SETI, on a trouvé de l’intelligence
Haaaaa, lever les yeux au ciel et savoir qu’un autre regard se porte sur nous à l’autre bout de cet espace infini…

SETI, le jeu du tchèque Tomáš Holek, se base sur une vision un peu différente d’une grande partie des jeux de société prenant contexte dans l’espace : la notion de conquête et de compétition est ici avant tout celle de la connaissance, poussée par l’envie de savoir quelle autre vie se cache dans l’infiniment grand, et rendue financièrement possible par l’engouement médiatique qui permet aux fonds d’advenir. En cela, on sent que l’auteur a envie de donner une certaine crédibilité à son propos. Et en effet, Tomáš Holek est un authentique passionné d’astronomie, que l’on retrouve d’ailleurs aussi derrière le titre Galileo Galilei paru quasiment simultanément.
Bien sûr, on va aisément pouvoir envoyer des rovers fouler le sol de planètes gazeuses comme s’il s’agissait de planètes telluriques (et ce quelque soit leur distance), bien sûr la mécanique orbitale des astres et l’échelle du système n’est pas rigoureuse, bien sûr on va découvrir des aliens dans notre système solaire planqués derrière un champ d’astéroïdes ou sur Jupiter … Nonobstant la nature science fictionnelle du thème, on sent bien qu’une certaine soif de crédibilité ou de plausibilité sous-tend le propos et lui donne corps. Le livret indique que toutes les techniques citées sont bien réelles (on apprécie les petites notes sur les cartes), et le nom du jeu lui-même est l’acronyme donné aux recherches en la matière débutées dans les années 70 notamment au moyen de la radioastronomie, fédérées en 1984 par le Seti Institute…
Même s’il voit ses fonds coupés en 1993 faute de résultat et sera par la suite financé plutôt par des ultra riches et des scientifiques de renom, ce que le jeu oublie un peu dans son histoire. Bref, malgré ses limites, inutile de dire que Seti se démarque immédiatement par son thème fort. Dès la parution des premières images du jeu, il appelait les amateurs d’astronomie à arrêter de regarder en l’air deux secondes pour venir s’asseoir (moi la première). Bref, indubitablement son thème joue pour lui, mais le nom de l’éditeur également. Qui n’a pas tout de suite envie de savoir ce que le nouveau Czech Games a à offrir ?

Observer un nouveau système
Vous allez donc au cours de cinq manches envoyer des sondes dans l’espace, les amener en orbite de planètes, vous poser sur des astres, scanner le fond spatial, analyser vos données, et développer vos technologies tout en veillant à votre couverture médiatique. Mécaniquement, l’ADN est constitué de pose d’ouvriers, de cartes multi-usages, de majorités, d’un peu de développement tech, et d’une course aux PV. Miam de la space salad ! (Bon en vrai, les salades de points ne sont généralement pas trop ma came, mais il faut savoir rester ouvert·e d’esprit).

Les points de victoire proviennent en effet de multiples recoins de l’espace. Acquérir une technologie rapporte par exemple deux petits points, mais pousser des recherches sur des exofossiles aliens pourra rapporter 25 points d’un coup. La progression sur la piste de victoire se visualise tout au long de la partie, sachant que s’ajoutent plusieurs scorings de fin de partie sur lesquels vous êtes amenés à vous positionner quand vous atteignez certains seuils de cette piste.
Autrement dit, dès que vous faites une belle avancée, le jeu vous demande de choisir : sur quel axe allez-vous vous concentrer ? On reste dans cette tendance actuelle qui consiste à vous responsabiliser : Y en a marre de tout vous dire à la fin, à vous de décider comment vous allez gagner ! 😉 Ou comment distiller du choix et de l’espace même dans le scoring. Ici, plus vous passez tôt ces seuils, plus vous aurez un choix juteux dans les points potentiels (les premiers arrivés sont mieux servis) ce qui génère donc une course aux scorings intéressante. Il y a quatre tuiles de scoring proposées par partie – quatre dans la boîte d’ailleurs, mais recto-verso pour varier un peu. Cela dit, tout est assez imbriqué et globalement développer ses technologies et ses ressources semble assez essentiel.

À l’instar de son voisin interstellaire Terraforming Mars, la grande force du jeu et sa rejouabilité certaine se cache derrière ses cartes : celles-ci sont toutes uniques (au nombre de 138), et proposent des actions reprenant tous les pans du jeu tout en permettant toujours d’être défaussées de manière utile. Elles peuvent servir de monnaie, d’action, de revenu, de missions… Leur côté multitâche ajoute une vraie souplesse en jeu.

L’effet d’influence réciproque du plateau mobile s’avère d’abord assez subtil mais tout à fait remarquable in fine : le système solaire évolue avec les actions des joueurs (certaines de nos actions font tourner des rondelles du plateau, modifiant nos futures options) le rendant nettement moins prévisible qu’un Maracaibo par exemple. Vous jouez, le plateau tourne, et en retour votre stratégie évolue suivant sa configuration. Non seulement vous interagissez ainsi en deux bandes avec les autres mais il y a un effet rétroactif pour vous-même. Des chemins se ferment soudainement et d’autres s’envisagent. Hey Neptune, mais tu n’es pas si loin que ça finalement !
Bon, et oui, disons-le aussi, thématiquement et visuellement, c’est très cool. Bien sûr, ce système peut amener des retournements de situation agaçants, mais vous êtes rarement réellement bloqués dans Seti. Il y a à mon sens une part d’opportunisme et de flexibilité à accepter pleinement. Si vous y résistez, vous risquez de vous perdre dans les affres de l’analysis paralysis sous peine de rendre la partie nettement moins agréable pour tout le monde. Moi j’dis ça, vous jouez comme vous voulez.

Côté interaction toujours, Seti propose à part ça une course à l’espace traditionnelle où vos sondes auront du mérite en points à se placer en premier (certains emplacements sont d’ailleurs restreints à une seule sonde). À deux joueurs, l’espace est vaste, et on se marche peu dessus. Avec les actions des télescopes, on a un jeu de majorité qui peut être un peu trop lâche dans cette configuration. On veut scanner (placer des marqueurs de notre couleur dans un secteur) avec l’adversaire pour parvenir à compléter la demande, tout en évitant de le laisser être majoritaire, mais à deux, c’est moins efficace que ça devrait (apparemment des variantes sont d’ailleurs proposées par la communauté, utile, car la configuration deux joueurs est sinon tout à fait recommandée).

La première partie nécessite de garder en tête une certaine masse d’icono en plus de gérer un peu de stress administratif, il faut notamment rien oublier au moment du scoring à savoir les seuils dont on parlait plus haut, mais aussi toute la partie autour des aliens. En effet, en progressant dans le jeu, vous allez découvrir des vies extraterrestres qui déclenchent de nouvelles règles en cours de route. Le jeu offre 5 formes de vie comme autant de petits modules (le jeu SF aime les modules, Unsettled mon amour, Shackleton Base…) et le fait de ne pas savoir à l’avance sur quoi on va tomber (ni comment elles fonctionnent si vous les découvrez pour la première fois) ajoute un certain piment. Cette idée s’additionne au plateau tournoyant qui ensemble lui confèrent tout son charme. Globalement, la découverte des aliens agit comme une finalité à moyen terme, ceux-ci apportent des cartes plus puissantes et des sources de points plus généreuses qui redonnent du peps pour la fin de la partie à condition qu’ils n’arrivent pas trop tard tout de même.

Un mot sur l’édition
CGE a su concevoir un système de jeu particulièrement sophistiqué et lui a donné une vie de carton qui se distingue par sa qualité avec des composants à double couche consistants et agréables à manipuler. Chaque élément s’assemble parfaitement, créant un plateau de jeu qui offre une présence indéniable. La DA est à mon sens clairement plus agréable qu’un Terraforming Mars à plus d’un titre. Les pièces en RE-Wood de l’éditeur sont remarquables (pour rappel, il s’agit d’une technologie qui combine des déchets de bois et des matériaux recyclés pour un produit 100% biodégradable). Le tout nécessite une assez grande table, néanmoins, la partie personnelle des joueurs n’est pas si encombrante et la boîte s’avère au final plutôt compacte.

La bonne configuration spatiale
J’ai découvert le jeu à deux, qui comme vous l’avez compris, n’est peut-être pas sa configuration tout à fait optimale bien que tout à fait recommandable. D’après BGG, trois joueurs s’avère le “sweet spot”, là où Seti donne tout son sel. Comptez environ 40 minutes par joueur en moyenne pour ce qui est de la durée de la session (cela peut apparemment pas mal chuter avec des joueurs qui connaissent bien la bête). Attention tout de même à ceux qui vont rester bloqués les yeux dans le système solaire, paralysés par la multitude de scénarios possibles. Si vous êtes plus de deux, privilégiez des joueurs rapides et/ou qui ont déjà exécuté plusieurs vols habités.

La complexité (poids BGG 3.71/5) peut déstabiliser sur les premières manches voire la première partie (merci l’aide de jeu !), jusqu’au déclic où tout devient plus fluide (les risques d’analysis paralysis demeurent, évitez si possible la configuration 4 joueurs). Une fois appréhendé, on apprécie particulièrement cet environnement réactif (plateau évolutif, arrivée des aliens en cours de route…) et l’espace, sans jeu de mot ou presque, laissé aux joueurs, grâce aux cartes polyvalentes. Nul doute qu’il faudra un certain nombre de parties pour faire le tour de ce système solaire. D’ailleurs, la trajectoire de ce nouveau satellite pas si artificiel semble déjà calculée tant le succès du jeu laisse imaginer des extensions avec de nouveaux aliens et de nouvelles cartes.
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TRUC 17/01/2025
Que c’est agréable d’avoir encore des articles écrit dans ce monde plein de vidéos. Merci pour ce bel article
Shanouillette 17/01/2025
Oh, un très grand merci ! et oui nous faisons de la résistance… même si nous faisons aussi des vidéos bien sur… N’hésitez pas à nous soutenir sur Tipeee si vous appréciez notre travail ! 😉
Umberling 17/01/2025
Attention, éviter les Exteriens à deux joueurs, leur système d’incentive étant mal fagoté. Par contre, pour les secteurs dans lesquels on place les signaux, si la majorité est dure à faire, cela apporte tout de même des traces de deux type (ordinateur et captation) ; il y a de plus un vrai moteur à faire sur l’ordinateur, octroyant des ressources non négligeables. À deux joueurs, il suffit de raccourcir les secteurs avec un marqueur neutre permanent, ignoré pour les décomptes de majorité et placé à droite de la piste.
6gale 17/01/2025
Un très bon jeu !
Elvy Jean 17/01/2025
Une fois le thème intégré et si les mécaniques séduisent je sais qu’on peut facilement passer au-dessus mais Dieu que ce jeu est austère sur la table.