Qui veut visiter les Châteaux de Bourgogne version cartes ?
Faut que je vous avoue un truc. Jusqu’au mois dernier, jamais, dans ma vie ludique, je n’avais touché à un Feld. Pourtant, des titres comme Bruges ont de grandes chances de me plaire ! Alors, pourquoi ce désaveu ? Ben, les hasards de la route, les soirées à essayer d’autres choses, la difficulté de sortir des jeux de gestion, aussi. Et puis je suis tombé sur la version cartes des Châteaux de Bourgogne, son œuvre maîtresse, à en croire le site de référence BoardgameGeek. Je débute donc avec un regard frais sur cet auteur et cet opus !
La version que j’ai, éditée à la fois par Ravensburger et Alea, est vide de texte, mais comporte des règles en anglais et en français. Première déconvenue : on me parle de types de cartes sans les identifier correctement, sans les présenter à l’avance. Vu le nombre élevé de cartes différentes, ça aurait pu être bien. Genre, vraiment, vraiment bien. Le corps des règles est touffu et assez mal mis en valeur, malgré une organisation qui se veut cohérente (et dans laquelle on parvient à se retrouver après quelques parties). Bon gré mal gré, j’arrive à apprendre le jeu sans aide extérieure et parviens à rassembler des gens motivés. Bref.
Histoire d’un patrimoine
Bourg-Loire, Loirogne, chais pas quoi. Mais on va faire des trucs avec des châteaux, construire son domaine, etc. Parce que bon, le pitch nous informe qu’on est dans la Loire, mais le titre parle de Bourgogne. À n’y rien comprendre !
Les Châteaux de Bourgogne version Cartes est un de ces innombrables jeux à points de victoire – à l’allemande, quoi. On va devoir vendre des marchandises, accumuler des animaux, construire des brelans de bâtiments pour marquer les points qui sont imprimés dessus. Et si on est le premier à réaliser une triplette, hop, on s’arroge un petit bonus, et à chaque fois qu’on remplit un brelan, on en récupère un autre, qui dépend de l’avancement de la partie.
C’est bien joli de savoir gagner, mais comment on joue ? Simple. On dispose de six actions par manche sur cinq manches. Ces actions sont symbolisées par des cartes bâtiment dont nous disposons. En dépensant une carte, nous pouvons :
- Acheter une carte de la ligne centrale pour peu que le dé de la carte défaussée corresponde à la ligne de la carte achetée (pas à son dé propre). Vous la placerez dans votre zone de projets (max 3).
- Réaliser une carte dans vos projets. Il faut que la carte que vous défaussiez soit exactement égale à la carte que vous voulez construire. Le projet passe dans votre domaine (votre zone de scoring).
En plus de ces deux actions vraiment indispensables, quatre autres existent :
- Rendre une pépite d’argent (le pis-aller)
- Prendre des paysans pour compléter à deux paysans (utile si on en a zéro ou un, donc).
- Vendre des marchandises : la carte défaussée permet de vendre un certain type de marchandises (de les mettre dans son domaine et de marquer 1PV par vente). Pour chaque marchandise vendue, on récupère une pépite d’argent.
- Convertir paysans et/ou pépites au ratio de 3 pour un point de victoire.
Autant vous le dire tout de suite, si vous ne l’aviez pas deviné : les Châteaux de Bourgogne version cartes n’est petit que par la boîte.
Ajoutez à cela que chaque bâtiment a un effet particulier lorsque le projet est réalisé, et vous obtenez un jeu complexe. Grâce aux bâtiments, vous acquérez ressources, paysans, animaux, pépites ou tours supplémentaires (avec les châteaux). Enfin pendant votre tour, grâce à trois pépites, vous pouvez piocher les trois premiers bâtiments de la pile et obtenir une action bonus grâce à un de leur dés, ou pouvez mettre une des cartes piochées en projet. De quoi donner un peu de peps à votre plan machiavélique.
Et l’interaction ?
L’interaction dans les Châteaux de Bourgogne existe, sans pour autant être prépondérante : comme dans un jeu de pose d’ouvriers classique, on retrouvera pas mal de blocage, où l’on tentera de réaliser les brelans avant les autres joueurs pour leur subtiliser le bonus de complétion. Mais à part ça, on ne se gênera pas tant que ça dans les CdB(C) – désolé pour l’abréviation, mais c’est long à répéter !
Au final, ce qui fera ou défera notre partie, c’est plutôt le hasard de notre pioche. Pour peu que l’on se tape la même face du dé plusieurs fois, on grognera vite. En effet, cela nous conduira à piocher des paysans pour effectuer des actions plus correctes, et donc, gâcher du temps précieux.
Pour contrebalancer l’aléa existent des cloîtres, qui sont des jokers permettant de compléter un trio sans bénéficier d’aucun pouvoir, ou, si vous avez le courage de vous attaquer à un triplé de cloîtres, de marquer plus de points que n’importe quelle autre combinaison (6, pour 4 en bâtiment coloré, 3 en bâtiment « civique » et 2 en château).
Au final, on constate qu’on est beaucoup dans son monde, qu’on réfléchit à ses deux choix démultipliés, et que du coup, le temps d’attente enfle. Pas hyper-social, mais vu le genre, on s’y attendait un peu.
Quid du mode solo
Le solo existe dans les CdB(C), et il n’est pas si mal foutu. On s’y démènera contre un adversaire imaginaire, Aaron.
Aaron joue un nombre fixe de cartes par manche : 3, 4, 5, 6, puis 7. Il n’active aucun pouvoir mais gagne les bonus en fonction des triples obtenus. Le souci, c’est qu’à la fin de chaque manche, le joueur va se comparer à Aaron. Et si l’infâme système ludique est devant, le joueur perd automatiquement ! Cela oblige à construire une stratégie agressive, à avancer triplé par triplé, plutôt qu’à optimiser sur le long terme (ce qui s’avérerait probablement TRÈS payant).
À noter qu’Aaron a beaucoup plus de chances de gagner au premier ou au deuxième tour que pendant le reste de la partie, rapport à l’injustice notoire du tirage. S’il récupère deux triplés en deux tours, vous allez déguster. Injuste, froissant, pas très marrant. Et une fois le tour trois passé, normalement, on n’a pas de souci pour le dépasser, bien qu’il marque assez fort.
Mais l’avantage des frasques d’Aaron (qui n’a pas l’air très bourguignon, vu son patronyme), c’est qu’avec lui, on peut se familiariser au jeu de façon tout à fait plaisante. Dommage que le pépère soit aussi volatil.
Mes impressions
Passé les défauts d’édition (règles, ergonomie pas hyper lisible), les déboires avec Aaron, place à ce que ça vaut vraiment. En tant qu’optimisateur, j’ai bien aimé les CDB(C) : on est sans cesse confronté à un même dilemme. Doit-on saisir l’occasion sur le moment, même si ce n’est pas la meilleure idée du monde, ou bien doit-on ralentir la cadence, quitte à subir sa pioche ensuite ? Bonne question, posée à chaque tour, avec des données en permanence renouvelées.
En revanche, on est dans son coin, et si on partage la table avec ses adversaires, il est bien difficile de dire qu’on les rencontre. À part se tirer la bourre sur les points de victoire et se subtiliser un bâtiment, on n’aura pas tellement d’occasions d’interagir avec les autres.
Malgré un début fluide et des combos assez satisfaisantes (par exemple château > je rejoue > je construis ce bâtiment civil qui me permet de réaliser un projet > je réalise ce port qui me donne une marchandise > j’ai complété mon trio de ports, je prends la récompense de la manche, disons des pépites > je craque trois pépites, je rejoue), le tout dernier tour est enlisé dans les impossibilités. On termine ce qui peut l’être, convertit ses paysans et pépites restants en points de victoire, et c’est tout. Agonie des dernières minutes de jeu, mais au moins, ça va vite.
Après, ça a un côté aléatoire qui vient froisser le calcul savant. Dérangeant quand on connaît la propension des jeux à l’allemande à proposer le moins de hasard possible. Vraiment, on se demande comment on peut faire le score parfait si l’on n’a pas la pioche et la rivière parfaites. Avec un public familial, ça passe moyen aussi : c’est austèro-moche, les règles sont pléthores et malgré l’absence de texte, on va sans doute devoir expliquer quelques subtilités. Du coup, c’est dans l’entre-deux ? Mouais. Pas convaincu. Après, le jeu n’est pas mauvais, loin de là.
Tout d’abord, le matériel carte-dé est très bien exploité, et l’aléa simulé par la pioche fonctionne à merveille. Et on aurait eu du mal à imaginer des dés à la place des cartes, à la vérité. Les CdB(C) parviennent à récompenser l’ingéniosité du joueur, et dans une toute petite boîte se trouve un monstre de calcul optimisateur, un diablotin du jeu à l’allemande.
Petite boîte pour gros jeu, certes, mais le potentiel de fun est assez bas : ce n’est ni délirant, ni immédiat. Non, il s’agit là d’un genre d’usine à gaz mini, lourde mais pas assez profonde, intéressante mais pas assez accessible. Le cul entre-deux chaises, entre la Bourgogne et la Loire, les châteaux ne brillent pas autant qu’ils le pourraient. C’est un semi-échec : le jeu m’a plu, et je suis sûr qu’il saura plaire à un certain public, mais je crains avoir peu d’occasions de le faire briller en société.
Les Châteaux de Bourgogne version cartes,
Un jeu de Stefan Feld
Edité par Alea, Ravensburger Spieleverlag
Langue et traductions : Allemand, Anglais, Français
Date de sortie : 04-2016
De 2 à 4 joueurs
A partir de 12 ans
Durée d’une partie entre 20 et 45 minutes
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atom 06/06/2016
Comme toi j’ai découvert le jeu en version cartes sans connaitre la version originale (avec les dés). J’avais plutôt apprécié, et puis on a joué (et découvert) la version dés avec ma femme. on y a même rejoué, puisque l’on y était on s’est lancé sur la version carte. Et le retour au jeu de carte fut froid sans âme pour moi, on a joué du tac au tac sans plaisir. Quand a mon amie après avoir joué a la version dés et toutes ses possibilités, ce fut le même constat, trop plat, moins de combo. La version carte aura eu le mérite de me faire découvrir la version originale.
Grovast 06/06/2016
Chronologie de découverte différente pour ma part, mais même conclusion : l’inévitable comparaison avec la version originale est peu flatteuse.
Je trouve un seul maigre avantage à la version Cartes : elle est moins volumineuse. Mais elle nécessite autant d’espace pour jouer et est tout aussi lourdingue à l’installation…
Au niveau du principal, à savoir le gameplay, je rejoins l’article. Le ratio lourdeur sur intérêt n’est pas génial.
Pas super inspiré sur ce coup là Stefan.
morlockbob 06/06/2016
Effectivement si on compare les 2 versions, il n’y a pas photo. Mais doit on les comparer ?
Je suis enchanté de l’effort fait pour cette version cartes. Si on la prend telle quelle, elle se joue bien, avec de la tension… J’en ai fait pas mal de parties et les retours ont été plus que favorables. Pour un jeu de cartes à 12 e, on est bien au dessus de la plupart des faibles adaptations habituelles. Feld aurait pu nous refiler un truc ultra bateau, il y a un côté Bruges dans ce jeu… Bref on est loin des dice machin qui se foulent pas dans ce type de manœuvre. Perso, j’approuve.
Umberling 06/06/2016
Le jeu de cartes propose clairement un challenge d’optimisation que l’on voit rarement dans un jeu de cartes, je l’admets volontiers. Mais diable, que c’est froid ! Quant à la comparaison, si le produit ne se réclamait pas une adaptation, je n’y aurais même pas songé. Mais là…
RV 07/06/2016
Comme le disait Morlockbob un peu avant, doit on les comparer ?
Pour ma part j’ai trouvé vraiment excellent la version plateau, mais la version carte me servira totalement à autre choses ! Ca me servira surtout en voyage / week end entre amis tout ca ^^ Je me souviens quand je suis partie au ski cet hiver on avait ramené plusieurs grosses boites mais j’avoue ca prenait énormément de places, donc j’ai commencé à me faire quelques achats expres pour ca genre des boites métals et des jeux qui prennent peu de place genre celui la ^^
Umberling 07/06/2016
Dans l’absolu non mais quand on voit la différence de niveau entre les deux jeux… pour les jeux « de poche », il y a mieux !
RV 07/06/2016
bah ce n’est pas pour un jeu de poches à proprement parlé oui ^^ (j’ai stupide vautour pour ca) c’est plus pour le plaisir du gros jeu sans l’être vraiment et surtout « sans matos à transporter dans les valises » ^^ Puis bon 11€ ca ne sera pas la ruine en tout cas
On m’a parlé récemment de « meuterer » dans le genre jeu sans matos avec de la reflexion quand meme