Le Sanctuaire des Chimères, chronique d’une campagne Kickstarter à venir (épisode 5)
EPISODE 5 : Tous les cris, les SOS…
Le cœur gonflé, le sourire aux lèvres, je décide de commencer tout doucettement à faire connaître mon jeu. Je lance donc un topic sur un gros site de jeux de société (celui qui a un nom qui ressemble aux deux Tamias de Disney. Vérifiez avant ce qu’est un Tamia), comme une bouteille d’encre à la mer, espérant colorer tout l’océan. Et bien je n’ai pas été déçu : la bouteille se cassa sur un rocher et s’échoua. Elle salit même toute la plage en fait.
Je commence mon post par une présentation (pensez à noter le nom du jeu, nombre de joueurs, à partir de quel âge, durée, prix approximatif et un petit topo background). Mais je commets une grosse faute : j’insère des images non définitives que je pensais changer plus tard au fur et à mesure de l’avancement des travaux des illustrateurs. Je n’ai sans doute pas été assez clair, car les « forumeurs » ont cru que c’était les visuels du jeu définitif. Voici quelques réponses qui m’ont été faites :
– Excusez-moi mais ce n’est vraiment pas réussi.
– J’hésiterais entre « hideux » et « affreux ».
– L’interface des cartes est tout simplement un no go.
– Ca donne pas envie.
Je vous en passe, et des meilleures. Bing, ça fait mal (oui, quand je reçois un coup, ça fait bing, j’ai le coeur en fer blanc). Du coup, je me dis : « enchaîne sur les mécanismes, cela va rattraper et faire diversion ». Et bien… non !
– Est-ce qu’on peut faire la variante « chante sloubi » ? (référence aux jeux gallois incompréhensibles de la série Kaamelot).
– Ça me semble une usine à gaz.
– Ça me paraît diablement compliqué.
– Un jeu bon enfant sans réelle valeur.
Il est évident que je n’étais pas assez clair. Je n’utilisais pas les termes habituellement admis dans le domaine du jeu de plateau, et mes explications n’étaient pas assez précises. D’un autre côté, elles étaient aussi mal construites. Attention, amis créatifs : réfléchissez bien au texte des règles, même quand vous l’expliquez rapidement !
Alors voilà, je pousse un cri : Haaaa….!!! Messieurs les pro des financements participatifs et des jeux de société, autant les critiques constructives sont importantes et font progresser, autant il faut aussi savoir y mettre un peu les formes. Outre ces « gentillesses », on ressent parfois un brin de condescendance qui peut blesser. Car pour des gens comme moi, le projet qu’ils vous proposent leur tient à cœur. Viscéralement…
Note de Gougou69 aux protauteurs : S’il est parfaitement compréhensible qu’un créateur ait la sensibilité à fleur de peau en ce qui concerne son jeu, il faut aussi qu’il se soit préparé à en prendre « plein la tête » avant de présenter son oeuvre au monde. C’est lui qui sollicite les retours, critiques et conseils de personnes qui à la base ne lui doivent rien, et la grande majorité des forumeurs ne va pas passer beaucoup de temps à peaufiner son avis pour ne pas heurter. Be prepared!
Quelques semaines plus tard, je fais essayer mon jeu à un spécialiste. Quelqu’un « qui s’y connaît ». Je me déplace dans sa ville, à 1 heure de route de chez moi. On part sur une partie à deux joueurs, les autres personnes présentes étant occupées à d’autres jeux. Aie ! C’est la moins bonne possibilité pour mon jeu ! Zut !
Point important : il peut être utile de noter un nombre de joueurs minimum bas pour avoir plus de backers (et oui, un peu de cynisme purement commercial !) sur un financement participatif, mais sachez que les retours de parties sont importants. Mon jeu est certes jouable à partir de deux mais est plus sympa à trois, encore plus à quatre et top à cinq ! Beaucoup l’ont essayé à deux et ont été déçus car il n’est pas créé pour cela.
Manque de chance, mon « spécialiste » choisit la harde la plus puissante, et me mets une raclée. J’ai rarement eu des parties aussi à sens unique que celle-ci, et il faut que ça tombe ce jour là !
Son avis ?
– Un projet difficile à porter.
– Il ressemble trop à « Top Trump » (Vous savez, le petit jeu de cartes à collectionner offert régulièrement aux caisses de supermarché !).
Re-bing ! Le fer blanc commence à craqueler. Je vous l’avais dit, je ne vous épargne rien.
Je me retrouve avec un jeu moche, mal foutu et invendable. Dur à entendre. Il faut se remettre en question, réfléchir au jeu, réfléchir à ce que l’on veut en faire et réfléchir encore. Car en l’état, mon projet n’a aucun avenir.
Sauf que je ne veux pas m’en rendre compte. Et que je vais quand même lancer le financement. Et bien sûr, le risque est énorme.
Nous sommes fin 2015…
La suite la semaine prochaine, sur Cwowd.
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