Mosaic : bâtir sa civilisation sans faïence

En 2021 Forbidden Games lançait la campagne Kickstarter pour une imposante boîte de jeu remplie de beaux matériaux nommé Mosaic : A story of Civilization. En 2023 la version française est disponible en magasin sous le nom de Mosaic : Chroniques d’une civilisation. Une boîte plus dans les standards même si elle reste de taille conséquente, avec un contenu moins luxueux, mais en quantité tout de même.

J’avoue être passé à côté initialement, car le titre du jeu, associé au visuel de son plateau central (constitué de plein d’hexagones) m’avait laissé supposer qu’il s’agissait d’un jeu de placement de tuiles, mécanique que je n’apprécie que modérément.

Pas du tout, ce jeu nous propose de gérer une civilisation durant l’antiquité à travers différentes rivières de cartes (pour la population, les technologies, les impôts et taxes, etc). Contrairement à la plupart de jeux de civilisation où l’aspect militaire est axé sur la conquête, ici les unités militaires sont principalement utilisées pour affirmer notre domination dans une région.

Pour les règles en détail vous pouvez consulter le Ludochrono ici

3 unités militaires, 2 disponibles dès le début, les engins de sièges se déverrouillent avec une carte technologie.

 

Des cartes, des cartes, oui mais pas de René

Les règles sont simples. Globalement je prends une carte, en paye le coût et en applique les effets. Il y a 8 actions possibles, comme produire, accroître ma population, construire, collecter des impôts ou des taxes, etc. Il y a donc plusieurs decks de cartes, avec leur rivière associée, chacun représentant un aspect différent de ma civilisation (deck population, technologie, deck construction…). À mon tour, je choisis l’action que je veux effectuer. Cette liberté d’action est très agréable, et notre réflexion se concentre sur la meilleure façon d’optimiser notre civilisation.

Nous avons 3 ressources dans Mosaic : les pierres, les idées et la nourriture. Les pièces sont un joker, 2 Po valant une ressource de mon choix, et elles me permettent également de recruter et de déplacer mes troupes militaires. Enfin la population est symbolisée par des jetons.

 

De belles ressources.

 

Lorsque je produis, je produis autant que ma population + ma capacité de production de cette ressource. Et oui sur notre plateau individuel nous avons des pistes de production que certaines cartes vont faire monter. Donc plus de population = plus de production. Seulement pour créer des cités, je vais devoir « dépenser » de la population. Cela fait partie des nombreux choix astucieux que propose le jeu. Vais-je privilégier une forte production ou m’étendre sur le plateau ? Sur les quelques parties que j’ai pu jouer, nous avons constaté un bon équilibrage entre les façons de scorer. À chacun de jouer comme il l’entend, et ça c’est chouette ^^.

Nous retrouvons cette liberté dans l’action « construire ». Lorsque que vous construisez une cité, vous la placez sur une case de votre choix, à l’exception des cités portuaires qui ont leur case dédiée. Idem pour les merveilles. Un village se place à côté d’une de nos cités. Pas forcément très « narratif », mais cela reste simple et efficace. Quand je place une tuile sur le plateau, je vais pouvoir récupérer des marchandises qui sont utiles pour collecter plus de taxes ou pour scorer avec certaines cartes ou des ressources et parfois rien. Il y a donc des emplacements plus intéressants que d’autres et cela amène une belle interaction entre les joueurs sans que ce soit trop agressif.

Le coût des cités et des villages est toujours le même. Je peux construire en prenant une carte du deck construction et recevoir quelques bonus sympas en plus. Toutefois, je peux aussi construire sans passer par la case carte. Dans ce cas vous me direz que je paye autant pour moins d’avantages, et vous auriez raison. Mais cela peut être utile pour récupérer une marchandise dont nous avons besoin ou prendre un spot intéressant. Là aussi c’est une très bonne idée, par ce biais, je ne suis pas coincé à attendre une carte « cité », et me sens libre de mes choix.

 

Même s’il est possible de construire sans carte, avec les bonus sont plus intéressants.

 

Via les cartes impôts et taxes, je peux collecter des pièces. Les impôts seront plus conséquents si j’ai beaucoup de cités, les taxes si j’ai des marchandises. Chaque cité construite ajoute quelques piécettes dans un coffre qui vont s’ajouter au pécule du prochain collecteur. Là aussi j’apprécie ce côté où nous attendons que le coffre se remplisse en espérant ne pas se faire coiffer au poteau.

 

 

L’avancement technologique de notre civilisation se fait via les cartes Technologie. Sur ces cartes sont représentées des « piliers », symboles représentants notre investissement dans tel ou tel domaine (agriculture, militaire, art, etc; nous en avons 9 en tout). Prendre une carte technologie est gratuit, mais pour la jouer il me faudra posséder les piliers indiqués sur la carte en prérequis. Cette mécanique évite les frustrations. Ce n’est pas parce que je n’ai pas les piliers au moment où sort LA carte qui m’aurait convenu que je ne peux pas la prendre. De plus, le paquet de cartes Technologie est conséquent, avec son lot d’effet.

 

Les technologies sont le moteur de l’évolution de nos civilisations et possède donc le plus gros deck.

 

Je vais pouvoir bâtir des merveilles pour un prix astronomique qui augmente pour chaque merveille que je possède déjà. Dans ce cas, je choisis la merveille que je construis parmi celles restantes, et leur effet étant fort sympathique, le défi coût / gain parait là aussi bien équilibré.

 

Les merveilles sont très chères mais fournissent beaucoup de PV en fin de partie.

 

Moyennant pièces sonnantes et trébuchantes, je peux recruter des armées et les déplacer. Ici point de grosse baston ou de prise de contrôle d’un territoire. Si certaines cartes permettent d’éliminer des troupes adverses, elles sont surtout là pour asseoir notre influence sur une région.
En effet dans les différents decks sont placées des cartes « suprématie impériales ». Lorsque l’une de ces cartes est piochée, nous effectuons un décompte d’influence par région. Nos cités, merveilles, unités militaires et villages nous donnent des points d’influence. Le plus influent marque 3 PV + 1 PV pour chaque cité et merveille de la région, quel que soit son propriétaire. C’est plutôt immersif, et cela fonctionne très bien. Plus nous nous battons pour une région, plus elle peut rapporter des points. Ou bien nous pouvons choisir de nous installer dans un coin plus tranquille pour scorer moins mais sans concurrence.

Vert et jaune au coude à coude pour le contrôle de cette région.

 

Nous pouvons également acquérir un gouvernement qui permet de marquer des points supplémentaires lors des suprématies impériales. Et en plus chaque gouvernement me permet en « one shot » de renouveler un marché. Une façon de régler l’un des problèmes des jeux à rivières de cartes : comment faire tourner les cartes quand aucune de celles présentes n’intéresse les joueurs.

 

Tout un panel de gouvernements pour obtenir plus de points lors des suprématies.

 

En plus des points de victoire obtenus via les suprématies et certaines cartes, il existe les âges d’or et les succès. Les âges d’or sont obtenus en acquérant 6 piliers dans un domaine spécifique et offrent des points de victoire et un bonus permanent. Les succès sont des objectifs tirés en début de partie qui octroient eux aussi des points de victoire au premier joueur les réalisant. Cela induit une course aux objectifs qui amène le zeste d’une interactivité qui se veut présente sans être agressive.

 

C’est la course au succès.

 

C’est un des points qui plaira ou pas par rapport aux autres jeux de civilisation. Ici il n’y a pas de grand affrontement guerrier. L’interaction est pourtant bien présente via les jetons à récupérer sur la carte, la guerre d’influence et la course aux âges d’or, succès, et merveilles.

 

6 piliers d’un type et c’est le début d’un âge d’or.

 

 

Dis moi qui est ton chef, je te dirai comment conquérir le bassin méditerranéen

En début de partie, chaque joueur choisit un leader qui va lui octroyer une capacité, des bonus de production, des piliers et ses ressources de démarrage. C’est sympathique de pouvoir choisir parmi tous les leaders vu qu’ils orientent clairement notre stratégie de jeux. Autant en avoir un qui nous correspond ^^. De ce que j’ai pu en voir, ils sont bien équilibrés.

 

Les leaders variés proposent un démarrage asymétrique.

 

Édition : le point de vue de l’auteur de l’article

Il y a beaucoup de matériel dans Mosaic. La version KS est une boîte énorme avec des figurines en lieu et place des jetons pour les armées et merveilles, un plateau de jeu plus grand (trop grand ?), et bien sûr ses compartiments de rangement. J’ai lu beaucoup de critiques sur la version boutique. Tout d’abord sur l’absence de compartiment de rangement. Alors oui quand nous ouvrons la boîte elle regorge de paquets, oui c’est un peu fastidieux à mettre en place et à ranger (mais avec l’aide des potes ce n’est pas non plus rédhibitoire). Mais un compartimentage cela a un coût. J’apprécie la démarche de l’éditeur de proposer une version en boutique sur un prix beaucoup plus abordable et sans avoir sacrifié le contenu « in game ». Je préfère les campagnes KS qui proposent des avantages esthétiques plutôt que d’offrir des exclusivités de gameplay qui transforment la version boutique en une version tronquée du jeu. Dans la version boutique, il n’y a pas non plus de carnet pour noter les scores. J’ai pris un bloc note et un stylo. Il n’y a pas grand-chose à noter niveau scoring mais vu les décomptes en cours de partie avec les suprématies impériales, une piste de score aurait amené un confort de jeu appréciable. De même il y a une seule aide de jeu pour potentiellement 6 joueurs, mais finalement nous n’avons pas eu besoin de trop y faire appel.
Enfin, sachez que les règles solo ne sont pas incluses dans la boîte mais accessibles sur le site de l’éditeur.
Globalement beaucoup d’économie de papier, une concession surement nécessaire pour rendre la version boutique la plus abordable possible.

Attention, les plateaux joueur ne sont pas creusés. Je n’ai plus l’habitude ^^. Il faut faire attention à ne pas bouger ses marqueurs en gesticulant autour de la table.

 

Chaque couleur de plateau correspond à un peuple antique (ici les gaulois) sans que cela n’ait le moindre impact sur le jeu.

 

On a toujours les défauts de ses qualités, rarement les qualités de ses défauts 

L’approche adoptée par Mosaïc s’accompagne de quelques aspects qui pourront être perçus comme des défauts par certains.

Tout d’abord la mise en place. Il y a les différents decks à préparer et surtout un tas de jetons à placer sur le plateau de jeu. Je vous conseille de mettre à contribution vos joueurs ^^. Cependant sur un jeu dont les parties durent facilement 2h, c’est moins gênant que si elles duraient 30 minutes.

Plus embêtant, il y a un souci de visibilité. D’abord entre cités et villages : les pions font la même taille, ont la même forme, avec une illustration dans les mêmes teintes. Or il faut régulièrement vérifier nos cités (pour placer un village à côté, pour la suprématie,…). Pour notre deuxième partie, nous avons ajouté des marqueurs sur les cités pour les distinguer aisément et cela a bien aidé aux décomptes et éviter les erreurs de placement de villages.
Dans le même ordre d’idées, il y a pléthores de cartes. Difficile de suivre où en est notre voisin sur tel nombre de piliers, tel objectifs.

 

Les pions cités et villages, bien trop similaires.

 

Enfin le scoring final amène son lot de points, notamment via les cartes acquises qui peuvent rapporter gros. Cela peut amener de grosses surprises lors du décompte final. Personnellement, cela ne m’a pas dérangé, c’est mon côté oeuf Kinder, j’aime bien découvrir la surprise ^^. D’autres joueurs ont moins apprécié de ne pas pouvoir anticiper un scoring qui aurait pu impacter leur choix d’action vers la fin de partie.

 

Bilan

Une belle surprise ! Ce jeu traite de nombreux aspects des jeux de civilisation sans en faire une usine à gaz grâce à l’emploi judicieux de différents decks de cartes. Seulement qui dit cartes dit hasard et équilibrage précaire, des pièges que Mosaic a su traiter avec maîtrise.
J’apprécie son dynamisme, la liberté laissée aux joueurs sur ses choix. Bien que guerrier dans l’âme appréciant les campagnes militaires (tant qu’elle reste sur un plan ludique), l’approche de Mosaic sur ce point permet au moins belliqueux d’entre nous de gérer leurs civilisations dans la paix et l’harmonie sans se faire rouler dessus, et sans frustration.

Certes son scoring amène son lot de surprises dû à une visibilité perfectible mais c’est le genre de jeu, où j’aime avant tout le voyage plus que la destination. Gardez toutefois à l’esprit que nous n’allons pas évoluer à travers le temps, ici il s’agit de faire prospérer une civilisation durant l’antiquité. Enfin, le jeu est jouable jusqu’à 6 joueurs ce qui devient rare de nos jours. Une configuration que je n’ai pas testé moi-même, mais selon les retours d’un ami joueur c’est sympathique mais long.

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1 Commentaire

  1. morlockbob 03/02/2025
    Répondre

    Encore un jeu parti trop vite…

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