Phantom Society – Ghostbusters et rouages
« La lettre ne m’avait pas dit à quoi me préparer. Je n’aime pas l’idée d’être sans défense face aux forces du Malin. L’esprit de Shaitan rôde dans cette vieille Angleterre, aussi ai-je fait acheminer mes encensoirs bénits par voie navale. En attendant qu’ils me parviennent, j’ai fait le tour de la demeure. Le Grand Palace Hotel est entouré d’un jardin aux arbres torturés, et le vent qui s’engouffre entre les branches noueuses émet une lamentation sinistre. J’espère passer aussi peu de temps que possible dans cette demeure hantée. »
– Ardeth Al-Misri, Journal
Boîte sombre, aux relents steampunks. Un superbe plateau, un livret de bonne taille et bien illustré : Fun Forge ne se fout pas de nous avec le matériel. La boîte en serait presque impressionnante, et quand on ouvre et on dépunche, on ne peut que s’extasier devant le thermoformage au poil de la boîte. Sans parler du plateau contrecollé assez classieux et ingénieux. Voyez plutôt :
« Par habitude, je chasse les mauvais esprits d’un simple coup de sabre : sa lame plaquée d’argent pourfend n’importe quel démon en un tournemain, et je me sens comme une chasseresse aux aguets.
Mes proies sont là, cachées dans l’ombre. Mais lorsque j’ai poussé la porte du manoir le plus hanté d’Angleterre, un lustre s’est écrasé à côté de moi, et les pendeloques de cristal se sont élevée comme un blizzard aiguisé.
Si j’étais une chasseresse, alors j’avais trouvé un ours mangeur d’hommes. Ne me restait plus qu’à me montrer plus maline que ma proie. Une fois en sécurité dans une alcôve, j’armai mon fusil à l’aide de cartouches explosives. Très explosives. »
Svetlana Timochenko, Des morts-esprits, volume II
The Phantom Society, c’est l’histoire improbable du mélange entre bataille navale et Ghostbusters. Le Grand Palace Hotel est hanté. Des fantômes frappeurs le dévastent complètement. Le but des chasseurs est de débusquer les fantômes avant qu’ils aient le temps de totalement ruiner l’hôtel. Sauf que les chasseurs n’y vont pas avec le dos de la cuillère et ont tendance à tout faire exploser lorsqu’ils se trompent.
Mise en place
L’installation est simple. On choisit les équipes, puis, à tour de rôles, fantômes et chasseurs posent une tuile représentant une salle de l’hôtel, plus ou moins meublée selon sa valeur. Puis les fantômes placent secrètement leurs pions sous des salles et ne bougeront plus de ces emplacements jusqu’à la fin de la partie. (Si l’on ne se souvient pas parce qu’on n’a pas de mémoire, des coordonnées alphanumériques sont là pour nous aider : A1, B2, etc.).
Je pose un fantôme sous ce trois vert, et sous le trois blanc que l’on entraperçoit en bas à gauche. Les chasseurs les trouveront-ils ?
Concept
Un fantôme peut dévaster les cases autour de lui (diagonales incluses) et sauter les cases vides. Plus le plateau se vide et plus il est difficile de savoir où se situe le fantôme qui vient d’agir ! Quant aux chasseurs, ils soulèvent une tuile. Si un fantôme se trouve dessous, ce dernier ne peut plus jouer. Sinon, la salle est détruite, et retirée du jeu, accumulant encore plus de points pour les fantômes. Quand le total des salles détruites atteint 45 ou plus, la partie est remportée côté fantômes. Quand tous les fantômes sont capturés, les chasseurs gagnent. Simple.
Pour peu que mon fantôme survive sur le trois bleu, j’ai accès au 4 blanc, au 5 rouge, au 6 blanc et au 6 vert.
Si je fais une erreur et que je dévaste le trois blanc, tant pis pour moi, je perds un fantôme !
« Aucun poltergeist ne saurait résister au grand Edward Somerset. Ils avaient essayé de m’intimider.
Celui qui, dans la cour, m’a planté une écharde de rosier dans la jambe, celui qui m’a coincé le doigt dans une porte, ou encore celui qui m’a fait trébucher. Je les trouverai tous, et je les bannirai jusqu’au dernier.
Et s’il me faut avaler tout le single malt du monde pour trouver le courage ou la ressource de le faire, ainsi soit-il. Fut-ce du Special 45°. »
– Edward Somerset
Gameplay
On se fait très vite aux mécanismes de Phantom Society. La première partie se déroule sans accrocs, et on se demande vite pourquoi on n’a pas mieux placé les tuiles, ou les fantômes. En somme, on entraperçoit des stratégies plus fines. Ce jeu peut être joué facilement, comme un divertissement familial tout à fait correct : l’ambiance est au steampunk pas trop sombre. Pas de contenu qu’un jeunot ne saurait voir, pas de mécanisme trop compliqué.
Pour les joueurs plus chevronnés, ça se gâte : on fait le tour du jeu assez vite. Même si la dimension bluff est là, avec un peu de jugeote, on arrive à des parties qui se ressemblent beaucoup. Reste la variante qui consiste à enchérir pour définir qui prend quel camp, en misant des points de victoire. Cela rappelle quelque peu le système avancé de Claustrophobia, qui consiste à partir avec des aventuriers de moins en moins bien équipés. Ici, on déclenche les mêmes parties, avec une tolérance à l’échec moins haute, ce qui peut influencer les stratégies.
« Le dernier esprit malin de la demeure explosa dans une gerbe de gelée verte.
Les esprits du Vieux Continent sont pour la plupart sales et pleins de cette morve que l’on trouve autrement dans le nez des enfants.
Puis je fus assaillie par un pressentiment.
Il en restait encore.
Ils venaient d’un passé plus lointain, et ils seraient plus tenaces.
À moins que nous, les vivants, nous épuisions plus vite qu’eux ? »
– Nakani Toussaint
Verdict
L’errement de The Phantom Society, c’est peut-être son format : il est peut-être trop beau, trop gros, pour être considéré comme ce qu’il est : un jeu apéro. Très bon, au demeurant : la narration visuelle et celle induite par les mécanismes est très plaisante à suivre, les parties sont fluides et accusent des rebondissements ou des tensions intéressantes, mais pas de folie non plus.
Cependant, c’est un jeu parfait à sortir en famille, puisqu’il a plusieurs niveaux de jeu, et on évoluera tranquillement de l’un à l’autre, petit à petit, sans rajouter de règles. Donc, malgré cette apparence sombre et un peu effrayante, il ne faut pas hésiter à le montrer aux plus jeunes : il s’agit d’un jeu d’initiation et de passerelle.
Récapitulatif
Phantom Society
Auteur : Frédéric Colombier, Hervé Marly
Illustrateur : Naïade, Vincent Dutrait
Éditeur : FunForge
2 à 4 joueurs, 8 ans et plus
Durée : 20 minutes
Thème : fantômes, fantastique
Mécanismes : coopération, compétition
Prix de vente constaté : ~25€
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Teuf 15/09/2014
Tiens, c’est marrant j’ai essayé celui-ci ce WE au festival Ludimania de Dijon. C’est vrai que la boite et le matériel est classe ! Mais cela a été un gros flop. La premiere phase de mise en place est trop longue et la résolution nous a semblé assez chiante et avec trés peu d’intérêt.
Pour finir, le jeu annonce de 2 à 4 joueurs mais c’est une vaste blague : pour jouer à 3 ou 4, on fait des équipes et on joue en alternance. Il y’a l’aspect discussion qui peut justifier ce principe mais bon…c’est un peu léger.
Nous n’avons pas joué avec la variante avec des encheres mais je ne pense que cela puisse changer mon avis sur le jeu.
Umberling 15/09/2014
Le jeu s’apprend vite, mais il est assez aisé de devenir plus efficace, notamment sur la première phase de jeu. Pour un gros joueur, il faut faire plusieurs parties pour que le jeu s’améliore, du coup, pour bien évaluer tout ça. C’est pour ça que j’ai plutôt tendance à le considérer comme un jeu familial 😉
Avec l’expérience, les chasseurs sont avantagés, d’où la variante d’enchères à l’avantage des fantômes.
Quant à la variante, elle ne change pas les choses de façon critique.