The Front Nine, des p’tits trous, des p’tits trous, …
Deux petites remarques pour commencer :
- Ceci est un Kickstarter; à l’heure où je poste cet article, il reste une vingtaine de jours et nous approchons du tiers du financement
- A part les cartes des trous, qui sont de la deuxième édition, les illustrations sont de la première et devraient être remaniées, merci d’en tenir compte
C’est quoi être original de nos jours ?
L’originalité est quelque chose de plus en plus rare à notre époque, dans une société devenant globale et uniformisée. C’est valable pour les films, les livres, la musique, mais aussi pour les jeux.
Avec une production ludique de près de 1000 jeux par an dans le monde (863 nouveaux jeux présentés à Essen en 2013), il est inévitable que des mécanismes se retrouvent ci et là, sans qu’il soit pour autant question de plagiat.
Artipia avait quand même marché sur la corde raide avec Among the Stars, et aggravé son cas avec l’extension The Ambassadors, faisant se hérisser les poils d’Antoine Bauza et de Repos Prod, ne pouvant rater les similitudes avec 7 Wonders, puis Leaders.
Friedemann Friese, l’homme aux cheveux verts, célèbre pour son Funkenschlag, avait poussé l’exercice à son paroxysme en sortant son « Copycat », qui emprunte leurs mécanismes phares aux jeux du Top 10 de BGG. Le résultat étant, à mon grand étonnement je dois dire, un bon jeu et non un mix indigeste.
Chef, j’ai trouvé un original, qu’est-ce qu’on en fait ?
Et c’est là qu’arrive Nick Case, sujet de Sa Majesté britannique, avec une idée toute fraîche, un jeu de golf !
Déjà, il ne doit pas y en avoir beaucoup dans le monde des jeux de société, mais ici, il s’agit plus précisément d’un jeu où on construit son parcours de 9 trous, avec gestion tendue de ressources et une composante spatiale (pas les vaisseaux hein !) en prime.
Nick a tout d’abord auto-édité son jeu, et disposait de 50 copies, qu’il a présentées au UK Games Expo le 31 mai à Birmingham.
Elles se sont toutes écoulées en un temps record !
Il faut dire qu’il a bénéficié d’un très bon buzz grâce à la critique vidéo de son jeu, quelques jours avant, par Rahdo (Richard Ham, auteur de nombreuses critiques de jeux sur sa chaîne YouTube « Rahdo runs through it »).
Voyant le succès, mais ne voulant pas le laisser lui monter à la tête, ni se lancer tête baissée, Nick a posté sur BGG, demandant qui pourrait être intéressé par une seconde édition.
Devant le nombre de réponses enthousiastes (dont la mienne), il a réfléchi au meilleur moyen de l’éditer, contactant différents éditeurs, puis, préférant la liberté que lui apportait l’auto-édition, mais cette fois sous forme de Kickstarter.
Et alors, comment on fait son trou ?
Soulignons d’abord l’élégance et la simplicité de la boîte en bois. Une des raisons également pour Nick d’avoir choisi le Kickstarter, les éditeurs voulant lui imposer une boîte en carton, pour raisons d’économie.
Le couvercle est coulissant, le plateau du marché se trouve au dos, pratique !
Sur la tranche de la boîte, on dispose d’une réglette qui permet de mesurer les distances par rapport au club house (voir fin du jeu).
Ça donne déjà envie de jouer !
Au début, chacun reçoit une carte représentant son club house, qui comprend une piste pour l’argent (on commence à £10) et quatre emplacements pour les ressources. Au verso de cette carte se trouve, le tableau de score de fin de partie.
Le marché est mis en place : trois cubes par ressource à 2 joueurs, cinq à 3, six à 4.
Les ressources sont nécessaires à la construction des différents trous : le bois, le sable et l’eau.
Pratiquement, elles représentent la plantation et taille des arbres et des buissons pour un parcours plaisant à l’œil, le sable pour les bunkers et enfin les pièces d’eau.
On dévoile 9 cartes de la pioche, qui auront une valeur de £0 à £8 de gauche à droite.
On détermine ensuite le premier joueur.
On prend ses clubs, sa casquette, et c’est parti !
Alors, il est pas beau mon swing ?
Chaque tour de jeu se déroule en 4 phases :
1. Phase du marché
Chacun a le droit d’acheter ou de vendre deux cubes. Le premier cube d’une même ressource coûte £1, le deuxième £2, jusqu’à un prix maximum de £3.
Cette phase commence par le dernier joueur. Cela lui permet, en prenant connaissance des cartes disponibles, d’acquérir une ressource qui permettrait au premier joueur de pouvoir construire trop facilement la carte la moins chère.
2. Phase des affaires
Cette fois, c’est l’ordre normal du tour qui est appliqué.
On peut faire l’acquisition d’une seule carte parmi les 9 et on la prend en main. Il faut bien choisir, car la taille de main maximum est seulement de trois, et il faudra payer £1 pour pouvoir défausser une carte de sa main (1x par tour max).
Tout de suite après l’achat, on fait glisser les cartes vers la gauche et les coûts diminuent en conséquence. Les cartes sont remplacées en fin de tour.
On peut également passer son tour, la carte la plus à gauche est alors immédiatement défaussée.
Il y a plusieurs types de cartes qu’on peut acquérir :
- Les plans de trous :
Le PAR, de 3 à 5, est important en fin de partie : le joueur le plus proche du PAR 36 remporte des PV supplémentaires.
Dans l’encadré, le coût selon la tranche de 3 trous de laquelle il fait partie (voir plus bas), les ressources nécessaires et le revenu qu’il va rapporter.
- Des cartes de revenus : Celles-ci doivent être placées adjacente au club house. Elles rapportent des £ supplémentaires lors de la phase de revenu.
- Une carte « offre du marché » : un one-shot très puissant qui vous permet, au moment où vous le jouez, de prendre une ressource de chaque type, pour à peine £2 en tout, et ensuite de jouer votre phase de marché normale .
- Des licences :
Ces cartes vous permettent d’obtenir gratuitement, lors de chaque phase revenus, une ressource correspondante à la carte (soit bois/sable/eau) du marché et de la stocker à part sur cette carte, ce qui permet de libérer des emplacements ressources sur son club house.
- Des ressources naturelles :
Forêt, dunes et cascade, elles donnent un bonus de +4 dans une des ressources, cela compte en fin de partie pour les majorités.
- Des cartes d’ingénierie :
Elles permettent, en fin de partie, de doubler son score de PV obtenus grâce à la majorité correspondante.
Ces trois dernières sortes de cartes sont placées sur le côté, en dehors du parcours.
3. Phase de développement
On va soit construire, soit prendre ses revenus.
a) Prendre ses revenus
Les revenus s’élèvent à la somme des revenus de toutes les cartes construites. Si on n’a encore rien construit, le club house rapporte £1. Hé oui, c’est peu !
b) Construire
En ce qui concerne la construction, si on en a les moyens/ressources, on peut poser toutes ses cartes en main.
Payer des ressources, des licences, des cartes d’ingénierie, etc.
Excepté pour les trous, toutes les cartes ont un coût fixe en £.
Payer et placer un trou
Pour construire un trou, il faut remettre sur le marché le nombre de ressources indiqué selon ses caractéristiques (beaucoup de bunkers –> 2 cubes sable, de pièces d’eau –> 2 cubes eau, …). Il faut ensuite payer un coût variable, selon que le trou qu’on construit fait partie des trois premiers, des trous 4 à 6, ou des trois derniers.
Il est donc important d’avoir développé un bon moteur pour l’argent au fur et à mesure du jeu.
Et c’est ici que le jeu déploie toute son inventivité : le placement du trou.
Pour votre premier trou, il faut qu’il y ait correspondance entre une des six flèches du club house avec la « tee off zone » (début du trou, indiqué par une ou plusieurs balles avec des flèches vertes). Il peut donc être placé orthogonalement adjacent au club house, ou en diagonale, n’importe quel angle de 0 à 180°, tant qu’une des flèches du club house touche la carte du trou.
Les trous suivants devront impérativement être construits à partir de la zone de sortie du trou précédent (indiquée par une ou plusieurs balles avec des flèches rouges). Il est bien entendu que chaque trou a des entrées et des sorties plus ou moins grandes, et sur des côtés différents.
On vérifie à ce moment aussi qui a la majorité dans chacune des trois ressources en additionnant celles sur les cartes posées.
Tout l’art consiste à essayer de visualiser son parcours complet, d’orienter correctement ses trous, par conséquent d’acheter des trous ayant des entrées/sorties qui permettent de faire une « boucle » qui revient, idéalement, au club house à l’issue du neuvième trou !
On ne vous demande pas l’impossible non plus. A moins d’avoir une mémoire eidétique et le cerveau visionnaire de Frank Lloyd Wright, couplés à des prévisions dignes de Nostradamus pour savoir quelles cartes vont sortir, il est clair que vous n’arriverez pas à faire la jonction parfaite. Mais vous deviendrez meilleur au fil des parties, c’est certain.
En fin de partie, le joueur le plus proche de son club house remportera le plus de points. La réglette, sur le côté de la boîte, permet de mesurer (en balles de golf) à quelle distance on se trouve. Un peu comme à la pétanque donc.
4. Phase d’entretien
On pioche de nouvelles cartes pour revenir à 9. On remélange la défausse s’il n’y a plus assez de cartes dans la pioche.
On vérifie par la même occasion les conditions de fin de jeu.
Fin de partie
Le jeu prend fin après la phase 4 du tour où :
- quelqu’un a construit son 9ème trou
- la défausse et la pioche sont vides et il n’y a plus assez de cartes pour remplir les 9 emplacements
Le décompte final se fait comme suit, sur le verso du club house :
- Distance du neuvième (ou dernier, si le jeu a fini plus tôt) trou au club house, mesurée avec la réglette : le plus proche a 5 PV, puis 3, puis 1
- Trois décomptes de majorités des ressources : on additionne les ressources de tous ses trous, en tenant compte des +4 des ressources naturelles : 5/3/1 PV, et x2 si on a les cartes d’ingénierie
- PV sur certaines cartes
- On fait le total du PAR. 5 PV si on obtient 36, et 1PV de moins par point d’écart. Donc à 31 et moins ou 41 et plus : 0 PV
Et voilà, et on n’oublie pas de remercier son caddie pour son aide en lui payant une bonne pinte au club house !
Alors, c’est la Ryder Cup ou le minigolf du coin ?
Vous l’aurez deviné, je suis pour ma part super enthousiasmé par ce jeu !
Pas que je sois un fan de golf, mais on est dans un pur jeu de gestion, hyper tendu, que ce soit du point de vue des ressources comme de l’argent.
Les ressources vont et reviennent sur le marché en permanence et sont en nombre extrêmement limité. L’argent, lui, est « illimité », mais, au début en tout cas, on n’en a que très peu et on est constamment obligé de jongler avec le marché pour obtenir de petits gains. On respire mieux une fois quelques trous construits, qui nous rapportent de l’argent à chaque phase revenus.
Il y a beaucoup de possibilités de blocage. Je vous conseille de les utiliser, mais sans obstination : on n’a que quatre emplacements de ressources (beaucoup plus aisé une fois qu’on a acquis une licence) et un maximum de trois cartes en main.
Le dilemme construction/revenus va se poser à de nombreuses reprises durant la partie.
Quand vous achetez un trou, outre les entrées/sorties compatibles avec votre plan global, vous devez en plus considérer les ressources nécessaires (histoire d’être compétitif pour les majorités en fin de partie) et le PAR afin de ne pas trop s’écarter de l’objectif de 36.
Et quand ce ne sont pas les ressources et l’argent qui manquent cruellement, vous vous casserez la tête à tourner et retourner vos trous dans votre tête pour revenir à ce satané club house.
Bref, des heures de plaisir en perspective (suis-je un peu maso ? )
Si vous voulez aider Nick et, vous aussi, vous la jouer Tiger Woods, vous savez ce qu’il vous reste à faire !