.
Concernant le vox, je vais particulièrement suivre avec intérêt les articles d’atom, de grovast ou encore zuton parce que j’ai appris avec le temps qu’on joue peu ou prou dans la même cour.
Mais ce qui est passionnant, c’est que ça relève également de questions fondamentales : En qui avons-nous confiance ? En qui nous identifions-nous ? Ca va peut-être au delà du jeu ^^
Shanouillette 06/07/2018
Merci pour ton commentaire et tes compliments. 😉 Oui l’identification est une chose toute personnelle, c’est pour ça que la multiplicité des voix et des médias est importante !
Blue 06/07/2018
Outre le statut de profession qui à mon sens est nécessaire pour écrire des critiques sur le long terme si on veut des critiques avec moins de filtre (le « critique » amateur ayant un job à côté ne va pas passer son temps sur un jeu qui ne lui plait pas, d’autant plus qu’il faudrait une équipe de critique pour chaque jeux contrairement au ciné ou la litérature), le problème de critique ramène essentiellement sur le débat jeux de société = art.
On peut ramener ce discourt au cinéma qui lui est sans discussion possible un art, mais pas que (j’ai du mal à considérer le jeu de société comme un art, je le prend comme un divertissement). J’ai le sentiment que le publique s’intéresse de plus en plus au côté divertissement qu’au côté artistique du produit, et de là, ne lit plus les critiques mais se contente des avis de ceux qui partagent les mêmes goûts que lui.
Pour revenir sur l’acceptation des critiques de la part des éditeurs, il y a indéniablement du mieux, mais il existe encore pas mal d’éditeurs et distributeurs qui refusent de jouer le jeu (très souvent en refusant de donner des exemplaires de presse suite à un article moyen ou en imposant des règles sur le contenu de l’article, voir ignorer complètement les demandes). Au point que je recule de plus en plus sur les exemplaires de presse et préfère nettement traiter des jeux que j’ai acheté sans l’aval de l’éditeur ou auteur (bon, depuis quelques mois, je ne traite plus rien non plus, mais l’envie finira par revenir, c’est cyclique).
Shanouillette 06/07/2018
Merci Blue pour ton partage d’expérience.
On a pu voir récemment (avec les conf’ asmodee research) que la définition même de « jeu » est ô combien complexe, personne n’est d’accord dessus ! Le jeu de société est-il une oeuvre d’art ? Le débat est ouvert. Moi, je ne pense pas, je le définirais plutôt comme un bien culturel à l’instar du jeu vidéo (premier marché culturel de France aujourd’hui). c’est d’ailleurs ainsi qu’on en est venu à parler de « test » plutôt que « critique » pour notre format de retour approfondi, en partie car le j2s reste un bien destiné à la vente, non un pur objet d’art (et là encore on touche à des définitions complexes et contestées, car pour certains l’art est une marchandise comme les autres, mais pour moi, non ^^) et qu’il répond à une expérience physique, sociale, mouvante, le jds ce n’est pas juste une réception et interprétation personnelle, c’est autre chose, de vivant, d’actif, de partagé. Mais cela a déjà donné lieu à beaucoup d’échanges enflammés 😉 bien la preuve que c’est pas simple de trouver des définitions pour tout ça qui fassent l’unanimité.
Concernant la liberté d’écrire, il est clair pour moi que les pressions ne sont plus les mêmes qu’il y a 4 ans, peut-être parce que je me suis épaissie la peau aussi à force de publier mes écrits et de défendre ceux des contrib 😉 et le fait de ne pas être redevable ayant été mis dans notre charte dès le départ, on a posé des bases qui ont permis l’élaboration d’un cadre de travail sur lequel on s’est développés, et petit à petit les pro l’ont de mieux en mieux accepté, on a pris nos marques, et progressivement, on avance.
Ils ne renvoient plus de boîtes parce qu’ils sont vexés ? Bah, ok, c’est pas grave, nous on a toujours plein de choses à traiter, ils diminuent juste leur chance qu’on parle d’eux. Dans un marché saturé, there is no such thing as bad publicity. Clairement, quel que soit le site internet, aucun rédacteur ne devrait se sentir redevable : il reçoit une boîte certes, mais la visibilité qu’il va octroyer même s’il n’a pas aimé le jeu et le temps passé à écrire (ou monter une vidéo), cela à un prix, qui dépasse de loin celui de la boîte sortie d’usine + frais de port (enfin sauf peut-être si vous avez 152 abonnés… ^^). Après vouloir parler que des jeux qu’on a kiffé quand on a une approche amateur me parait compréhensible, car c’est un boulot, revenir sur un jeu qui nous a déplu, c’est la purge avec tout ce qui existe ! Donc oui la professionnalisation des rédacteurs apporte une autre dimension à la critique, et c’est bienvenu, même par les auteurs-éditeurs-distrib : certains nous ont clairement dit que ça leur était utile pour savoir quoi améliorer ou quoi localiser !
Djinn42 06/07/2018
Le seul véritable baromètre quand je cherche à me faire une idée sur un jeu qui pourrait potentiellement me plaire c’est les autres joueurs.
Si untel a les mêmes avis que moi sur certains jeux sortis avant, j’aurais tendance à suivre ses avis futurs.
Si un autre a détesté des jeux que j’ai adoré, j’aurais aussi tendance à suivre attentivement ses avis car ce qu’il n’aime pas j’ai des grandes chances de l’apprécier.
J’imagine pouvoir attribuer une valeur à quelqu’un selon les avis qu’il donne et ce que j’en retiens. Un -5 si je ne suis pas du tout de son avis, jusqu’à un +5 si j’adhère complètement. Rien de public, juste pour moi. Et d’ensuite pondérer et filtrer les avis à partir de ces valeurs. J’appellerais ça des PV (des Points de Vox ©).
Ça me rappelle une discussion avec Shaman. Vous avancez dans une direction de ce type ?
Umberling 06/07/2018
Déjà si tu vas voir le profil de chaque rédacteur (ludothèque, goûts, compétences), tu verras des choses plutôt rigolotes et tu comprendras peut-être mieux leurs avis.
Meeple_Cam 06/07/2018
Je me contenterai de dire que on a, une fois de plus, un edito de qualité et une analyse fine du monde du jeu. Bravo !
Mahg 06/07/2018
A tout cela subsiste une question essentielle, j’oserais presque dire primordiale :
Lorsqu’il a fondé Narrative Science, Hammond a-t-il dépensé sans compter?
Cet ultime édito conclu l’année avec panache (l’expérience du resto fictif londonien m’a scié en deux 😀 ), après une belle série de précédents, c’est un chouette format que vous nous avez proposé cette année, j’espère que nos mots doux vous motiveront garder le cap sur la qualité de ceux-ci 🙂
Bonnes vacances à toute l’équipe!
Thierry Lefranc 20/07/2018
Bonjour,
Tout d’abord, merci pour cet article. Étant joueur, et donc consommateur de jeu, depuis bien avant l’avènement de l’internet, je n’ai jamais tenu compte de la « critique ». Pour moi, le constat est simple. Quel que soit le jeu, il y aura toujours des personnes pour y voir une perle ludique et d’autres un jeu très mauvais. Je n’ai pas peur de me tromper. De la même façon, que ce soit pour un livre ou pour un film, je décide, ou non, de le lire et de le voir. Mais dans tous les cas je refuse d’en voir la bande annonce ou le résumé. J’ai un ami que je titille régulièrement car il choisit ses films en fonctions de la note du site Allo ciné. Je trouve cela incroyable. Nous sommes, de fait, tous différents et même la personne avec qui je vis, et donc avec qui j’ai beaucoup de points communs, peut avoir un avis opposé au mien sur un livre, une série, ou un jeu. Penser que puisque X a aimé le même jeu Y que moi et que maintenant il aime ce nouveau Z, je vais l’aimer aussi me semble hasardeux pour le moins.
Je pense également qu’il est enrichissant d’aller parfois vers ce qui ne semble pas nous correspondre.
N’est-ce pas là le vrai plaisir de le trouver là où on ne l’attend pas ?
J’y pense tous les jours en regardant ma chérie.