Shinkansen Zero-Kei : Choisir son rail
J’aurais pu commencer ce Just Played, par « Tchou Tchou, voici le train de Nagoya qui arrive », mais cela ne fonctionne pas du tout avec Shinkansen Zero-Kei. Et pour cause, le Shinkansen, train à grande vitesse iconique du Japon, n’est pas à vapeur. Mis en service entre 1959 et 1964, à l’occasion des Jeux Olympiques de Tokyo, il s’est construit le long de la ligne de chemin de fer Tokaïdo et se veut le plus rapide du monde (240 km/h en 1964). Et il est sur rails électriques. Il ne fait donc pas « Tchou Tchou ».
ll est question, dans Shinkansen Zero-kei (prévu pour novembre 2022 dans nos boutiques), de train. Enfin, plus précisément de construire la voie Shinkansen (« nouvelle ligne principale » en japonais) entre les différentes villes japonaises qui accueilleront les Jeux Olympiques de 1964. Qui dit ligne ferroviaire, dit rails, dit stations ferroviaires. C’est autour de ces deux éléments que va se concentrer le jeu.
Notre voie ferrée électrique est constituée d’une seule ligne linéaire, de Osaka à Tokyo, en passant par une dizaine de villes. C’est à un travail conjoint que vont devoir s’adonner les joueurs pour lui faire voir le jour.
Mais il n’y aura qu’un seul gagnant. ll va falloir poser le rail, et le bon.
Pour mener à bien cette tâche, plein de bonnes idées vont être proposées dans ce jeu de pose d’ouvriers, où les joueurs seront en concurrence pendant cinq tours.
Premier point intéressant : tout tourne autour de quatre actions majeures. Ce seront d’ailleurs les seules requises pour avancer dans le jeu :
- Récupérer un rail,
- Poser un rail sur une ville de la ligne ferroviaire,
- Poser une station ferroviaire sur une ville,
- Participer aux sites olympiques.
Certes, il y a peu d’actions disponibles, mais le pendant est que vous ne pourrez pas beaucoup les activer. Inutile d’espérer construire rails et stations ferroviaires seul dans votre coin, vous devrez forcement vous appuyer sur les constructions des autres joueurs. Et on ne peut que le recommander, car une ligne non finalisée en fin de partie, outre insatisfaire toute population désirant accéder aux sites olympiques, vous nuira fortement sur le décompte final. De toute façon, toute construction faite n’appartient à personne, vu qu’elle est pour le bien commun.
L’accès aux quatre actions est conditionné par votre train personnel, initialement constitué d’une locomotive (électrique), et d’une queue de train. Ces deux machines, ainsi que les wagons qui viendront s’y greffer à chaque tour de jeu, vous formeront votre périmètre d’actions possibles.
Chaque joueur commence donc avec une action sur sa locomotive, correspondant à l’une des quatre actions majeures, et d’une action de queue de train, identique pour tous, permettant de gagner un peu d’argent. Cela ne donne pas beaucoup de marge de manœuvre. Votre nombre d’actions accessibles augmentera avec la taille de votre train, mais récupérez-vous celles que vous voulez ?
Heureusement, il sera possible d’utiliser les actions des cartes locomotive des autres joueurs. Ainsi, on a toujours accès aux quatre actions du jeu. Vous vous en doutez, il faudra payer le propriétaire pour utiliser sa carte. Toutes les actions du jeu ayant en général un coût, vous allez vite faire des comptes d’apothicaire.
Via toutes ces actions, vous allez progressivement faire sortir la voie Shinkansen de terre, en mettant des rails et des stations le long de la ligne.
Autre point central du jeu, et pourtant peu évident à appréhender : le scoring final, qui sera fonction de vos wagons acquis lors de la partie. L’amélioration de votre train aura une double fonction : définir vos actions accessibles, et définir sur quelles villes vous marquerez des points en fin de partie. C’est votre train au complet qu’on évaluera par rapport à l’avancement de la voie ferrée, car chaque carte wagon correspond à une ville traversée par le Shinkansen. Il va falloir trouver l’équilibre entre les actions à récupérer et les villes qui seront rentables en Points de Victoire. D’autant que ne pas respecter nos engagements est punitif :
Une carte wagon associée à une ville sans rail, c’est 3 points de victoire négatifs.
S’il y a des rails sur une ville, mais pas de station ferroviaire, c’est 0 point de victoire.
Les japonais aiment le travail fini.
Pour les villes qui répondront aux deux conditions, rails et station, il y aura alors plusieurs décomptes, en fonction des villes de vos wagons, de leur ordonnancement, ainsi que de votre participation aux sites olympique si vous avez été majoritaire. Sans oublier que le montant des points gagnés par ville dépendra du niveau de valeur qu’auront acquis les trois types de station au cours de la partie, dans une course à la première place.
Bullet train, Bullet game
Plein de bonnes idées sortent de Shinkansen Zero-kei. Plein de mécaniques viennent s’imbriquer les unes aux autres harmonieusement : pose d’ouvriers, course sur la piste aux valeurs des stations, construction de son train tant pour les actions à obtenir que sur les villes qui marqueront en fin de partie, que sur l’ordonnancement des wagons. Même le choix de l’initiative aura son importance.
Une interaction très forte naît de ce mélange, car nous n’aurons ni l’accès à toutes les actions, ni le nombre suffisant pour tout faire. Il faudra être attentif au jeu des adversaires, et se dire qu’on ne va pas investir sur une ville, car un autre le fera s’il a plus à y perdre. On profitera alors de son travail. C’est une coopération sous-jacente dans une ambiance fortement compétitive qui se met alors en place au long des cinq tours de jeu.
Le jeu apporte une profondeur intéressante autour des actions basiques. Seulement quatre actions, mais quelles actions ! On veut toutes les faire à chaque tour. Ce sont des choix permanents à faire. Choisir, c’est renoncer. C’est le sentiment qui sort du jeu.
Une autre idée originale du jeu est d’avoir une mise en place différente à chaque partie grâce aux cartes tours, définissant pour chaque tour de jeu : le nombre d’actions jouées, une action commune accessible, et le prix de construction des rails. Ces paramètres changeront complètement votre manière de jouer d’une partie à l’autre. Une bonne méthode de renouvellement.
Il faut tout de même reconnaître que, malgré des illustrations réussies et immersives (j’adore la couverture de la boîte), le thème ne ressort que peu dans la partie. On oublie déjà très rapidement la notion de Jeux Olympiques, et ce n’est pas la participation aux sites qui vient nous la rappeler (pourtant, vous jouerez sur ces sites, je vous l’assure). On se focalise vite sur les villes de nos wagons, et sur ce que ça va nous rapporter, laissant cette merveille de technologie qu’est le Shinkansen dans un coin de notre esprit.
Le jeu se jouant de 1 à 4 joueurs, il m’a semblé que la configuration à 4 était la plus adaptée, celle donnant le plus de dynamisme au jeu. En effet, à 3 joueurs, il arrive que l’un des concurrents se retrouve isolé sur une portion de ligne selon les cartes wagons qu’il a récupérées, pendant que les deux autres s’entraident sur une autre portion. Il lui est alors peu évident de revenir dans la partie.
Enfin, le jeu propose un mode solo, contre un adversaire simulé, mais ce n’est pas le mode le plus intéressant, car on perd toute la partie interaction.
Shinkansen Zero-kei vient donc bousculer nos habitudes de poseurs d’ouvriers. Travailler seul sans s’aider des autres, c’est se condamner à l’échec. Construisons la voie main dans la main, mais n’oublions pas qu’il y aura une main qui passera devant les autres, et ce sont nos choix qui nous y conduiront. Finalement, ce jeu de train aurait dû s’appeler Ikigaï, soit … trouver sa voie.
Note : Shinkansen Zero-Kei n’est pas le premier jeu mettant en lumière ce fameux train japonais. Les aventuriers du rail avait déjà exploré cette thématique.
Note 2 : Shinkansen Zero-Kei n’est pas le premier jeu de ses co-auteurs, Isra C. et Shei S. Ces derniers ont été aux manettes du fameux La cathédrale rouge, mais aussi de 1987 Channel tunnel (la fameuse série des 19xx que j’affectionne tant, et qui arrive en ce moment dans nos boutiques).
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