Victorian Masterminds – Engrenages mortels
Avant d’être un jeu qu’on peut trouver en boutique, Victorian Masterminds a été une arlésienne. Devant être publié en 2017 chez les Space Cowboys, il s’est retrouvé retardé pour sortir enfin sous l’égide de CMON (dont un des co-auteurs, Eric Lang, fait partie).
L’autre co-auteur n’est autre qu’Antoine Bauza, papa de 7 Wonders (et d’une pléthore d’autres titres allant de Ghost Stories à Hanabi), que vous devez connaître.
Mais le jeu… Le jeu, donc. Victorian Masterminds vous propose d’être les méchants du titre. Vous construisez votre machine de la mort en ourdissant vos plans démoniaques (notamment la capture de bâtiments importants dans différentes villes européennes). Le tout pour gagner des points de chaos/de victoire.
Et le titre est bien entendu localisé en français pour les bons services d’Edge.
Qu’il est facile d’être méchant
Malgré son matériel de jeu complexe et ses nombreuses petites pièces, le gameplay de Victorian Masterminds est très aisé. En effet, si chaque joueur a un plateau personnel représentant sa machine de la mort, il a aussi une pile de jetons de poker, des agents. Chaque agent a un pouvoir spécifique sur lequel nous reviendrons après que je me sois lissé la moustache et nettoyé le monocle.
À son tour, rien de plus simple : on pose le jeton du dessus de notre pioche sur une des villes (éventuellement sur les autres jetons déjà présents). Et c’est bien tout…
Sauf que. Si ce choix en particulier semble simple, il prend en compte de multiples facteurs. Notamment les pouvoirs des autres agents, ou ce que nous rapporte la ville. Car chacune des cinq villes nous rapportera un butin bien particulier.
Lorsque le troisième jeton est posé sur une même ville, avant de passer au joueur suivant, on résoudra cette ville, et retournera la pile de jetons pour les résoudre dans l’ordre dans lequel ils ont été posés. Chaque jeton permettra de prendre le butin de la ville avant de déclencher son pouvoir.
Petit inventaire des butins : écrous et plaques de cuivre permettent de construire sa machine, les livres donnent des points (et à partir d’un certain seuil, permettent de choisir l’agent de notre choix au lieu de l’agent sur notre pile d’agents disponibles), les scientifiques déclenchent des pouvoirs et actions bonus, quand la puissance de feu nous permet de monter sur une jauge permettant de capturer des bâtiments.
Ma moustache est frisée, mon monocle, rutilant
Les agents ont des pouvoirs variés, allant du double butin à la capture d’un bâtiment, en passant à l’annulation du pouvoir du jeton suivant.
Mais, surtout, dans chaque pile, il y a un ingénieur. L’ingénieur, c’est bien simple, a un pouvoir qui dépend de votre machine de la mort. C’est véritablement lui qui cultive l’asymétrie entre les différentes machines (6 dans la boîte). Vous pourrez même améliorer ses pouvoirs d’activation en construisant des salles spécifiques de votre machine (oui, elle est grande, vous pouvez facile vous faire un spa dans un coin). La différence entre les machines, ingénieur excepté, n’est pas flagrante, et on aurait aimé un peu plus de nerf dans leur design.
Victorian Masterminds manque peut-être d’un peu de confrontation directe. L’agent annulant les pouvoirs ne suffit pas à insuffler d’atmosphère méchante : on est là pour réaliser sa machine et le plus grand nombre de points avant tout, l’annulation d’un pouvoir adverse n’étant qu’une heureuse conséquence.
Lorsque vous capturez un bâtiment, vous devez avoir une puissance de feu supérieure à celle des services secrets qui veillent (et qui s’arment plus à chaque incartade). Les bâtiments vous font gagner des points, certes, mais donnent de menus bonus qu’il est bon de ne pas négliger, vous permettant de compléter tel ou tel axe de scoring, débloquant des objectifs ou des scientifiques que vous mettrez à bon escient.
Il y a également ces objectifs que l’on pourra obtenir avec le jeton idoine, pour peu que l’on remplisse telle ou telle condition : encore une bonne idée et un facteur de réflexion quant à la planification stratégique… Mais ce n’est pas une raison pour s’attarder non plus.
Car le temps court très vite dans Victorian Masterminds. La partie pouvant se finir de multiples manières (complétion d’une machine ou augmentation de puissance de feu au maximum pour les services secrets), la partie relève plus d’une course que d’une optimisation lente : la priorisation sera clé.
Mes sombres pensées
Au fond, je crois que je m’attendais à plus et moins. Plus d’asymétrie entre les machines, peut-être. Un peu moins de matériel (superbe, certes, mais largement dispensable à l’expérience), un peu plus de profondeur. L’ergonomie est très soignée malgré quelques menus heurts (lexique passable à quelques endroits, cartes objectifs parfois peu ergonomiques) qui détonnent un peu.
En fait, le coeur de l’expérience, cette pose de jeton de poker, avec sa dose de planification, de déduction et d’opportunisme, est très fouillé et a des ramifications intéressantes : on a tous les ingrédients qui marchent, qui récitent une partition efficace. Pour autant manque-t-il peut-être un mécanisme annexe qui pourrait certes complexifier le jeu, mais qui aurait donné à Victorian Masterminds le chien qu’il lui manque à mes yeux. Surtout pour faire tourner toute cette machine pendant près d’une heure.
Il y a aussi la question de folie des grandeurs induite par le titre. C’est peut-être cela, que j’étais venu chercher : le grain de folie, outre celui que l’on retrouve dans l’humour des plateaux faction, une flamme qui véritablement nous met dans la peau de grands génies du mal, et non de vils optimisateurs visant le point de victoire. Une dissonance existe entre le jeu et la promesse qu’il fait : Victorian Masterminds peine à me convaincre, malgré un gameplay plus que fonctionnel (je dirais même carrément léché) et un matériel aux petits oignons (frisant le surédité).
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Tilouboy 16/09/2019
« Complétion », really ? 🙂
Umberling 16/09/2019
Rhoooo. C’est mon aspect méthodique qui a pris les rênes de mon cerveau quand j’ai écrit cette phrase. 😀
(Sinon, le mot serait français et attesté depuis 1930.)
Davidm 16/09/2019
Pour une deuxième chance de jouer les grands méchants, Maniacal ne devrait plus tarder.
Umberling 16/09/2019
Troisième ? Y’avait Villainous cette année quand même ! 😀
Davidm 16/09/2019
Comment ai-je pu ne pas y penser ? ? ? ? Bien sûr !