The Vale of Eternity : ne les attrapez pas tous !

D‘accord, Pokémon existe depuis bientôt 30 ans. N’empêche que j’ai l’impression que la mode des jeux où l’on doit collectionner les bestioles n’a jamais été aussi forte : Vivarium, Dragon Eclipse etc… Bon, je vais pas me plaindre, moi j’aime bien les bestioles. Et donc quand on m’a dit « viens, on joue un jeu de collection de bestioles à la Season » j’ai dit oui. Avais-je raison ?

Un jour, je serai le meilleur dresseur

Commençons par une rapide présentation des mécaniques (si vous préférez, il y a le ludochrono). Il s’agit d’un jeu dans lequel on va devoir collectionner des monstres, ça vous aviez deviné. À chaque tour, deux monstres par joueurs sont piochés et répartis autour du plateau en fonction de leur famille. Chacun pourra donc en sélectionner deux, selon le classique « on choisit tous le premier dans l’ordre du tour, et le second dans l’ordre inverse ». Chaque monstre choisi pourra être vendu contre de la monnaie, ou gardé en main. Puis les joueurs pourront utiliser la monnaie pour poser les monstres de leur main, ceux-ci offrant moult combos et façon de marquer des points. La partie prend fin au bout de dix tours, ou quand quelqu’un atteint 60 points.

Rien de bien révolutionnaire jusque là, on est sur un jeu de combo de cartes somme toute assez classique, avec ses 5 couleurs de créatures qui chacune vont avoir leur façon de fonctionner, des créatures avec des effets permanents ou immédiats. Il faudra se faire un petit moteur à sous et à points de victoire pour gagner la partie. Pourtant, le jeu nous réserve deux petites surprises qui lui permettent de se démarquer.

 

Le plateau, et les cartes de 5 familles de créatures, chacune ayant une valeur de vente différente.

 

Le jeu il fait rien qu’à m’embêter

La première difficulté du jeu, c’est qu’il ne fait pas la monnaie, ni ne fait d’échange de pièces. Jamais. Or, les pièces que l’on récupère sont de valeur 1, 3 et 6, et leur répartition est toujours fixée par la famille de créature. Donc si vous voulez poser une créature coûtant 1, et que n’avez pas de pièce 1, tant pis pour vous, vous allez devoir gaspiller une partie de votre « fortune », une pièce de plus forte valeur. Cette règle est en soit déjà contraignante, et elle pourrait être assez anecdotique, mais elle ne vient pas seule : des pièces, vous ne pourrez en avoir que quatre en même temps. Et là badaboum, cela change tout. Et oui parce que la phase de « draft » de choix des créatures devient tout de suite plus complexe. Si on compte poser deux créatures durant un même tour, il vaut peut-être mieux avoir plein de pièces de faible valeur plutôt qu’une seule grosse. Mais alors, vais-je d’abord choisir la créature qu’il me faut pour mon moteur, ou celle que je vais vendre ? Et puis, qu’en est-il du contre-draft ? En effet, celui-ci semblait évident puisque qu’on va souvent défausser plein de créatures, on pourrait se dire qu’il sera facile de vendre les créatures qui intéressent nos adversaires, mais en réalité le prix de vente et surtout la façon dont on le perçoit va largement influencer nos choix, et ce contre-draft n’est ainsi plus si simple.

 

3 valeurs de pièces.

 

Autre conséquence, on parle bien d’un jeu à moteur, mais un moteur raisonnable : si on a trop de cartes qui génèrent de la monnaie, on peut se retrouver avec des pièces gaspillées, et c’est un peu dommage. The Vale of Eternity nous pousse ainsi à ne pas être trop gourmand en valeur marchande, et d’être à flux tendu sur nos ressources, empêchant ainsi la stratégie d’accumulation pour jouer toutes nos cartes d’un coup. C’est quelque chose que j’aime beaucoup dans les jeux, ce côté remise en cause permanente de la stratégie, et qui à mon sens fonctionne bien ici, même si c’est au prix, on l’a dit, de l’exclusion d’une certaine façon de jouer.

Vous êtes peut-être en train de vous dire: « Je vois mal en quoi ce serait une contrainte de nous forcer à dépenser notre argent, si on en a trop, on peut alors jouer plus de créatures, et ne plus avoir besoin de les vendre ! » Alors oui… mais non. Parce que vous ne pouvez pas en poser tant que vous voulez, des créatures. En effet, vous pouvez avoir en jeu un maximum de créatures égal au numéro du tour de jeu. Et c’est là à mon avis que se trouve la vraie identité du jeu et ce qui créé sa dynamique. On peut avoir en main parfois des combos assez terribles, mais sans la possibilité de les poser ! Il faudra même faire des choix et abandonner certaines opportunités de combinaisons qui allaient pourtant bien avec notre tableau de cartes.

Le jeu nous propose néanmoins une mécanique qui nous permet de retirer les cartes que l’on a jouées, en payant un coût égal là aussi au numéro du tour. Que voilà une excellente idée ! On se retrouve face à des dilemmes intéressants entre garder nos rares ressources pour poser de nouvelles cartes, ou faire de la place. Surtout que le jeu offre là aussi une belle progression : on se rendra compte quand on a un peu joué que c’est en début de partie qu’il faut faire ce ménage car il est abordable. Mais autre dilemme, c’est aussi en début de partie qu’on va essayer de construire notre moteur et qu’on a peu de ressources. Bref, pas facile facile.

Piste de score.

 

L’autre point intéressant, c’est que les cartes « d’attaque » qui détruisent d’autres cartes ont ainsi un double usage : plutôt que de briser un combo chez un adversaire, on sera parfois tenté de faire du ménage chez soi, certaines cartes à effet immédiat ne rapportant plus. La carte Cerbère, qui permet d’épurer son tableau devient ainsi une carte très très prisée.

Vous les verrez tous

On touche peut-être là une des limites du jeu : finalement, il y a peu de cartes différentes proposées au regard du nombre que l’on verra à chaque partie. C’est à la fois un bien et un mal. Un mal car pour les joueurs comme moi, il peut y avoir un effet de lassitude et l’impression de revoir toujours les même combos. Néanmoins, comme on est quasiment assurés de voir chaque carte dans la partie, un joueur plus aguerri (et meilleur que moi) pourra ainsi avoir la possibilité de bien mieux contrôler le jeu et de pouvoir réfléchir sur du plus long terme. On pourra aussi plus facilement identifier les cartes clefs pour les combos.

 

 

Et c’est une des limites pour moi, j’ai l’impression d’avoir vu quelques combos vraiment plus forts que les autres, et certaines cartes assez immanquables, même si on ne les veut pas, il faudra faire attention à ne pas les laisser à nos adversaires. Là aussi, un des reproches que je ferais au jeu, c’est qu’il manque probablement un peu d’interaction, celle-ci se situe surtout au niveau du contre-draft, mais on a peu d’effet pour embêter les autres. Comme on sait presque tout des cartes que nos adversaires ont en main, des joueurs meilleurs que moi trouveront que c’est suffisant pour contrer leurs plans.

Pour terminer, je reste dubitatif sur la direction artistique, qui est assez inégale d’un monstre à un autre.

Il a obtenu son badge ?

Au final, je suis plutôt positif sur The Vale of Eternity. D’une part, c’est clairement mon type de jeu, et il se présente dans une petite boîte, assez rare et appréciable pour ce genre de proposition pour être souligné. D’autre part, Les règle sont simples mais avec suffisamment de petites contraintes pour donner une personnalité au jeu et proposer des réflexions intéressantes. Certes, mon enthousiasme initial est un peu retombé après quelques parties à voir les mêmes cartes (oui je sais que c’est aussi lié à la taille de la boîte), mais je pense qu’il remontera en flèche si une extension est proposée.

 

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