LUEUR, c’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière
Lueur. Si je vous annonce que dans ce jeu vous allez récolter des éclats de lumière pour dissiper les ténèbres, n’est-ce pas plus alléchant que de marquer des points de victoire ?
Si je rajoute que les aventuriers et les compagnons qui viendront vous rejoindre sont envoutants de mystère et de légendes, n’aurez-vous pas envie de vous asseoir avec nous ?
Ça y est, vous avez été envoûté ? Alors bienvenue dans La province des ombres…
Pour parcourir cette sombritude, des dés vont éclairer votre chemin.
Sombre et lumineux ! Visuellement ce jeu est véritablement envoûtant, les personnages et compagnons évoquent des contes et légendes. Est-ce que cet éclat va rester aussi lumineux en jouant ?
C’est ce qu’on peut attendre d’un jeu de Cédrick Chaboussit qui nous a souvent proposé des mécanismes surprenants, que ce soit une bataille deck-building dans Tea for 2, et ses derniers jeux de l’année Shamans (d’une grande beauté également sous les pinceaux de Maud Chalmel) un jeu de plis à rôle caché, ou Lost Explorers à paraître chez Ludonaute avec qui il a déjà collaboré pour Lewis et Clark et Discoveries.
Lueur, c’est un parcours au milieu du noir, de la construction de moteur et beaucoup, beaucoup de prise de risque.
Après Codex Naturalis, l’éditeur Bombyx a encore porté un soin incroyable à l’attrait graphique, cette fois ce n’est plus les dorures mais le noir et le blanc (Ben Basso & Vincent Dutrait sont crédités). Un habillement qui sait se faire remarquer, qu’on aime à admirer encore, qui disons-le, a su révéler un jeu.
Huit jours, huit compagnons
On commence avec une carte aventurier qui présente des effets à déclencher et deux gros dés d’une couleur spécifique, associés au personnage.
La partie va durer 8 journées. Pour chacune bien sûr il y aura un matin, un midi et tout ce qu’on peut attendre d’une journée classique. Des phases de jeu donc où l’on va chaque jour :
- Choisir un couple compagnon (carte) et petits dés associés qui peuvent être de nombre et de couleurs variables ;
- Lancer nos dés, avec la possibilité (coûteuse) d’en relancer un ou deux ;
- Activer les effets des cartes en fonction des faces de dés obtenues ;
- Cheminer sur le parcours grâce aux mêmes faces de dés ;
- Le soir venu, replacer les dés selon leur face actuelle (et non leur couleur) en face de la bonne section.
Une explication en images dans la vidéo Ludochrono ? Suffit de demander !
Pierre qui roule…
La première décision à chaque tour est de choisir le compagnon qui va alimenter la construction de notre moteur, tout en optimisant également le nombre et la couleur des dés associés à ce compagnon sur le marché. Cela change à chaque tour. Le compagnon va rester dans votre compagnie lors des prochaines journées. La carte compagnon présente des effets qui seront à activer avec les faces des dés pour obtenir des avantages, comme des éclats de lumière (PV), des petits pas pour avancer plus loin sur le parcours du plateau central ou des possibilités de relance.
Pouvoir relancer ses dés, c’est l’essence même de ce jeu, car le tirage n’est jamais le bon du premier coup évidemment. Les dés servent à la fois à activer ses combinaisons et à faire avancer son aventurier sur le parcours. Relancer un ou deux dés est toujours possible en reculant sur la piste de points de victoire (on recule jusqu’au dernier marqueur “relance”) ou en dépensant un jeton “relance” précédemment gagné.
Avancer sur le parcours permettra d’atteindre des villages où poser sa maison. Cela rapportera jusqu’à 20 PV si on arrive au bout du chemin. Mais ce n’est pas la seule voie pour gagner des éclats de lumière : les combinaisons de dés, les points sur les cartes compagnons, le nombre de lucioles, les jetons “petit pas” pourront être aussi efficaces.
Se contenter de son premier tirage de dés et ne pas reculer sur la piste des points est aussi une façon de gagner, en tout cas, une façon de ne pas perdre de PV. Seulement quand notre moteur est construit, il faut l’alimenter.
Dans l’exemple ci-dessous, si je fais quatre feuilles, je marque 15 PV (2×3 +5 +4×1) et je m’équipe de quatre relances et deux petits pas. Mais avant d’obtenir les quatre feuilles, il me faut déjà quatre dés pour ce tour. Ensuite il va falloir les lancer jusqu’à obtenir les bonnes faces. C’est alléchant tous ces points, alors je pousse ma chance, et je dépense un peu pour relancer.
À la fin de la journée je ne garde que mes deux gros dés, tous les petits dés retournent au marché, sur la face qu’ils présentaient. Au jour suivant, pour faire tourner mon moteur il me faudra prendre de nouveaux petits dés supplémentaires. Je garde toujours les deux dés associés à mon aventurier de départ.
La couleur des dés aura son importance. Sur les six symboles du dé, il y en a deux identiques correspondants à la couleur (feuille pour le dé vert, goutte pour le bleu…).
C’est beau, ça ronronne bien, mais qu’est-ce que c’est frustrant ! Il faut parfois relancer cinq fois les dés avant d’obtenir une combo parfaite (ou juste moins pire). Si on fait une analyse statistique sur les jets, je suis sûre qu’on retombe trop souvent sur la même face après retirage. Un petit catch-up aurait atténué cette impression de perdre son énergie vainement.
La phase de draft est la seule réelle interaction de la partie. On peut se trouver à plusieurs sur la même case, ce n’est pas bloquant, et ce n’est pas une course. Comme on résout les effets des dés en même temps, on ne perd pas trop de temps à attendre les autres joueurs, cependant on ne fait qu’une suite de choix très personnels et peu impactants pour les autres (on pourrait même s’amuser tout seul). Il y a cependant le compagnon « Xar’gok » qui viendra rompre un peu cette balade solitaire dans les bois. Son effet, s’il est déclenché, est d’envoyer un sortilège aux autres joueurs. Un effet qui ne rapporte pas de PV à son propriétaire mais qui plombe l’avancement des adversaires.
Il est à noter qu’en retournant le plateau de jeu vous aurez accès à une variante, celle de L’archipel ténébreux, des îles à atteindre pour décrocher des éclats de lumière grâce à nos quatre bateaux.
Promenons-nous dans les bois
Disons-le, le jeu de parcours présente un côté un peu old school. Ce n’est pas forcément rédhibitoire. Il amène ce côté rassurant de suivre son chemin dans les jeux classiques. Dans Lueur les voies sont multiples, semées de petits bonus ou d’embûches, d’éclats et de doutes. Mais le bon chemin est surtout celui qui est possible. Il est assez vain de tracer son parcours optimal à l’avance, puisque les dés en décideront autrement. Les choix sont donc très opportunistes. On arrive quand même à construire un moteur et cela peut-être bien suffisant pour remporter des PV. Les relances sont tellement coûteuses et incertaines que j’en viens à me demander s’il ne vaut pas mieux ne pas chercher à parcourir les bois et les chemins. On avancera toujours un peu, peut-être assez pour amener sa maison sur une clairière à 5 ou 8 points.
Ben Basso vient de la BD et met à profit son bestiaire fantastique. Ses personnages ont un tel charisme qu’on est quasiment amené à choisir la créature plutôt que son effet. Dessins en trame, personnages sombres ou sans âmes parfois, effrayants mais toujours ensorcelants. Ce visuel magnétique nous attire au jeu. Le plaisir de construire son moteur et de tenter d’obtenir la bonne combinaison aux dés nous retient un temps. La relance coûteuse mais peu gagnante laisse malgré tout un arrière-goût et une frustration, un sentiment d’injustice surtout quand on aime maîtriser sa stratégie. J’irais jusqu’à dire qu’il donne envie de tricher tant les relances sont parfois vaines (et qu’on joue un peu chacun dans son coin).
Prenons ce jeu pour son aspect familial +, facile à jouer. Il est indéniablement agréable de s’immerger dans ce monde clair-obscur. Un jeu de parcours moderne stylé, avec du moteur, du stop ou encore et du draft.
Une lueur est une lumière qui n’a pas un plein éclat, une grande intensité, mais qui est durable. Pour ma part, ce Lueur me donne trop souvent envie de tricher pour équilibrer mes nombreux retirages infructueux. L’éclat vif lors de la découverte en est grandement atténué.
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Argone 23/03/2021
Sauf que Lueur n’est pas un jeu de parcours.
Le plateau se veut « en + » et n’est pas le coeur du jeu
Tu peux gagner avec uniquement les cartes, tu ne gagneras pas uniquement avec le plateau
Natosaurus 24/03/2021
En effet, c’est justement pas la stratégie du parcours qui est à suivre pour marquer des points. Mais le plateau de jeu est un parcours avec des contraintes et des éventuels bonus.
Je ne fais plus vraiment attention à l’avancée sur le chemin, je joue mes combos et si ça avance sur le chemin c’est du +.
ocelau 23/03/2021
Pour les 5 relances , c’est inutile : pour 3 relances (mixées entre les moyens par bonus, jeton et piste de score) on peut choisir directement sa face de dé 😉 . Les relances ça fait partie de la stratégie, si on a moyen d’avoir des relances on peut tenter de jouer très spécialisé, sinon mieux vaut partir sur des associations de pouvoirs qui se complètent. Et puis surtout, il faut soigneusement choisir ses dés (par rapport à leur statistiques de sorties) même si on a tendance à avoir le réflexe de choisir en fonction du pouvoir de la carte et le nombre de dés.
Pour le plateau, comme dit Argone, ça doit être une tâche de fond, y avancer progressivement et suivant les dés (sachant qu’on a toujours les dés fixes de notre personnage qui donne une tendance)