Warhammer Fantasy JDR : entre corruption et complexité

Le monde de Warhammer

Voilà un monde vaste et riche avec sa cosmogonie, son histoire – sur plusieurs millénaires -, ses peuplades exotiques (Skavens ogres, Hommes-lézards…), des paysages variés, des langues et des cultures différentes, des cultes officiels et locaux, une magie crainte et respectée, des horreurs qui grouillent dans la nuit, des ennemis infatigables… 

C’est un monde dans lequel la vie du commun des mortels est une lutte quotidienne. Les rues sont sales, les paysans sont opprimés et les élites souvent corrompues. Cela ressemble un peu à l’idée qu’on se fait généralement de notre Moyen-Age, avec la magie en plus. C’est un univers sombre et dangereux, on dit qu’il s’agit de « Dark Fantasy ».

C’est aussi un monde dont certaines caractéristiques nous sont familières : par exemple, la carte du monde ressemble un peu à la notre, il y a des elfes et des nains, certains peuples sont inspirés de cultures qui existent ou on existé chez nous (le peuple de Kislev, qui mélangerait Russie et Pologne, par exemple).

 

Carte du Vieux Monde

Petit aparté : l’univers de Warhammer se décline aussi en jeux de figurines, jeux vidéo et livres. Les premiers simulent de très grandes batailles entres races exotiques, et invitent les joueurs et joueuses à peindre leurs figurines. C’est tout un hobby ! Pour les jeux vidéo, on trouve les Total War, avec ses côtés stratégiques et de gestion, mais aussi beaucoup de RPG. La littérature est un champ vaste, avec plus de 100 ouvrages !

La première édition du jeu de rôle Warhammer a un peu plus de 30 ans. Le titre a été extrêmement bien accueilli, et sa campagne phare, la Campagne Impériale, est réputée comme étant l’une des meilleures de tous les temps, tous jeux confondus.

C’est personnellement avec cette édition que j’ai fait mes premières armes, il y a un peu plus de 20 ans. Cette découverte a été décisive dans ma vie 🙂 

Je pense qu’à ce moment-là j’ai pressenti, presque inconsciemment, que le JDR existait pour moi. Comme quand on regarde un film qui nous touche si spécialement. J’y ai vu un medium parfait pour canaliser mon imagination un brin débordante, pour sublimer mes peines d’ado… Et aujourd’hui encore, je suis convaincue que le jeu de rôle fait du bien, intrinsèquement, et qu’il peut véritablement apporter quelque chose de très intéressant, qui que l’on soit, d’où que l’on vienne ! Fin de l’aparté ! 😉

 

À propos de cet article

J’ai choisi d’écrire cet article en deux temps : à la lecture des règles d’abord, donc avant la première partie, et la seconde après cette première partie. Si vous me connaissez, vous savez déjà que c’est un mode de fonctionnement que j’apprécie. Il me permet de mesurer mes attentes a priori, d’étudier à fond le système, puis de confronter mes intuitions à la réalité, avec cette question : est-ce que cela fonctionne et répond aux promesses ?

La structure du livre de règles : nomenclature, renvoies, options

On retrouve un livre qui de façon traditionnelle, se divise en plusieurs chapitres : après une courte intro, on nous explique comment lire le livre. Une nomenclature bienvenue est présentée, et en effet elle simplifie la lecture des règles. 

Le chapitre « Personnage » décrit en détails la création des personnages, étape par étape. Il est suivi par la liste complète de toutes les carrières, puis par le gameplay et les listes de compétences et de talents. Vient ensuite le chapitre « Règles », très dense, nous en reparlerons.

Un chapitre « Entre deux aventures » propose des activités à faire entre deux scénarios (s’entraîner, faire de l’artisanat, dresser des animaux, commander un objet rare, augmenter sa réputation… et d’autres !) j’adore cette idée que j’avais notamment découvert avec L’Anneau Unique (première édition).

Les chapitres « Religion et Croyances » et « Magie » expliquent chacun les mécanismes de ces aspects du jeu. Puis, un chapitre « Meneur de Jeu » prodigue quelques conseils. Le suivant décrit le cadre de jeu sous le nom « Glorieux Reikland ».  Les chapitres « Équipement » et « Bestiaire » viennent conclure ce livre généreux de 350 pages.

Extrait du livre

 

Le tout est bien présenté, aéré, avec un certain nombre d’images et d’encadrés qui allègent la lecture.
Si la structure est assez claire, néanmoins la recherche d’une information précise implique souvent des renvoies vers d’autres chapitres, c’est assez normal étant donné la masse de contenus, mais il faut admettre que c’est parfois un peu pénible.

J’ai eu besoin de relire plusieurs fois certains calculs, notamment pour certains aspects des combats.

Cependant, les exemples sont nombreux et décrivent des situations précises et explicitent bien souvent ces calculs, qui s’éclaircissent peu à peu.

Les encarts d’option sont bien pensés car ils sont en plus visuellement distingués des règles ‘obligatoires’.

 

Premières impressions : un monde dangereux et corrompu, un gameplay conséquent

L’univers : le mal est partout

Dès les premières pages, le ton est posé : le mal est partout. L’introduction promet du danger, de la corruption, de lutte pour sa survie. Après l’introduction, plusieurs pages illustrées invitent à une description « de l’intérieur » de l’univers : la page de gauche semble être la version politiquement correcte, vue de la cour (« Les auberges de l’Empire, modestes mais glorieuses, [] sont le ciment de Son loyal peuple ») tandis que la page de droite donne la version sans filtre, vue du peuple, de l’endroit décrit (« Les auberges et les tavernes permettent à beaucoup de citoyens de l’empire d’oublier la misère de leur existence »).

Extrait du livre

Ces pages évoquent les frontières de l’Empire, la dichotomie entre la cour et le peuple, les fleuves, les docks, les villes et cités, et donc les tavernes et auberges pour finir. Cela nous plonge dans la tonalité et l’ambiance du cadre de jeu : sombre, peu glorieux, dangereux, corrompu, divisé.

Dans la suite du livre, les nombreuses règles évoquent la violence des combats et cette dangerosité de l’univers : fractures, blessures, déchirures, amputations ! 

Le gameplay : entre complexité et fluidité

Le gameplay, pas forcément compliqué, est néanmoins complexe : il y a vraiment beaucoup de points de règles. Les différents tests restent dans la même veine que la V2 et se résolvent au d100, avec un résultat comparé à la compétence visée. Sachant qu’il y a une distinction entre Tests, Tests Spectaculaires et Tests Opposés. En gros, les Tests « simples » sont une réponse de type « oui/non » : est-ce que tu te blesses en tombant ? Et les Tests Spectaculaires impliquent un degré de réussite (ou d’échec) qui se calculent en faisant la différence entre la dizaine du niveau de la compétence et la dizaine du résultat du jet de dés. Enfin, les combats sont sous forme de Tests Opposés (chaque protagoniste fait un test, et on compare les degrés de réussite). À ce stade de ma lecture, je me demande si cela ne va pas donner des combats un peu longs…

scène de combat

Le lecteur trouvera des encarts proposant des options facultatives pour fluidifier le jeu. Par exemple, une règle est donnée pour faciliter le calcul du DR (Degré de Réussite, qui indique à quel point c’est une réussite, ou un échec !) : on ne prend que la dizaine résultat du jet de dés. Ces options sont nombreuses et concernent différents aspects du jeu : on les retrouve dans la création des personnages (par exemple l’animosité des nains envers les elfes), mais aussi dans les règles de manière générale par exemple avec une gestion plus poussée de la fatigue.

Elles offrent parfois plus de simplicité sur un point de règle pointu, mais aussi du fun : par exemple le fait d’ajouter des obstacles ou de prendre en compte l’environnement lors d’une course poursuite.

Je trouve cette initiative pertinente car elle permet au MJ de s’approprier le système, vaste, ce qui est plutôt bienvenu. Elle permet aussi d’offrir plusieurs niveaux de simulationnisme selon les goûts et l’expérience du MJ.

 

Un livre qui s’adresse au MJ et aux joueurs

Le livre s’adresse tantôt aux joueurs directement («Vous saignez abondamment»), tantôt au MJ («Vous pouvez décider d’attribuer des Points de Destin à certains PNJ importants… »).

Ceci se voit tout au long du livre. Il est donc vraiment conçu pour que les joueurs puissent également le consulter et chercher des informations pour leurs personnages, pas uniquement pour le MJ. 

D’ailleurs, à propos du chapitre dédié au MJ : il s’avère très court ! J’ai été très étonnée de cela, surtout que c’est probablement un de mes chapitres favoris de manière générale. Cependant, le livret qui accompagne l’écran du MJ comble certaines lacunes et complète le livre de base, en proposant notamment des conseils sur la maitrise et la transmission de l’univers et du gameplay, des détails ou des ajouts sur certains points (statut social, motivations, avantages…) mais aussi des tables aléatoires, comme celle intitulée « Vous vous trouvez dans une taverne … », qui proposent plein d’événements. Un classique mais toujours apprécié ! 

En revanche, il n’y a pas de scénario dans le livre, c’est fort dommage !

Des héros complexes

personnageDans le monde de Warhammer, les aventuriers se démarquent du commun des mortels, mais ne sont pas vraiment de glorieux héros rutilants dont nous avons l’habitude.

Ici, vous pouvez incarner un résident lambda de l’Empire ou avoir un statut un peu plus élevé. Le choix est vaste : de nombreuses carrières, réparties en classes, sont proposées. Et les PJ qui choisissent leur carrière commencent à son échelon le plus bas. Il y a un système de progression dans une carrière donnée, mais il est possible de changer de carrière en cours de route.

Le roleplay est très encouragé, et les règles y participent : perdre des dents fait perdre des points de sociabilité, par exemple.

La mort des personnages est évoquée de manière fréquente, au cas où le lecteur aurait oublié que ses aventures sont périlleuses ! Je trouve que c’est un peu dur, étant donné que l’on s’attache souvent à son perso, pour plein de raisons, propres à chacun·e. Mais cela permet aussi d’essayer d’autres choses avec un nouveau personnage.
Parce qu’il est vrai qu’il y a beaucoup de choix au niveau de la création des personnages, et que ce choix est souvent dur à faire, tellement les choix sont cool !

 

D’ailleurs, à propos de la création de perso …

La création des personnages est assez originale car elle propose de définir certaines données de manière aléatoire. Le joueur ou la joueuse qui se prête au jeu et accepte un résultat aléatoire reçoit en récompense des points d’Expérience qu’il/elle pourra dépenser à la fin de la création, ce qui pousse à procéder ainsi et qui peut apporter des résultats intéressants, ou au moins amusants !

Chaque joueur va créer son personnage en déterminant :

  • Sa race (Humain, Halfling, Nain, Haut elfe, Elfe sylvain)

  • Sa classe (Citadins, Courtisans, Guerriers, Itinérants, Lettrés, Riverains, Roublards, Ruraux)

  • Sa carrière (Artisan, Émissaire, Prêtre Guerrier, Répurgateur, Nonne, Débardeur, Pilleur de tombes, Sorcier de village… et beaucoup d’autres !)

  • Ses compétences et ses talents (liés à la race, et liés à la carrière)

  • Ses possessions de départ (idem)

  • Des détails comme son apparence, son âge, etc.

  • Son background, à partir d’une liste de questions.

 

J’ai créé pour mes joueurs un document qui sert à la fois de récapitulatif de chaque étape et de brouillon, dans lequel ils ont pu faire leurs calculs avant de reporter au propre sur leur feuille de perso. Cela nous a pris deux bonnes heures pour la création en groupe, sans la partie Background, que chacun a imaginé de son côté ensuite.

Mes attentes à ce stade, mes interrogations, mes craintes

À ce stade, je suis à la fois impatiente de jouer notre première partie, et un peu impressionnée par le nombre de points de règles.
J’ai décidé de faire jouer la campagne de l’Ennemi Intérieur, dont j’ai donc acheté le premier tome. La campagne a l’air bien cool mais me colle une pression supplémentaire : je suis censée avoir une connaissance de la campagne entière ! Je n’en ai juste pas le temps. Je voudrais avant la partie lire ce premier tome de la campagne que j’ai acheté, et qui contient les deux premiers scénarios. 

Je sais que je vais passer du temps à créer des aides de jeu, pour les combats notamment, mais aussi pour la magie, et certains autres points… Néanmoins l’écran est bien fait, niveau informations, ce qui va pas mal m’aider à la maîtrise.

Bon… J’ai hâte !

Après une première partie !

photo de partieNous avons donc joué notre première partie hier. Comme d’habitude, mes PJ ont des réactions et des idées inattendues : face au prix du voyage, trop élevé manifestement, un des joueurs s’est employé à enivrer le cocher pour prendre sa place le lendemain. Parmi les autres, qui traquaient des rats dans une grange, la sorcière a manipulé un chat et l’a envoyé en kamikaze au milieu des rats géants ! Ils m’étonneront toujours… 

Niveau règles, nous nous sommes trompés sur plusieurs points : je n’ai presque jamais donné de modificateurs de difficulté, et le joueur incarnant le prêtre a été frustré, ayant échoué à la plupart des Tests !

En combat, on s’est posés pas mal de questions. Le groupe étant particulièrement bienveillant, on a pu prendre le temps de reprendre le livre de règles, et d’échanger pour se mettre d’accord.

Mais pendant le premier combat, j’ai oublié de prendre en compte l’Endurance des rats… c’est étonnant, ils sont morts très très vite ! XD

Lors des combats suivants, j’ai eu une attitude protectrice envers mes PJ : je faisais d’abord tout pour qu’ils ne prennent pas de dégâts (en mentant donc sur certains de mes jets) mais j’en ai pris conscience ensuite. Cela a inquiété notre Sorcière, qui a été profondément blessée, et a permis au médecin du groupe de briller par ses talents. Bilan, cela a été bien plus intéressant comme ça !

J’ai instauré quelques règles supplémentaires, telle qu’un système de stress, par exemple. Il y avait pourtant déjà beaucoup de règles ! Mais comme cela a été finalement assez fluide, j’ai pu intégrer ce petit ajout sans souci.

Les joueurs et joueuses ont joué roleplay du début à la fin : tous méfiants les uns les autres pour commencer, mais avec un butin collectif pour terminer cette session.

Après cette partie découverte, mes PJ ont continué à échanger sur les points de règles qui ont été problématiques.

Nous ferons donc mieux la prochaine fois !

 

Alors, Warhammer Fantasy, on y retourne ? 

Moi qui avait peur de me perdre dans les règles, et bien … c’est ce qui est arrivé en effet ! Mais j’ai compris que ce n’était pas vraiment grave, le plaisir de jouer étant toujours là. Avec ce premier scénario, mes joueurs et moi-même avons pu (re)découvrir à la fois l’univers et le gameplay de Warhammer. Le voyage fut agréable même s’il y a eu quelques points d’achoppement et nous sommes tous très impatients de jouer la suite. 

Malgré la complexité des règles, le jeu se joue de manière assez fluide, et la vastitude de son univers offre de nombreuses histoires potentielles. Son ambiance sombre et ses périls obscurs tranchent avec le médiéval fantastique dont certains d’entre nous ont l’habitude. 

Je recommande fortement ce jeu, ainsi que les suppléments de la Campagne de l’Ennemi Intérieur. Si vous souhaitez vous lancer, n’hésitez pas à lire ou regarder des vidéos sur l’univers. Voici quelques ressources intéressantes :

 

Pour les néophytes cependant je préconise d’avoir déjà accumulé un peu d’Expérience avant de s’atteler à ce monument (à moins bien entendu que vous soyez super motivés). 😉

 

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2 Commentaires

  1. Groule il y a 2 jours
    Répondre

    Warhammer JDRF, mes premiers pas sur le JDR. MJ pendant 12 années durant, à travers la 1ère édition Descartes, en noir et blanc, plein d’insuffisances mais un charme fou, puis la seconde édition, bien plus moderne, colorée, ô combien fastidieuse.

    Un lore qui je pense a peu d’égaux en termes de quantité et de profondeur. Le Vieux Monde est perdu. L’ombre du Chaos va peu à peu le grignoter de l’intérieur. Il pervertit et corrompt les âmes, des bas fonds jusqu’aux souverains, incitant ces derniers à baisser les barrières afin que les frontières deviennent poreuses, laissant alors les créatures détestables et peuples humains corrompus envahir les terres. Karl Franz l’Empereur parviendra-t-il à réunifier les provinces de l’Empire en un seul bloc, tout comme l’a fait son ancêtre Sigmar, afin de les mener à l’ultime bataille contre les hordes du Chaos ?

    (l’histoire a du évoluer depuis)

    Un système de réussite au D100 vieux comme le Vieux Monde et largement dépassé depuis (notamment par le système Vampire à l’époque), mais cela ne nous a pas empêchés d’user les D10 au point d’en arrondir les bords. Les tableaux Excel ramenés à la brouette, tellement il en pleuvait chaque mois. même au début des années 2000, on trouvait déjà beaucoup de contenu sur The internet…

    J’avais écrit jadis une campagne pour la V2. Je l’ai réécrite depuis mais le texte est perdu quelque part hélas. Pour celles et ceux que cela intéresse c’est par ici : https://groule.wordpress.com/scenarios-2/campagne-de-lordre-noir/

    Merci d’avoir fait sonner le clairon une dernière fois. Belle nostalgie de ces heures passées à imaginer !

     

  2. Ihmotep il y a 1 jour
    Répondre

    Que de souvenirs ^^. Le système de carrière était tellement révolutionnaire et plaisant in game :).

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