Richard coeur de lion : le juste brie ?
La fin du 12 ème siècle, Richard dit cœur de Lion s’en va aux croisades, son frère cadet Jean sans Terre en profite pour lui piquer le trône, bien décidé à ce que le frérot ne revienne pas. La résistance s’organise.
Dans ce jeu, il va donc falloir rallier une faction, celle de Jean ou celle de Richard. Voilà déjà la première chose que vous aurez à faire avant de débuter la partie. Ensuite, vous choisirez un personnage affilié à cette faction (il y en a 4 de chaque + 2 neutres si l’on est un nombre impair de joueurs) et tenterez de faire triompher vos idées.
Dans ce jeu, et c’est la bonne idée, vous aurez un double objectif : Faire gagner votre faction (rouge ou verte). Mais, une fois votre couleur victorieuse, il faudra être le joueur avec le plus de points de prestige pour être le vainqueur. Un jeu d’alliance pour écraser l’ennemi, mais pas trop, car « il ne doit en rester qu’un ».
Le matériel vous plonge dans l’ambiance. Les illustrations de Stefan Kopinski pour le plateau et les personnages sont superbes, les figurines (CMON oblige) sont très travaillées, les 240 cartes Influence, pistes de score sont soignées… nous sommes en présence d’un beau produit. Il vous demandera une grande table pour pouvoir resplendir.
Le jeu est, dans son déroulement, assez simple et rapide. Il faut néanmoins une première partie pour se familiariser avec certains éléments. La règle qui semblait d’une clarté totale à la lecture s’avère faillible sur certains détails : la mise en place des cartes Influence, l’utilisation des cartes factions dans certaines villes ou la présence (absence ?) des figurines mercenaire / marchand…
Le bon sens, et les essais, auront raison de nos questionnements, tout comme l’utilisation au plus logique de certaines cartes. Les multiples icônes, bien expliquées dans la règle, deviendront assez vite familières. Nous avons eu du mal à démarrer, avouons-le, mais ce fut limpide lors de la deuxième session.
Jeu simple et rapide, vraiment ?
Oui. Malgré un contenu pléthorique, la mise en place est rapide. Une fois que vous avez récupéré votre personnage, des Influence de départ, vous êtes prêt. Les phases du jeu sont précises et se font dans un ordre bien établi : à chaque tour on révèle un évènement qui peut favoriser un camp ou l’autre (rien de catastrophique par contre). Vous déplacez ensuite votre figurine sur une ville de votre choix, si elle est libre. Chaque ville vous apportera des cartes, de l’argent, des échanges, des points de prestige… Ici non plus rien de bien vicieux, on prépare surtout la fin de manche en piochant des Influence. On décide ensuite d’acheter un cheval pour avancer de plus de villes (4 au lieu de 3), un bateau pour prendre des raccourcis via les fleuves, des cartes supplémentaires (piochées au hasard dans le paquet provision ou précises dans la réserve), un Edit (bonus)… Puis arrive le moment de la croisade.
Chaque joueur va donc ajouter au paquet croisade préparé en amont (une carte de chaque type), deux cartes de sa main dans le but de faire pencher la balance du côté de sa faction. On en tire ensuite 2 x le nombre de joueur et on compare.
La croisade se joue sur 2 x 2 pistes en même temps à grand renfort d’Influence :
Piste armée : La guerre entre Richard et Saladin. On oppose des bannières à la couleur des factions que l’on soutient afin de faire progresser l’un ou l’autre des deux camps. S’il y a plus de rouge que de vert (plus de Richard que de Saladin) alors Richard avance de la différence. Celui qui arrive sur la case 10 gagne la guerre, alors la partie s’arrête.
Le retour du roi : le sablier décompte le temps, Richard arrivera-t-il à rentrer en Angleterre ou sera-t-il retardé ?
Retardé pourquoi ? Car il n’y a plus de sous dans le trésor royal (donc plus d’argent pour soutenir le roi). Les coffres vides ou pleins vont donc faire fluctuer la piste de score et mener le Roi à sa perte… ou pas.
Suivant sa faction, on gagne si Richard est victorieux sur l’armée de Saladin (ou non) / si le trésor royal est vide / si le roi rentre.
La manche terminée, on effectue l’action de l’évènement (avancer d’une case supplémentaire ; échanger x cartes pour du prestige…) puis le jeton premier joueur passe au voisin et on recommence.
Le prix des croisades
Richard Cœur de Lion bénéficie d’un superbe matériel. On a plaisir à ouvrir cette boîte (rangement bien pensé), installer les plateaux et sortir les figurines (même si l’on ne joue jamais avec toutes, cela permet un petit renouvellement lié au pouvoir de chacun, certains étant plus ou moins intéressants). C’est à la fois beau et appréciable de pouvoir changer de figurines, mais cela semble peser un peu lourdement sur le prix : autour de 65€, un tarif trop élevé. On sait que des jeux comme Vengeance ou Massive Darkness n’ont pas trouvé leur public en boutique, et que si le joueur accepte de soutenir généreusement sur KS, il semble plus réticent quand il a le produit en main… Un 50€ aurait été déjà plus attractif.
Richard est un jeu simple. On se balade de ville en ville, on essaie de prendre les lieux qui pourraient intéresser l’adversaire, de se placer sur les villes de sa faction pour gagner plus, on gère les Influence tout en n’oubliant pas de se prendre au passage des points de prestige…
Il y a donc pas mal de direction à explorer. Encore faut-il pouvoir y arriver, au départ nous sommes à pieds et lents, la ville d’arrivée est parfois occupée, on n’a pas toujours le type de cartes demandé pour réaliser l’action de la ville… Le jeu demande donc une anticipation de ses choix et une adaptation au cas où pour éviter le « par dépit ».
Richard, malgré ses dehors poilus, est sujet à la chance. On a beau prendre les cartes qu’il faut, un mauvais tirage est envisageable et si votre faction ne sort pas durant la croisade, vous êtes mis en difficulté pour la suite. Un mauvais tirage pour une faction signifie néanmoins qu’il y aura plus de cartes de votre camp dans le paquet croisade lors du prochain tour, plus vos cartes sortent (elles sont ensuite défaussées), moins il y en pour le tour prochain et fatalement l’autre couleur finira par devenir majoritaire. Reste à imaginer sur quelles pistes de score elles vont apparaître !
Malgré une boîte qui impressionne, le jeu n’est donc pas un jeu « expert » mais un entre-deux qui demande tout de même un minimum de pratique ludique (ou de s’accrocher sur la première partie).
Il faudra se familiariser avec les actions, les icônes des villes et apprendre à gérer ses dépenses d’Influence (les cartes servent en gros de monnaie pour obtenir d’autres cartes, points de prestige…).
On peut se retrouver au ralenti à courir après les cartes ou l’argent après un mauvais choix (dépenser ses cartes et ne plus rien avoir pour les échanges, être sans le sous) ou vol ou évènement mal appréhendé.
Richard me fait penser à Champion of Midgard : des lieux sur lesquels se placer pour récupérer des ressources afin de préparer le combat. Ici, il ne s’agit pas d’avoir le max de dés puissants pour battre des monstres, mais d’avoir le maximum de cartes de sa couleur à glisser dans le paquet croisade. Là aussi, comme aux dés, on aura la chance de sortir la bonne carte Influence… ou pas.
Configurations
Richard est pensé pour des joueurs allant de 2 à 6 avec quelques ajustements de plateau (2/3 – 4/5/6) mais aussi de faction. Deux joueurs est la configuration la moins intéressante et résume le jeu à une maigre course aux points. À quatre joueurs, on a plus de place pour circuler même si le blocage est présent, des actions comme le vol restent en filigrane, mais à choisir c’est le bon nombre, le « sweet spot » comme disent les américains. À plus, le bateau ou le cheval s’avèrent primordiaux, le monde est trop petit et il est parfois (trop) dur de trouver sa place. Vous n’allez pas toujours où vous voulez, souvent où vous pouvez.
Que dire du joueur neutre (faction bleue) ? Bonne alternative sur le papier, il convainc moyennement dans la partie. Certes, il aide à équilibrer le jeu quand on joue en nombre impair, mais son pouvoir (de choisir qui il soutient en début de tour, et en fonction de l’évènement, de partir avec plus d’Influence), ajoute un élément hasardeux à un jeu qu’il l’est déjà. Sorte de traître affiché, il peut donc favoriser un camp ou l’autre à sa guise, sans réel frein. Il faudra pousser le nombre de parties en impair pour tirer une vraie conclusion à son sujet, mais j’avoue que l’essai avec lui me pousse surtout… à jouer en nombre pair.
Retour de croisade
Comme mentionné ci-dessus, ce jeu n’est pas « expert » malgré le sérieux de son imagerie. Les tours sont rapides et les premières phases de manches ne servent qu’à préparer la croisade, qui garde, malgré tout, un certain aléatoire dans son résultat. On tente bien d’y mettre son grain de sel, mais rien n’est jamais sûr. Il faut le savoir et il faut l’accepter : On tente de se déplacer, de bloquer les autres et d’intriguer pour faire gagner sa faction tout en surveillant du coin de l’œil son « partenaire », mais les belles idées sont souvent mises à mal car quelqu’un a pris votre place, ou parce que vous n’avez pas pu réunir les bonnes cartes.
Richard s’avère à mon sens un jeu correct avec un matériel superbe (qui hélas en fait un produit bien trop cher), un jeu qui n’est pas sans failles (personnages inégaux, chance au tirage durant les croisades, difficulté de se refaire quand on n’a plus de cartes) qui demande de la jouer fine pour rééquilibrer ce genre de désagréments. Un entre-deux sur le plan ludique mais également, pour moi, un entre-deux au niveau du plaisir apporté.
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Mahg 20/12/2018
Ce titre-calembour de l’extrême! Jolirondement mené! A peine zélé! ça pique au don un talent pareil! ça mériterait Salers!
morlockbob 22/12/2018
Ca pique au don….bravo je l ai pas vu tout de suite.alors que j ai un stand fromager près de chez moi pour noël. Le salers de la peur ?
Flemeth 20/12/2018
Merci, ce jeu m’attirait par un visuel incroyable. Je vais m’abstenir finalement, il n’a pas l’air de sortir du lot en terme d’originalité. Merci aussi pour le terme « entre-deux » : qu’il est rafraîchissant de voir un mot français parfaitement employé, à la place d’un « filler » ou tout autre anglicisme agaçant.
Shanouillette 21/12/2018
Attention, ce Richard n’est absolument pas un filler, un filler c’est un petit jeu de genre 10 min que l’on sort quand on attend le 4e joueur (et quand le bougre peut débarquer à n’importe quel moment) donc un jeu avec une petite implication des joueurs. « L’entre-deux » dont parle Morlock ici est plutôt à comprendre en termes de calibre : Richard est surtout un entre-deux-chaises, un jeu assez gros et cher finalement mais qui repose sur pas mal d’éléments de game design non contrôlables par les joueurs. Donc les joueurs veulent s’impliquer, mais ne peuvent pas, d’où insatisfaction. Ce n’est pas le sens du mot filler (qui peut être un jeu tout à fait satisfaisant).
Pour ma part je n’ai pas encore trouvé de mot pour remplacer le mot « filler ».
Philippe Leray 20/12/2018
Un jeu pour l’edam ?
qui rend chèvre ?
Tel est brie qui croyait prendre ?
ok, je sors
morlockbob 24/12/2018
Ah a. Bien vu. Je crois que je ne vais plus faire que des titres en fait
Flemeth 21/12/2018
Merci pour la précision 🙂
Shanouillette 21/12/2018
Avec plaisir 🙂 et si une idée te vient pour remplacer le mot en français, je suis preneuse !
Mahg 21/12/2018
Un Bouche-trou ? Un transitoire ? Un intérimaire ?
Flemeth 22/12/2018
Un jeu d’amorce ? Un jeu refuge ?
Shanouillette 24/12/2018
« bouche-trou » est ce qui colle le plus au sens, mais ça sonne trop dépréciateur à mes oreilles.
Pas simple…
Ribouldingue 09/01/2019
Je ne vis plus en France, mais je me souviens qu’avant on parlait de « jeu d’apéro »… Ça ne s’utilise plus ?