Yucatan ou l’euro-castagne
Yucatan est un jeu de Guillaume Montiage (auteur connu entre autres pour avoir co-réalisé Kemet en 2012), édité par Matagot et actuellement en cours de financement participatif sur Kickstarter. Si vous n’en avez pas encore entendu parler, je vous invite à aller lire la présentation qu’en a fait Gougou dans sa Sélection naturelle n°186 des projets participatifs.
Avant toute chose, petit disclaimer, cet article est écrit après une seule partie, non terminée faute de temps, effectuée sur le proto mis à disposition sur Tabletopia. Nous avons joué à quatre joueurs, de 21h à minuit, et nous avons seulement eu le temps de faire deux manches (Tabletopia étant un outil encore moins pratique à utiliser que Tabletop Simulator, mais passons). C’est donc un retour rapide et à chaud, sur cette base imparfaite, mais qui peut être intéressante pour qui se pose des questions sur le jeu et son gameplay avant de pledger.
Yucatan, ça parle de quoi ?
Les joueurs et joueuses incarnent des leaders d’une cité Maya. Vous allez vous développer et envoyer vos chefs au combat, afin de ramener un maximum de prisonniers que vous pourrez sacrifier aux Dieux plus tard. Ceci vous permettra d’assoir votre domination et votre réputation sur le territoire du Yucatan quatre saisons durant.
Pour vous aider dans vos desseins, vous allez pouvoir invoquer des créatures, améliorer vos constructions, grossir la taille de vos armées ou permettre à vos leaders d’obtenir de nouvelles compétences, pour petit à petit prendre l’avantage sur vos adversaires.
On castagne ?
Yucatan est une création de l’auteur de Kemet un jeu où l’on ne passait pas vraiment son temps à se regarder dans le blanc des yeux, mais plutôt à se donner des coups de couteau bien sentis.
Dans Yucatan, il y a quelques similitudes : les affrontements sont au centre du jeu, on y retrouve d’ailleurs une mécanique de cartes. Chaque joueur possède un deck de cartes combat (identique pour tous les joueurs au départ) et lors d’un affrontement, chaque joueur joue secrètement une carte, ajoutant la force de celle-ci à ses unités afin de déterminer la force totale de son armée. La plus forte remporte le combat. Le petit twist ? Les cartes seront définitivement défaussées pour toute la partie à l’exception de la carte de valeur zéro qui peut être reprise en main, ce qui sur le papier offre de beaux dilemmes.
Ce n’est pas tout. Les cartes peuvent non seulement offrir de la force supplémentaire, mais également des capacités spéciales : faire un prisonnier, tuer une unité avant le début du combat, obtenir des récompenses sous conditions, etc. Ce qui va fortement influencer notre choix en fonction de ce que l’on cherche à accomplir évidemment.
Le plateau comporte trois cités permettant d’effectuer des actions lorsque l’on y rentre, comme récupérer des ressources, développer une construction, etc. Si l’on veut effectuer ces dernières, il sera donc primordial de gagner le combat pour y déloger son adversaire. Mais si l’on souhaite plutôt faire des prisonniers, peut-être que la victoire ne sera pas indispensable.
En fin de manche, il faudra choisir le nombre de prisonniers à sacrifier afin de gagner des points de victoire. La subtilité ici, c’est que le choix se fait secrètement, tout en prenant en compte deux paramètres :
- Si un joueur sacrifie plus de prisonniers qu’à la manche précédente, il débloque des niveaux de développement supérieurs, point indispensable pour rester compétitif.
- Si un joueur est celui qui a le plus sacrifié de prisonniers lors de cette manche, il monte une marche de la pyramide, et booste une de ses actions.
On sera donc toujours tiraillé entre sacrifier le plus possible de prisonniers à chaque manche tout en faisant le pari qu’on pourra faire mieux à la manche suivante, ce qui ne sera pas toujours simple 🙂
Eurogame
Yucatan est vraiment un jeu très Euro dans ses sensations, il faut le savoir, les interactions des combats rendent le jeu très interactif et ça c’est très cool, mais même là-dessus on est très loin d’un Ameritrash, puisqu’il y a pratiquement zéro hasard, d’ailleurs si l’adversaire n’a plus de cartes combats, car il les a toutes jouées, on pourra même déjà savoir l’issue du combat avant d’y aller. Il y a quelques éléments avec une interaction indirecte sous forme de course comme sur l’achat de monstres.
Yucatan est donc un jeu avec très peu de hasard. En effet, le seul endroit où on trouve de l’aléatoire est sur l’acquisition de nouvelles cartes combats, pour renouveler sa main au fur et à mesure de la partie. Celles-ci seront en effet piochées au hasard. Et comme personne ne connaîtra ces cartes, il y aura aussi un peu de hasard lors des combats pour l’adversaire. Cela dit, personnellement sur les 4 ou 5 cartes combats que j’ai eues en main, je n’en ai pas vu avec une force vraiment plus importante que les cartes de départ. Ce qui nous intéresse surtout, ce sont les capacités spéciales, qui offrent plus de choix à celui ou celle qui en pioche, ce qui est très appréciable.
Matagot annonce des parties de 60 minutes, de mon côté cette partie découverte a été très longue comme je le disais en introduction, mais sur certains tours ça m’est arrivé de jouer en moins d’une minute, donc effectivement ça doit pouvoir se jouer très vite, si tant est que l’on connaisse un minimum le jeu et que l’on anticipe un peu nos tours ; à confirmer.
J’ai trouvé le gameplay très bien pensé et fluide, les règles sont simples, une fois qu’on a fait une passe sur toute l’iconographie, il n’y a plus vraiment de questions en jeu ; le corolaire étant qu’il y a pas mal de choses à expliquer, d’ailleurs il me semble que sur notre partie, l’explication a duré pas loin d’une demi-heure.
Je mentionnais la course dans les achats de monstres plus haut. Ceux-ci sont en effet un moyen de donner des capacités spéciales à nos armées (un peu comme dans Kemet) ce qui les rend très utiles. Cependant, ils sont en nombre limité et nombreux seront les joueurs qui voudront les acquérir. Après cette partie je me dis qu’il serait intéressant d’avoir le plus de monstres possible pour augmenter les choix, mais en même temps, il faudra sans doute ne pas tous les mettre en jeu dans une même partie pour garder ce côté course sur leur achat, et la tension qui va avec.
On guettera également constamment nos adversaires pour être sûr d’avoir au moins autant de prisonniers qu’eux à la fin de la manche. Les combats également, qui sont une partie très importante du jeu, nous obligeront à veiller à rester compétitif en termes de forces par rapport aux autres. Ainsi, on sera constamment en train de regarder ce que font les autres pour essayer de ne pas être trop à la traîne ou même pour pouvoir les devancer au moment opportun.
La contrepartie, cependant, et un point qui s’est avéré un peu laborieux en termes de lisibilité (mais sans doute largement lié à Tabletopia aussi), c’est qu’il faut constamment regarder le plateau des adversaires et leur demander leurs capacités pour déterminer qui on va attaquer, car plus le jeu avance plus chacun a des nouvelles capacités asymétriques qui peuvent être impactantes lors des combats. Il y a vraiment besoin d’avoir toutes ces informations en tête avant d’aller se frotter à quelqu’un, un point qui se fluidifie certainement avec l’expérience.
Punitif ou pas ?
Le jeu est fun, on sent bien que ça va négocier sec et couiner pas mal pendant les combats ! Et ce, même si ces derniers sont assez peu punitifs. Et oui, on n’aime pas trop perdre des unités, car ça nous rend plus faible pour la suite – bon sauf quand on a besoin de faire des prisonniers avant la fin de la manche et qu’on a déjà activé toutes nos armées, là on sera bien content de se faire attaquer 🙂. En effet, c’est un peu comme si l’on avait une action gratuite pour faire des prisonniers supplémentaires et ça fait bien plaisir !
D’ailleurs, je rajouterai une remarque là-dessus : nous avons constaté lors de notre partie qu’une armée trop boostée (et donc trop punitive pour les adversaires) ne sera pratiquement jamais attaquée, privant ainsi son propriétaire de ces fameuses « actions gratuites » que je viens d’évoquer, faisant par extension moins de prisonniers à chaque manche. Il y a donc vraiment un bon équilibre à trouver ici et des choix subtils à faire qui rendent le jeu très intéressant.
La partie gestion n’est pas punitive non plus, il faudra évidemment essayer d’optimiser ses actions comme dans tout bon Eurogame, pour être sûr d’avoir toujours les ressources nécessaires pour mener nos desseins à bien, mais il ne me semble pas avoir été bloqué à un moment comme cela peut arriver sur certains jeux (« mince, il me manque une ressource pour faire ce que je veux, ça va être un tour pour rien »). Comme on joue les actions dans l’ordre de notre choix, on finit toujours par trouver une manière de tourner les choses pour que ça passe bien. Un point très agréable.
Bilan
Voilà, donc une partie très agréable, trop longue à cause de Tabletopia mais peu importe, avec une bonne tension et beaucoup d’interactions même sur la partie « gestion pure ». Difficile de savoir à ce stade si le jeu saura bien se renouveler dans ses situations, d’autant qu’il n’y a pas tant de capacités que ça, il faudra se frotter un peu plus au jeu pour le dire !
Pour résumer, Yucatan est donc un Eurogame, calculatoire avec très peu de hasard, aux choix plus subtils qu’il n’y paraît de prime abord et donc sans doute avec une bonne courbe d’apprentissage. Personnellement, je n’y mettrais surement pas 150 euros (n’étant pas un adepte des all-ins et autres add-ons cosmétiques) mais 80… ça s’étudie ! 🙂
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