Trick and the Phantom : quand Oink Games revient à ses premières amours.
La Oink Family
Il y a longtemps que je n’ai pas fait un petit tour dans la galerie des jeux Oink Games. Vous savez, cette petite entreprise à la couleur bleue, qui est depuis quelques années en pleine expansion. À la tête de cet éditeur (le mot est de bon aloi pour une fois au milieu des centaines d’auteurs auto-édités) le charismatique et très talentueux Jun Sasaki. Ses jeux sont incontournables et à chaque Game Market, le stand Oink Games semble devenir plus grand, plus coloré et noir de monde. Un univers en bicolore, comme ne disait pas une chanson du début des années 90.
Cette fois-ci, donc, nous allons parler d’un jeu japonais qui devrait arriver dans les boutiques françaises et francophones : Tricks and the Phantom, ou plus exactement, dans la langue de Kawabata, トリックと怪人.
Le jeu se joue de 2 à 4 joueurs, à partir de 9 ans, pour des parties de 15 minutes si tous les joueurs, ainsi que les joueuses autour de la table sont au courant des règles.
Tricks and the Phantom, une traduction littérale qui ne veut pas dire grand chose, si on ne comprend pas le japonais. Je ne sais pas pourquoi Oink Games s’obstine à traduire les titres sans passer par un natif. L’un des grands mystères japonais qui me turlupine depuis bientôt deux décennies.
Le jeu n’est pas signé Jun Sasaki. Et je dois dire que c’est une bonne chose, vu les dernières créations de ce génie du packaging. Oink aura publié pas moins de 4 jeux, voire 5 si on compte Modern Art, exclusif à l’Allemagne, en 2018. Un bilan énorme, surtout si l’on ajoute cette expérience étrange qu’était le jeu produit pour l’exposition Kore ha Game Nanoka (これはゲームなのか展) ?
L’auteur s’appelle Takashi Saito. Un nouveau venu dans la cour du Roi Sasaki. J’avais malheureusement découvert le jeu bien trop tard pour le précommander dans sa version originale, il y a de cela un an. L’auteur, comme des centaines d’autres ce jour-là, avait installé son stand amateur, pour vendre un jeu pour la modique somme de 500 yens. J’avais été épaté par la qualité des illustrations, ainsi que de l’efficacité du matériel et du système de jeu. Sasaki a lui aussi repéré le jeu et a proposé à l’auteur de l’éditer sous la bannière de Oink Games. Une chance difficile à laisser passer pour un auteur amateur, ici. Pour parler franchement, le levelling up du jeu via Oink a été critiqué par les amoureux de la première version. Il faut dire que le prix à quasiment été multiplié par 5, à la faveur de la dissolution des illustrations d’origine, très réussies pour un jeu Doujin (同人, amateur) et du remplacement des jetons transparents par des morceaux de bois peints en 3 couleurs.
Comment ça se joue ?
Dans Tricks and the Phantom, vous allez essayer de deviner l’identité des autres joueurs, en récupérant le plus d’informations possibles, principalement en ayant recours à la déduction et à des prises de risque, pour gagner des points de victoire.
Il y a en tout et pour tout 11 cartes personnage dans la boîte. Chaque personnage a une valeur allant de 1 (avec une seule carte en deux exemplaires, représentant le Kaijin du titre original), à 10, l’Homme Politique.
Le principe va être de deviner quelle carte jouée par les joueurs et joueuses autour de la table est la plus forte pendant la manche. La force des cartes est représentée par leur numéro. Très simple. On rejoue plusieurs manches, et la partie s’arrête par la victoire du premier joueur ou de la première joueuse à atteindre 10 points de victoire.
Dans une configuration à 4, clairement la meilleure, chacun/chacune reçoit 2 cartes Identité, et 3 cartes sont retirées de la manche. Elles restent secrètes. On reçoit aussi 3 objets, un rouge, un bleu et un jaune, correspondant aux trois différentes couleurs des fonds de cartes. Tout le monde va choisir une carte parmi les 2 reçues et la poser face cachée devant soi, avant d’y déposer l’objet qui correspond à la couleur de la carte posée. A noter que le Kaijin n’a pas de couleur attitrée et peut donc poser n’importe quel objet sur sa carte.
Vient ensuite la deuxième phase, pendant laquelle chacun/chacune va essayer de deviner quelle carte parmi les 4 posées est celle du Criminel. Une fois cette phase terminée, on révèle. Les points sont distribués selon le nombre de joueurs ayant identifié le Criminel, le nombre de joueurs que vous avez pu attirer vers votre carte Identité, ainsi que le type de la carte Criminel. Ça paraît compliqué mais avec le livret de règles et le matériel posé sur la table, ça ne l’est pas du tout !
Certains personnages, comme le Tenancier de Bar, ou le Détective Privé, ont des capacités spéciales qui peuvent mettre en péril les cartes à valeur haute, comme l’Homme Politique, à 10, ou le Yakuza, à 9.
Alors, c’est bien ?
Le jeu est particulièrement malin et l’aspect déduction fonctionne très bien. Les deux cartes Kaijin, les fantômes, n’ont pas de couleur attitrée et on peut se retrouver avec des situations où l’ensemble des joueurs/joueuses de la partie posent le même objet sur leur carte cachée… sachant qu’il n’y a que 3 cartes de chaque couleur.
Dit comme ça, on pourra croire que le jeu est hasardeux. Eh bien, figurez-vous que non, puisque les effets de cartes disponibles sur certains personnages viennent créer des situations plus faciles à lire, d’un point de vue stratégique. Les manches ne se ressemblent jamais et certaines parties peuvent se terminer en moins de 15 minutes. Les cartes à valeur forte semblent de prime abord bénéficier d’un net avantage, et on pourra se dire lors des premières parties, que la distribution des cartes aura un impact important sur la résolution des tours.
Pourtant, après quelques parties, on commence à repérer les différentes imbrications mécaniques que les capacités spéciales des personnages plus faibles proposent. Gagner un tour avec le Tenancier de Bar, avec sa valeur de 2, par exemple, donne une sensation assez inégalée, comme celle que peut aussi créer le Détective Privé, qui multiplie par 2 les points de victoire si on parvient à se retrouver en tête en terme de Force.
C’est certes très subtil, un peu comme pouvaient l’être Kobayakawa, ou mieux encore, Hattari (Yabu no Naka, 藪の中), le premier Oink sorti en France par un éditeur autre que Oink lui-même. Yabu no Naka reste pour moi un chef-d’oeuvre mécanique… mais c’est une autre histoire.
Il s’agit d’un jeu que je qualifierai de très japonais. C’est une sensation de jeu, et un principe mécanique exploité avec une subtilité toute japonaise. Ce concept n’est pas évident à expliquer, ni à comprendre, je vous le concède. Je suis absolument admirateur de ce type de jeux, que j’aime garder dans ma ludothèque pourtant toujours excessivement changeante.
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Hebus 30/01/2019
C’est fou à quel point le relooking fait penser à Ghost trick phantom detective sur Nintendo DS. 🙂