Siège de Valeria – Le premier jeu solo de la longue série

Siège de Valeria est un épisode de plus de la longue série des Valeria, imaginé par Glenn Flaherty (nouvel auteur encore inconnu), édité par Daily Magic Games en 2022 et tout récemment localisé en France par Bad Boom Games. À la différence des titres précédents (que je n’ai pas eu le courage de vous lister tant ils sont nombreux), celui-ci est le premier à être exclusivement jouable en Solo. Annoncé comme un jeu de Tower Defense, le principe sera de résister à des vagues de créatures ennemies derrière vos fortifications médiévales, jusqu’à désamorcer leur siège.

La licence parvient-elle suffisamment à se renouveler pour faire une belle proposition à la communauté de joueurs Solo ? C’est ce que nous allons voir dans ce Just Played !

 

 

Vous avez dit Tower Defense ?

À la mise en place, vous allez disposer devant vous une grille de cartes carrées. Celles-ci représentent des vagues de troupes ennemies venant s’écraser ligne par ligne sur vos murailles. À l’arrière seront disposés des engins de siège, qu’il sera difficile d’atteindre mais qui infligeront des dégâts sur vos fortifications. À l’avant, la grande majorité des cartes seront des troupes au sol ou volantes.

La partie va se dérouler en maximum 7 tours de jeu successifs. À chaque tour, vous éliminerez autant de troupes ennemies que possible. À chaque fin de tour, de nouvelles troupes viendront les remplacer depuis la pioche. Vous continuerez ainsi, jusqu’à remplir une condition de victoire ou de défaite.

La victoire vous sera donnée dès lors que vous aurez éliminé tous les engins de siège. La défaite surviendra dès lors qu’une partie de votre muraille se sera effondrée ou que vous aurez vidé la pioche de cartes Troupes, signe que vous n’êtes pas parvenu(e) à reprendre le dessus à temps.

 

Vos dés, vos champions et vos cartes gagnées, seront vos leviers pour affronter l’ennemi.

 

Bien que l’on parle de Tower Defense, les mécaniques de jeu sont entièrement basées sur du placement de dés et de la gestion de main. au début d’un tour, vous commencerez par lancer vos dés, puis par subir les attaques des engins de siège depuis la ligne arrière, puis par piocher une carte Evènement. À ce stade et par la suite, un goût d’Ameritrash prédomine de par le thème guerrier, l’usage des dés, la pioche de cartes ennemies et les événements aléatoires.

Une fois le tour de jeu engagé, le placement de dés commence. Ceux-ci représentent des dégâts (physiques en rouge, magiques en bleu) que vous infligez sur les cartes ennemies et vous devrez les répartir intelligemment. Vous ne pourrez pas atteindre toutes les cartes ennemies, mais seulement celles qui forment le front. Les dégâts portés seront immédiats. Si vous en placez suffisamment sur une carte, vous la vainquez et la récupérez directement dans votre main. Vous pourrez ensuite utiliser quand bon vous semble le pouvoir qui est inscrit au bas de celle-ci. On va ainsi jouer son tour de jeu en plaçant successivement les dés de dégâts, en récupérant les cartes et en les utilisant dans la foulée. Cette dynamique d’enchaînements est assez plaisante.

C’est donc un jeu qui se porte allègrement sur le combo. Vous allez étudier les différentes possibilités de combinaisons entre les dégâts infligés par vos dés puis l’utilisation du pouvoir des cartes qui se dessinent sur le plateau.

 

 

Sans surprise, les illustrations de Mihajlo Dimitrievski s’inscrivent dans la constance de ses nombreux titres précédents (toute la série des Pillards de la Mer du Nord, des Valeria et des Imperium), avec un air de déjà-vu.

 

Un chaos équilibré

À l’instar d’autres jeux de la série des Valeria que j’ai pu tester, il y a de l’ingéniosité et de l’équilibre dans le game design, mélangeant donc jeu de dés et jeu de cartes.

Après une première partie, on se laisse penser que le caractère aléatoire du placement des cartes et surtout des lancers de dés (sans compter l’effet des cartes Evénement) pourrait classer ce jeu dans la catégorie « Luck dependant ». C’est par ailleurs ce qui m’a principalement déplu dans One Deck Dungeon, un titre dont le game design souffre énormément d’une dépendance à la chance. On pourrait d’ailleurs percevoir quelques points communs entre One Deck Dungeon et Siège de Valeria : jeu Solo, pioche d’ennemis aléatoire, placement de dés. J’ai cependant quelques arguments pour vous montrer que ce dernier s’en démarque, largement !

 

En fin de partie, un seau de dés bien rempli sera votre meilleur allié.

 

Il est à noter que quasiment toutes les cartes du jeu seront utilisées à chaque partie. Il y a derrière cela un certain équilibre d’établi. En effet, il sera absolument indispensable de récupérer certaines cartes précises pour parvenir à la victoire, en l’occurrence celles qui vous feront gagner de manière définitive des dés supplémentaires. Sans elles, pas de victoire.

Plus généralement, les pouvoirs des cartes auront chacun leur utilité à un moment du jeu, et vous ne devrez en écarter aucun. Certaines agissent sur les dés, en inversant par exemple leur face, en doublant leur valeur, en en faisant relancer plusieurs. Certaines permettent de permuter des cartes ennemies sur le champ de bataille, pour pouvoir les placer à votre portée par exemple. D’autres encore vont permettre de vaincre sans concession des cartes voisines, quelle que soit leur force. Chacune est utile et chacune sortira tôt ou tard de la pioche.

 

Vaincre un Effrit Enflammé permet de détruire instantanément un engin de siège à proximité. Cela fait partie des combos à réaliser sans faute pour décrocher une victoire.

 

Le deck de cartes ennemies viendra donc s’étaler sur la table et ce sera à vous de trouver le meilleur moyen d’accéder le plus rapidement possible aux cartes dont vous aurez besoin. Ainsi la crainte d’une dépendance trop importante à la chance aux dés s’estompe. Noyée dans les options qui s’offrent à vous au travers des cartes à collecter, vous parviendrez si vous faites les bons choix, à tirer votre épingle du jeu.

Il peut cependant exister des cas où rien ne va : les mauvais scores aux dés, les cartes tant souhaitées encore dans la pioche. Cela reste un jeu de dés ! De même, certains effets de cartes Evénement ont la main lourde comparés à d’autres. Également, les fins de parties sont fragiles. Même si vous vous êtes bien placés tout le long, un rien ne peut tout faire basculer : le mauvais engin de siège pioché à la fin, ou bien parmi les cartes restantes, l’absence de pouvoirs permettant d’agir sur les dés, et c’est le drame. Encore une fois, le drame peut être évité ou du moins limité, si vous avez ménagé vos efforts pour anticiper les fins de parties, et j’ai bien eu le sentiment que c’est possible !

 

La fin de partie où tout se joue, car les engins de siège vous tapent en pleine face

 

 

En définitive, le jeu montre un côté « puzzle » intéressant à la difficulté élevée (dois-je avouer que je n’ai pas encore gagné ?). Cependant on peut craindre un essoufflement à la longue, les parties risquant de se ressembler. On cherchera à rusher les mêmes cartes et à en conserver d’autres pour la fin. Le jeu appris par cœur montrera ses limites.

Le pari fait par l’auteur n’est certainement pas de vous promettre une durée de vie infinie mais au moins de vous divertir le temps d’acquérir la connaissance nécessaire pour arriver à la victoire plusieurs fois d’affilée. Sur ce plan là, j’avoue que le plaisir de jouer est bien présent et que ce pari me semble réussi.

Avant de conclure trop vite sur la durée de vie du jeu, il est à noter que Bad Boom Games dans sa localisation française a eu la générosité d’inclure l’extension dans la boîte de base, ce qui n’est pas le cas dans la VO. Cette extension prolonge le plaisir de jeu. C’est ce que nous allons voir tout de suite !

 

Les Champions sont des jokers polyvalents. Utilisez-les une fois par tour pour bénéficier d’un petit effet, ou défaussez les pour réparer une tour.

 

L’extension Campagne

Siège de Valeria : Campagne n’est pas un petit morceau ajouté dans le jeu de base. L’extension va allonger grandement sa durée de vie en ajoutant de nouvelles composantes. La mise en place ainsi que le déroulement de la partie sont complexifiés et alourdies par l’ajout de plusieurs petits decks dans l’espace de jeu, avec leurs mécaniques associées. Dans l’ensemble, vous ajouterez des éléments qui agiront en votre faveur (Duc, trois Champions de départ) ou en votre défaveur (Commandant ennemi, Troupes d’élite, Boss).

 

Des éléments pour vous servir, d’autres pour vous nuire.

 

L’extension encre définitivement le jeu dans un style Ameritrash, avec de nombreuses variables aléatoires supplémentaires qui feront la diversité et le sel du gameplay. Par exemple, les Commandants ennemis orienteront votre partie en déclenchant un effet défavorable chaque tour (désactiver un de vos champions, renforcer quelques troupes du front, etc.) tandis que votre Duc fera l’inverse (permuter une fois par tour des troupes ennemies, etc.). La carte Boss qui rejoindra les engins de siège en fin de partie donnera une identité à cette dernière, de par ses deux pouvoirs uniques et imposants.

 

Les champions de départ compenseront en partie l’arrivée de troupes d’élites et du boss.

Les troupes d’élites, nécessitant deux dés aux scores fixes pour être vaincues, donneront des pouvoirs plus fouillés, mais pas évident à placer.

 

De même que précédemment dans cet article, on peut se poser la question du contrôle dans ces sources supplémentaires de hasard. Cela en valait-il vraiment la peine ? Après avoir fait mon petit lot de parties, j’en tire une réponse assez claire. Les éléments ajoutés ont des effets plutôt bien dosés (à quelques exceptions près). Cela résulte dans un équilibre des bonus et des malus une fois de plus plutôt bien maîtrisé. La conséquence est que l’on ressent plus de profondeur, avec plus de leviers sur lesquels jouer, et plus de diversité, avec des parties plus contrastées entre elles.

De même que précédemment, il faut prendre cela avec quelques pincettes. On reste dans un jeu avec des dés et des pioches de cartes. Un mauvais alignement de planètes peut vous mettre à l’échec même si vous avez été bon élève du début à la fin. Les surprises, les rebondissements et un contrôle pas total : c’est ce qui fait tout le charme de l’Ameritrash ! À vous de vous positionner.

 

Le Mastodonte écrasera sans vergogne les troupes ennemies vous séparant de lui afin de vous atteindre au plus vite.

 

La campagne n’est pas une succession de scénarios scriptés, mais un enchaînement de trois parties successives dont l’issue de chacune impactera la suivante. Une victoire vous donnera des cartes Bonus, une défaite des cartes Pénalités, toutes aléatoires mais circonstancielles. Elles ne seront pas attribuées de la même manière à la première, seconde ou troisième partie. Je n’ai pas spécialement accroché au système, car je suis personnellement partisan du Catch-up (encourager le perdant et faire un croche patte au gagnant), subir une défaite étant déjà assez dur comme ça. Une question de goût en somme.

À l’issue des trois parties, une collecte de points de victoire déterminera une conclusion parmi les quatre. Il faudra sérieusement s’accrocher pour gagner trois fois d’affilée. J’en suis encore loin à ce jour. Chaque partie dure entre 45 et 60 minutes, ce qui nous fait 2 h 30 pour une campagne complète. Après cela, on sera rassasié, mais la proposition est suffisamment addictive pour se donner le challenge de réaliser pourquoi pas le Grand Chelem.

 

Tout brûle, ça sent la fin.

 

 

Le verdict

Après plusieurs épisodes de la série des Valeria qui m’ont parfois laissé un sentiment mitigé, j’ai trouvé en Siège de Valeria l’accomplissement d’un travail de game design plaisant et bien ajusté. il s’inscrit dans le style Ameritrash avec un penchant « puzzle game ». Le placement de dés se marie bien avec la gestion de main. Les nombreuses sources de hasard ne m’ont pas laissé de sentiment d’injustice, tant les leviers sont nombreux, à condition d’anticiper quelques coups à l’avance. Evidemment, on tombera parfois mal en fin de partie sous le coup de la malchance, le genre oblige. Durant la partie, l’analyse de la zone de jeu et des options possibles est plaisante et ne nous laisse pas dans une impasse ou bien dans une voie toute tracée.

Même s’il est difficile, le jeu de base seul tend à rapidement s’essouffler, mais l’extension Siège de Valeria : Campagne, incluse dans la boite de la VF, vient apporter les éléments nécessaires pour prolonger sa durée de vie. Plus d’éléments pour plus de complexité, de lourdeur et de hasard, certes, mais les parties diffèrent un peu plus, et les choix sont plus diversifiés.

Pour ma part, qui suis amateur de jeux en solitaire, j’ai été conquis. Sans égaler des titres exceptionnels tels que Legacy of Yu ou Under Falling Skies, je le place sans hésiter parmi les titres les plus intéressants du genre de ces dernières années.

 

 

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