Talisman, 5e du nom : bijou ou verroterie ?

“Le jeu dont on ne termine jamais une partie” … “Les petits chevaux med-fan” … “Le jeu de l’oie D&D” … La réputation que je connaissais de Talisman n’était pas ce qui se fait de plus enviable. Mais quand on lit “5e édition”, on se dit qu’on peut lui donner sa chance, ne serait-ce que pour ne pas mourir bête. Vous l’avez compris, aucun effet nostalgie avec moi sur Talisman ! Non, je n’y avais jamais joué – mais j’avais bien envie de me faire mon propre avis sur ce titre dont l’ancienneté force tout de même le respect (la première édition remontant à 1983 chez Games Workshop). 

 

Talisman se bonifie-t-il avec le temps ? 

La première question qu’on m’a posée quand j’ai dit à des amis que j’étais en train de découvrir ce monument dans sa cinquième édition (chez Avalon Hill donc), c’est “combien de temps ?”. La durée de partie est en effet devenu un critère fondamental de nos jours. Le temps que l’on décide d’allouer à un jeu doit semble-t-il être proportionnel au plaisir qu’il procure. Ainsi depuis quelques années, les durées de parties des jeux sont de plus en plus ramassées. Pour durer plus d’une heure aujourd’hui, il faut avoir de quoi tenir ses joueurs en haleine. Une progression, une intensification de la tension, un épaississement des choix stratégiques, ou tendre vers un climax narratif… Alors est-ce que Talisman sait faire cela en 2024, après près de 20 ans d’existence ?  

 

“La persévérance est un talisman pour la vie.”


Talisman
5e du nom, arrive cette année (avec une version numérique d’une part, et une première extension d’autre part, Alliances : L’appel du Destin, qui va apporter un mode coop d’ici fin septembre) sous un nouveau look et quelques modifications notables de règles qui vont à peu près toutes dans le sens de l’accélération. Était-ce la seule direction possible ? Moderniser signifie forcément écourter ? 

 

2 à 6 joueurs mais on conseillera plutôt d’y jouer à trois

 

Le jeu de société dont vous êtes le héros à l’ancienne

Revenons rapidement sur la base. Dans la lignée des Livres dont vous êtes le héros, dans Talisman 5e édition, chacun incarne un·e héros/héroïne de high fantasy qui cherche un talisman nécessaire pour aller occire le dragon qui se trouve au centre du plateau. À chaque tour, le joueur actif lance un dé et choisit de se déplacer dans une direction, du nombre de cases indiqué par le dé. Sur la case, il résout ce qu’il s’y passe : souvent il faut lancer les dés, avec divers résultats plus ou moins positifs, ou piocher des cartes (rencontres de compagnons ou d’ennemis à combattre, etc) – sachant que l’on peut aussi affronter les copains si on se retrouve au même endroit. L’objectif va être de progresser (armes, sorts, etc) pour pouvoir aller fumer le dragon et pour cela, il faudra arriver à avancer sur ce plateau qui n’est pas sans rappeler les cercles de l’enfer.  

Explorez les terres, détrônez le Dragon Ancien et réclamez la Couronne de Commandement toussa…


L’édition est globalement propre, reflétant plus ou moins cette époque des 80’s, quand la high fantasy n’était pas à la mode, en s’inscrivant dans une relecture moderne, un peu léchée (on se retrouve assez loin du style de Garry Chalk, l’illustrateur des premières éditions, connu aussi pour ses contributions à la série Lone Wolf). Quant à la lisibilité du plateau, ouch. On aurait limite aimé avoir une aide de jeu qui nous récapitule les effets des lieux plutôt que d’avoir à se lever pour aller lire du texte écrit à l’envers en tout petit de l’autre côté de la table. Et une fois qu’on laisse des cartes sur les cases, c’est le chaos ! Côté illustrations, certains n’ont pas goûté le fait que les terrains étaient tous tournés vers l’intérieur mais cela ne nous a pas particulièrement choqué. Les cartes sont pour leur part belles et lisibles, les figurines seront agréables à peindre.  

12 personnages, dont un Troll, ça c’est plutôt cool

Modifications, modernisation ? 

Regardons maintenant quelques modifications faites sur le game design : La règle du destin pour le mouvement est très utile pour donner un coup de pied aux fesses au côté “jeu de l’oie” puisque désormais vous utilisez un jeton destin (encore faut-il en avoir) et choisissez votre jet de mouvement. D’ailleurs ces jetons servent aussi à reroll vos dés. La carte objet Talisman ne compte plus dans la limite des objets portés, ce qui permet de ne pas obstruer la phase où l’on se stuffe. Mourir ou être transformé en crapaud est devenu beaucoup moins punitif qu’avant – notez que pour les plus nostalgiques, les règles suggèrent toujours des alternatives à l’ancienne. Un passeur est maintenant toujours disponible à la Taverne pour faire traverser la rivière contre 2 or.

C’est écrit petit dans ce grimoire ou c’est moi ?


Alors oui, c’est sans doute plus rapide et moins frustrant qu’avant, oui les choix éditoriaux faits sont plutôt très défendables vu le matériau de départ. Néanmoins, à mon goût – et sans l’effet nostalgie aidant, je le redis – ça reste long, répétitif, injuste. Je le répète, car je pense sincèrement qu’avoir découvert
Talisman dans les années 80 et y rejouer maintenant dans une version plus moderne peut être un vrai plaisir. Pouvoir transplaner dans son âme d’enfant n’a pas de prix, aucun argument rationnel ne pourra défaire cela. Ce n’est pas pour rien que tous les vieux pots de notre enfance resurgissent les uns après les autres avec plus ou moins de ripolinage. Talisman existait dans ces années où l’univers med-fan était quasiment nulle part. Il a offert une alternative accessible aux parties de D&D durant des générations. 

Non à la stigmatisation des amphibiens


Mais nous le découvrons en 2024. Et malgré toute la bonne volonté du monde, nous avons eu bien du mal à avoir l’impression de “vivre une aventure” ici, le côté “long, répétitif, injuste” prenant le pas sur « l’histoire ». Tous les changements opérés vont dans le sens de “
Talisman est une course, rendons-la plus énergique” mais de ce que j’avais cru comprendre, l’intérêt de Talisman n’a jamais résidé réellement dans le côté course. Le fun du jeu n’était pas de le rusher, ni même de chercher à gagner ! mais plutôt de se la jouer role-play et narration à fond, quitte à faire des choix qui retardent votre progression s’ils vont dans le sens de votre personnage. Ce qui signifie que cette nouvelle politique de modernisation n’était finalement peut-être pas la carte à jouer – ou en tout cas pas la seule. Peut-être qu’au lieu, ou en plus, de chercher à accélérer les choses, il aurait fallu améliorer l’histoire qu’il nous raconte. Encourager les joueurs à être plus role play encore. Donner plus de sel et de piment à la région finale. Insuffler plus de vie et de force aux aléas. Car c’est là où finalement j’ai été déçue. J’étais prête à une aventure de 3h, mais qu’il s’y passe des choses marquantes, marrantes. Pas des “je gagne un or”, “je perds un point de vie”, “je gagne un point de vie”, “rien ne se passe”, “je gagne un force”… 

Oh bah dis j’ai trouvé de l’or dans les champs !


Certes, l’avis de quelqu’un qui découvre
Talisman en 2024 sera très certainement à l’opposé de celui d’un fan qui collectionne toutes les éditions et extensions depuis 1983. J’en conviens humblement, si le jeu brave les années, c’est qu’il trouve son public, édition après édition. Mais je continue d’y voir surtout une preuve de la puissance de l’effet nostalgique. Un amateur de med-fan aujourd’hui pourrait se tourner vers Runebound, Oltréé, Mage Knight, Tainted Grail, Drakon, Destinies, Le Seigneur des Anneaux: Voyages en Terre du Milieu, Descent, Le dilemme du Roi ou même Return to Dark Tower et y trouver plus d’espace décisionnel et plus d’immersion. On me vantera l’accessibilité de Talisman, je disconviendrai en mentionnant l’écriture du livret de règles – franchement après cinq éditions, on pouvait espérer mieux en termes d’organisation des informations. Personnellement, je rêve de voir Talisman repensé par Restoration Games ! Malgré tout, je dois bien avouer que l’extension coopérative m’intrigue un peu – si le jeu devient coopératif, les sensations pourraient être un peu différentes – mais tout dépendra de la qualité de l’IA et des apports/modifications proposés par Avalon Hill. 

 

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1 Commentaire

  1. elniamor il y a 15 heures
    Répondre

    J’avoue ne pas avoir lu l’article entièrement, mon expérience avec ce jeu se réduisant à une tentative sur une application, pour voir, un peu pour les mêmes raisons et avec la même appréhension que détaillée en introduction. Bilan : j’ai pas  compris où était le jeu là dedans (opinion personnelle évidemment)…

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