Vorex – plantes invasives
Vorex est le premier jeu d’un nouvel éditeur, Salty Knight. Son auteur, Timothée Decroix, nous avait déjà proposé dans un tout autre genre Au creux de ta main, et sa prochaine création Maps of Misterra (en collaboration) sortira fin octobre.
Nous nous trouvons cette fois dans une forêt, et nous allons incarner des plantes carnivores qui tentent de s’étendre. La forêt est construite au fur et à mesure de la partie avec des tuiles dont la forme éveillera une pointe d’émotion chez les amateurs de Full Metal Planet
Nous allons fleurir cette forêt avec nos jetons. La fin de partie est déclenchée quand une joueuse pose sa dernière fleur. Les points viennent de deux objectifs fixés en début de partie, et du nombre de fleurs que l’on a posé. Lors de son tour, on effectue deux actions parmi trois :
- puiser des ressources : gagner autant de ressources que notre capacité de production.
- agrandir la forêt : placer une des deux tuiles forêt disponible sur la zone de jeu.
- fleurir : payer les ressources indiquées sur l’emplacement pour poser une fleur et déclencher l’effet de la case.
Le ludochrono rentre un peu plus dans les détails.
Un thème faussement bucolique
Les jetons fleur pourraient faire croire que nous avons affaire à un jeu familial gentil. Que nenni ! En même temps, nous sommes des plantes carnivores, tendance plante envahissante, et pas de mignonnes petites marguerites. Les règles sont certes simples et la durée de partie ne dépassera pas une heure, mais Vorex est un jeu d’occupation de territoire et de placement de tuiles tetrahexagonales, où un mauvais démarrage sera difficilement rattrapable.
Les points s’obtiennent en plaçant nos fleurs aux endroits stratégiques ; c’est-à-dire selon les conditions définies par les deux objectifs. Ainsi l’action fleurir est l’action la plus intéressante, celle que l’on tentera de faire le plus souvent. On puisera des ressources ou agrandira la forêt uniquement quand on ne pourra pas faire autrement. En effet, l’action fleurir s’accompagne toujours d’un effet : puiser des ressources, agrandir la forêt, gagner une nouvelle capacité de production, ou gain de 2PV.
Invasion ou dispersion
Le thème des plantes est particulièrement bien adapté à la mécanique, puisque le coût pour fleurir est diminué si le nouvel emplacement est relié à nos zones de production. On peut dire que notre plante alimente ses bourgeons par les racines pour s’étendre. Logique. Mais cela amène aussi un intéressant dilemme, car s’il est plus économique (et donc rapide) de s’étendre en restant groupé, les objectifs, eux, valorisent la dispersion des zones fleuries. S’ajoute à ceci un principe de majorité avec les cases “ruines” qui permettent à un joueur de placer une fleur supplémentaire gratuitement s’il est prédominant autour de cet emplacement.
Nous avons ainsi un équilibre entre occupation massive d’une zone de la forêt pour s’étendre rapidement, et vite mettre fin à la partie ou dispersion à divers endroits pour maximiser les points des objectifs. Après un certain nombre de parties, j’ai l’impression qu’il est délicat de bien valoriser les objectifs et qu’il est plus facile de rusher sur le nombre de fleurs posées. Les objectifs sont un complément de points à ne pas négliger, mais pas prioritaires. Ils ne feront la différence à mon avis que si on a réussi à placer toutes ses fleurs. En tout cas, dans toutes nos parties, le vainqueur avait toujours placé ses 13 fleurs.
On ne joue qu’avec deux objectifs parmi les dix, ce qui donne une teinte différente à chaque partie, mais sans révolutionner notre façon de jouer d’une fois sur l’autre.
Liane Solo
Le mode solo a le mérite d’être extrêmement simple à jouer. À son tour, l’adversaire fait deux actions fleurir (sans payer de coût) et déclenche uniquement l’éventuelle action bonus de fleurir ou d’agrandir la forêt. Vous perdez si l’adversaire pose sa treizième fleur ou si vous n’avez pas la place pour poser une de ses fleurs à son tour, et vous gagnez si c’est vous qui posez votre treizième fleur. Ce mode solo est simplement un contre-la-montre, pas si difficile à gagner à vrai dire, si on groupe ses fleurs pour être plus rapide que l’adversaire. Le vrai défi, et il est de taille, est de faire un score élevé. Pour ceci, il faut réaliser beaucoup de points grâce aux objectifs, ce qui est plutôt difficile à faire dans le mode blitz qu’impose ce solo. L’adversaire pose ses 13 fleurs en 7 tours, voire moins, s’il domine des emplacements ruines ou si vous décidez de placer ses fleurs sur des actions bonus Fleurir. Vous êtes beaucoup plus pressé que dans une partie multijoueurs qui peut parfois s’étendre sur une dizaine de tours si les joueurs visent les points d’objectif.
Comme bon nombre de jeux qui proposent un mode solo (Next station London ou Très futé par exemple), on va comparer son score à un tableau. Je n’ai jamais trouvé ça particulièrement stimulant. Je préfère quand il faut battre un adversaire virtuel, comparer son score à un adversaire, plutôt qu’à un tableau statique.
Après quatre parties solo de Vorex, je n’ai jamais atteint le premier palier du tableau de score. À titre indicatif, lors des cinq parties que j’ai jouées en groupe, seuls deux joueurs ont atteint 30 et 31 points. Je trouve un peu bancal ce système qui te dit que tu as gagné mais place en même temps la barre extrêmement haute en termes de score à atteindre. Ça n’est pas très gratifiant, et n’incite pas à y revenir.
Autres petits trucs qui me chagrinent
Je fais partie des joueurs qui apportent plus d’importance à la mécanique qu’au thème. Toutefois je trouve dommage que les illustrations des ressources soient aussi abstraites.
Représenter un champignon par un triangle jaune, un insecte par une forme de goutte rouge et l’eau par un cercle bleu est un peu triste il me semble. Il était possible de faire des illustrations plus évocatrices, tout en conservant la lisibilité.
Je salue par contre le choix de petites boîtes en carton pour stocker les jetons ressources, plutôt que des sachets plastiques. On observe une tendance chez les éditeurs à passer du thermoformage plastique au rangement cartonné. On ne peut que s’en réjouir.
J’ai aimé l’asymétrie dans le rôle des ressources, et je vais y revenir plus bas, mais il y a un élément qui m’a laissé dubitatif : ce sont les plateaux de départ. Trois d’entre eux ont une case de production de l’une des trois ressources, mais le quatrième n’en a pas. Or il me semble que, surtout en début de partie, il est indispensable de se créer un moteur de ressources pour pouvoir fleurir rapidement. Ce plateau me semble plus faible donnant un désavantage à un joueur. Si au moins il donnait un gain immédiat d’un certain nombre de ressources pour compenser… Je serais curieux d’avoir l’avis d’autres personnes sur ce point.
Ressources asymétriques
Si on renforce ses capacité de production dans une couleur (ce qui est un passage quasi obligé), on va avoir des facilités à fleurir sur les emplacements qui demandent cette couleur. Or, après quelques parties, je me suis aperçu que selon le bonus de la case, certaines ressources étaient plus souvent nécessaires.
Par exemple, pour le bonus Fleurir, il faut majoritairement du jaune, tandis que pour agrandir la foret, c’est plutôt du rouge, enfin pour le bonus production c’est principalement du bleu.
On n’est pas complètement enfermé par cette spécialisation initiale, mais ça oriente un peu nos choix. D’autres emplacements de production arrivent en cours de partie, laissant une bonne liberté.
Le mot de la fin
Vorex a un thème qui fonctionne bien avec la mécanique : expansion en réseau à l’image des racines de champignons ou de plantes. Il ne faudra pas hésiter à essayer d’étouffer d’encercler ses adversaires. Une première partie face à un joueur expérimenté un peu agressif peut laisser un goût amer. Il y a aussi une forte notion de course pour déclencher la fin de partie qui crée une bonne tension. Je trouve dommage que les objectifs ne soient pas aussi importants pour la victoire. Il y en a assez pour offrir de la rejouabilité, mais j’aurais préféré qu’ils soient plus centraux dans la stratégie à déployer. Les illustrations et l’iconographie sont fonctionnelles mais pas spécialement belles. Espérons que le prochain jeu de cette jeune maison d’édition ait une identité visuelle un peu plus forte. J’ai trouvé la proposition intéressante, et je conseille d’y jouer au moins une fois, mais je ne suis pas sûr que le jeu tienne sur la durée.
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xbrossard 15/11/2023
j’ai testé le jeu en solo et effectivement ça n’est pas très gratifiant étant donné le faible scoring que l’on fait. C’est pourquoi j’ai proposé un solo avec bot que j’ai mis sur BGG (forum variants) apparemment validé par l’auteur. Si cela vous intéresse de tester…
manu 15/11/2023
merci pour l’info xbrossard.
A titre personnel je n’aime pas trop les mode solo où il faut autant réfléchir lors du tour de l’automa que lors de son tour de joueur humain (ce qui a l’air d’être le cas à la lecture de tes regles) 😀 mais chacun ses gouts. En tout cas c’est sympa d’avoir crée une variante et de la partager.