Nidavellir, savoir miser sur le bon nain
Le royaume est en danger, Fàfnir est de retour ! Le but de ce voleur ailé est simple : piller les richesses du monde en brûlant tout sur son passage, une méthode qui m’a l’air plutôt efficace…
Comment ne pas se sentir menacé lorsque l’on est un nain vivant dans le royaume de Nidavellir, accumulant richesses et minerais précieux depuis des générations ?
En tant qu’Elvaland, chefs de guerre, le Roi vous sommes de rassembler l’armée la plus puissante en sillonnant les tavernes (il semble que ce soit un endroit plutôt efficace pour trouver vos semblables), pour aller ensuite affronter Fàfnir avant que celui-ci n’atteigne votre Royaume.
Une épopée formidable
Une fois chaque Elvaland avec son butin en poche, à savoir 5 pauvres petites pièces (de valeurs : 0, 2, 3, 4, 5), c’est parti pour la tournée des auberges ! Mais ici il n’est pas question de dépenser votre or dans les boissons houblonnées, vous êtes là pour partir à la guerre…
Les trois auberges du village : le Gobelin Rieur, le Dragon Dansant & le Cheval Fringant regorgent justement de vos congénères prêts à se joindre à vous. Mais pas gratuitement, on parle de nains ici, pas d’elfes bouffeurs de verdure.
Les plus généreux d’entre vous seront récompensés : les nains seront nombreux à vouloir rejoindre vos rangs alors que les plus pingres d’entre vous recruteront les éclopés et les ivrognes que les autres chefs de guerre ont laissé derrière eux.
À la fin de cette première phase de recrutement, le Roi sera être généreux avec vous.
Il récompensera les Elvalands qui auront su attirer dans leurs rangs le plus de nains d’une des 5 classes présentent dans le royaume.
- La Main du Roi aura l’opportunité d’augmenter son butin.
- Celui qui sera devenu Maître de Chasse se verra confier une nouvelle pièce spéciale de valeur 3 remplaçant l’ancienne de valeur 0.
- La Joaillière de la Couronne obtiendra une gemme lui offrant toujours un avantage en cas d’offre identique avec un de ses opposants.
- Le Grand Armurier du Roi ajoutera à son armée une Forgeronne plus puissante que ses semblables.
- Et enfin la Pionnière du Royaume pourra recruter gratuitement une nouvelle recrue dans son armée.
Une seconde vague de recrutement aura alors lieu avant que le meilleur d’entre vous parte en guerre.
L’univers de Nidavellir sort tout droit de la tête de Serge Laget, son auteur (Mare nostrum, Ad Astra, Mundus Novus, Chevaliers de la table ronde, Le gang des traction-avant, Cargo noir…). En plus d’avoir développé le jeu il a voulu lui offrir un véritable univers afin d’immerger encore plus les joueurs. Pour celles et ceux qui en ont l’envie, 5 pages entières de contes & légendes narrant l’histoire des différents personnages se trouvent dans le livret de règles. Sympathique !
Grrre Games, la petite maison d’édition grenobloise, apporte une lecture du jeu et une ergonomie offrant un réel plaisir de jeu. Elle a aussi fait le choix d’adopter l’écriture inclusive dans le livret de règle. Un peu déroutant au début, je n’ai pas été plus gêné que cela à la lecture et trouve ce parti pris plutôt intéressant. Cela a forcément obligé l’éditeur à adopter des tournures de phrases particulières pour ne pas trop alourdir le texte mais certains joueurs pourront quand même trouver cela inesthétique et/ou difficile à lire (certains passages se trouvent inévitablement remplis de mots genrés).
Un autre point qui peut être clivant concerne la partie graphique. Je trouve les illustrations de Jean-Marie Minguez très joliment réalisées avec ces tons de gris et les bandeaux sur la gauche qui ressortent tout de suite. L’illustrateur n’a pas voulu jouer avec les stéréotype du nain barbu avec une chope de bière dans la main. Il y a véritablement une patte plus réaliste dans ces illustrations qui ne nous font pas forcément penser à des nains au premier coup d’oeil. Cela dit, certains trouveront ces illustrations fades et je peux le comprendre : Les personnages sont très statiques comme s’ils prenaient la pose pour une photo, et l’absence de couleurs peut faire penser à des croquis plus qu’à des illustrations finales. Mais avec l’abondance de matériel sur la table, des couleurs sur ces illustrations n’auraient-elles pas rendu le tout moins lisible ?
Coin-building, un mécanique qui vaut de l’or
Un des points de communication autour de cette boîte, par l’éditeur, est la mécanique de coin-building. Mais c’est quoi le coin-building ?
Coin = Pièce & Building = Construction : Construction de Pièce. Le thème des nains est une évidence une fois la mécanique créée.
Je vais pas vous laisser là avec seulement une traduction littéraire ! Qu’est-ce qu’elle apporte alors cette mécanique de Coin-Building ?
On ne peut pas passer outre dans Nidavellir, elle fait partie du cœur du jeu. Les joueurs vont, secrètement, poser une pièce sur chaque emplacements de taverne, de leur plateau personnel. Ces pièces serviront de mises afin de recruter les nains et naines présents dans chaque taverne. Les 2 pièces restantes sont placées dans la bourse, sur le bas du plateau individuel. Les joueurs révèlent simultanément les pièces d’une taverne et prennent à tour de rôle, dans le sens décroissant de mise, une carte nain pour l’intégrer à son armée.
Mais le Roi veille sur vous, celles et ceux qui auront misé avec la pièce de valeur “0” auront l’opportunité d’accéder au trésor royal pour augmenter leur propre butin. Le joueur ou la joueuse révèle alors les pièces présentes dans sa bourse et remplace celle de plus forte valeur par une pièce du trésor de valeur égale à la sommes de ses 2 pièces. Par exemple : si j’ai les pièces 4 & 5 en bourse, je récupère la pièce 9 (4+5) du trésor royal et la place à la place de la pièce 5 (qui elle est défaussée).
Avec cette amélioration les joueurs pourront miser, pour les prochains tours, ces pièces nouvellement acquises ou les faire encore plus fructifier. Une fois la première amélioration de pièce faite, on comprend tout de suite comment tout cela fonctionne, l’ergonomie du jeu aide beaucoup. Cette mécanique est très taquine car elle vous demandera de choisir entre améliorer vos valeurs de pièces, ou récupérer des cartes nains convoitées.
Les joueurs chercheront à améliorer leurs butins tout au long du jeu, pour avoir plus de “force” de mise afin de s’assurer l’acquisition de certaines cartes. Mais aussi pour scorer, car les joueurs scorent la valeur de toutes les pièces en main en fin de partie !
Que ce soit le symbole sur la pièce “0”, pour indiquer l’action d’échange, ou le plateau en 3D du Trésor Royal qui permet de présenter les pièces disponibles à l’échange, c’est très facile de lecture malgré le matériel abondant sur la table. Attention tout de même, le Trésor Royal est très pratique une fois les pièces installés dans les petites encoches mais si vous ne rangez pas votre boîte à l’horizontal vous risquez de passer 5 bonnes minutes à réorganiser les pièces sur les plateau en 3D.
À l’aventure compagnon !
La seconde mécanique bien visible dans Nidavellir est la collection de cartes. On va chercher, avec le coin-building, à améliorer sa puissance de mise pour acquérir les cartes nains et naines présentes dans les tavernes.
Ces cartes font partie de 5 familles différentes, les joueurs vont chercher à les acquérir afin de scorer en fin de partie. Chaque classe est définie par une couleur et par un scoring (une façon de marquer des points) propre. Classique jusqu’ici. Là où l’auteur a été malin c’est qu’il n’y a pas qu’une seule façon de collectionner ses cartes. Les joueurs pourront les collecter de façon verticale (c’est à dire par “classe”/couleur) ou de façon horizontale (avoir une carte de chaque “classe”/couleur).
La collection verticale apporte un meilleur scoring dans une classe donnée et fera potentiellement profiter le joueur d’une bénédiction en milieu de partie. La bénédiction est un bonus octroyé par le Roi à la fin de l’Age 1.
Ce type de collection a un fort potentiel sur certaines classes de nains, on peut tout de suite citer les classes de Forgerons et d’Éclaireurs qui ont toutes deux une frise de score affichée sur le plateau joueur. On voit que l’accumulation de ces nains peut faire grimper le score très vite.
La collection horizontale, qui consiste donc à avoir 1 nain de chaque classe permet au joueur d’ajouter un Héros à son armée. À chaque fois que les joueurs complètent une ligne, c’est un nouveau Héros qui vient grossir ses rangs. Ces cartes Héros, qui attendent gentiment sur les présentoirs, offrent des points de victoire élevés ou des capacités qui viennent un peu changer les choses.
Choisir un Héros relève donc d’une petite réflexion stratégique : prendre un des frères Dwerg vous incitera à aller chercher les autres membres de la fratrie tout au long de la partie pour améliorer leurs apport en points de victoire. Alors que Uline la voyante, n’offre pas beaucoup de points mais compense cela par un pouvoir plus qu avantageux : le joueur en sa possession pourra miser ses pièces une fois que tous ses adversaires aient révélé les leurs.
Les Héros apportent un choix varié de bonus. Ceux-ci apportent aux joueurs un soutien dans les stratégies qu’ils cherchent à mettre en place… Mais ils dévoilent aussi les limites du renouvellement stratégique du jeu. Après quelques parties de Nidavellir on remarque en effet qu’il n’y a pas non plus 50 stratégies mais surtout celles guidées ou soutenues par les Héros acquis au cours de la partie. L’idée s’avère avant tout de ne pas cibler les mêmes objectifs qu’un de vos adversaires au risque de perdre tous les deux.
Après la bataille
Nidavellir est un jeu qui a des qualités que l’on peut retrouver dans les opus sélectionnés à l’As d’Or : accessibilité, qualités d’édition, relecture d’une mécanique “connue” avec un angle nouveau. Ces atouts font de lui un bon jeu, mais il lui manque peut-être encore quelque chose pour prétendre à une sélection. Est-ce son renouvellement qui n’est pas assez poussé ? Les chemins stratégiques trop automatiques (on collectionne ce que les autres ne collectionne pas pour tirer son épingle du jeu) ? Son matériel qui (bien qu’il soit de très bonne qualité) est un peu trop en abondance et long à installer pour un jeu qui s’avère finalement quasi familial ? Si celui-ci peut sans doute faire penser à de la sur-édition au premier coup d’œil (les présentoirs), il s’avère un vrai atout au service de la lisibilité du jeu. J’aurais même apprécié un Trésor Royal (le plateau en 3D qui présente les pièces) un peu plus grand pour encore mieux voir les pièces présentes à l’intérieur !
Qui qu’il en soit, Nidavellir offre une belle découverte du jeu d’enchères et de collection, et ne s’arrête pas là en apportant son lot de fraîcheur avec le système de “Coin-Building” et son parti pris graphique original (qui plaira ou non). On apprécie le fait de ne pas être dans un jeu « solo à plusieurs » (il est à noter que le jeu se pratique dès deux joueurs, mais on conseillera plutôt la configuration à trois), les enchères demeurent toujours une dynamique qui sait créer de la vie autour de la table. À découvrir !
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bgarz06 25/03/2020
Une très belle découverte au FIJ pour un excellent jeu de collection et de majorité ^^
-Nem- 26/03/2020
Content de voir l’équipe s’agrandir encore un peu 🙂
Merci pour cet article, perso j’ai beaucoup aimé ce jeu (qui est à un prix très correct, au vu du matériel proposé).
Belette 26/03/2020
Un très chouette article pour un jeu un (juste) chouette :D.
morlockbob 26/03/2020
Un jeu que j’ai évité une paire de fois à cause de son look (c’est pas bien de juger sur le physique) et je ne regrette pas d’être revenu sur ma décision
alfa 27/03/2020
Un jeu qui ne m’attire pas en raison de son côté salade de points. Je préfère quand le scoring est plus direct, plus évident
Ihmotep 27/03/2020
Il y a une appli gratuite très pratique pour compter les points
ihmotep 27/03/2020
Gros coup de cœur que ce Nidavellir qui va bien au delà d’un jeu familial. La mécanique est simple mais loin d’être simpliste, du grand art. Entre le scoring par famille, le upage de pièces, les majorités, le choix des héros, les parties se suivent mais ne se ressemblent pas, et l’envie d’y revenir est là pour tester de nouvelles possibilités.
Je trouve également la qualité d’édition très intelligente : un matériel de qualité sans aller dans l’excès pour placer le jeu à un tarif très abordable. Une fois le trésor royale monté, le tout tient très bien dans la boîte et la mise en place se fait en 5 minutes (attention toutefois à pas secouer votre boîte ^^). Personnellement j’adore en plus le design. Et cerise sur le gâteau, une appli gratuite est disponible pour le décompte des points et elle est très très bien foutu.
Mare Nostrum était un de mes jeux préférés, avec Nidavellir M Laget m’offre à nouveau un gros coup de cœur, le tout enrobé dans une édition particulièrement bien réfléchie (et non je ne connais ni l’auteur ni l’éditeur personnellement 🙂 )