Les petits joueurs #23 : Le grand méchant monstre, File filou, Qui va sauver la princesse ?

Chaque mois, notre chronique Petits joueurs vous propose de découvrir plusieurs jeux pour différents ages de l’enfance. Joués entre parent chroniqueur et enfant.

Axelosaurus : tout juste 4 ans, il commence doucement à découvrir le jeu de société. Jusqu’alors adepte des memorys et puzzles, il s’ouvre maintenant aux jeux modernes.

Tutur : 6 ans biberonné aux jeux de société : ses deux parents sont fanas, et il les voit jouer depuis la maternité. Alors il a toujours très envie de jouer aux jeux de grands, d’avoir ses cartes, et de manipuler le matériel. Bon public, il aime à peu près tout.

Roxy : 2 ans 1/2. Trop petite pour jouer à la majorité des jeux, mais saute sur les genoux de ses parents dès qu’un jeu est sur la table. Alors, toujours partante pour les jeux de son âge.

 

Qui va sauver la princesse ? 

Placote est un éditeur de jeux pédagogiques, celui-ci est destiné aux enfants à partir de 3 ans, et a pour but de développer le langage et la compréhension de l’environnement.

On retrouve la classique piste d’avancement vers l’arrivée, avec plusieurs personnages prétendants à la victoire. Comme d’habitude avec Placote, on se contente de miser sur celui qui va gagner, laissant la victoire à un pur hasard, puisque répondre bon ou mauvais aux questions n’a absolument aucun impact. Un gameplay qui peut paraître improbable pour un adulte, mais qui satisfait amplement un enfant de 3/4 ans.

Mon fils de presque 4 ans a déjà pratiqué ce genre de jeu, puisqu’il nous demande régulièrement L’école des monstres, du même éditeur, où il faut répondre à des questions tenant à l’entourage sociale (« est-ce bien de se moquer d’un autre camarade ?…”). Il n’était donc pas dépaysé dans ce jeu qui reprend exactement le même système, mais cette fois avec 6 personnages au lieu de 4, et des pistes bien plus courtes, ce qui a tendance à augmenter la tension de quel personnages va gagner, et réduire le temps de partie. Donc plutôt du mieux, même la victoire sera déterminée par le hasard.

Passons au cœur du jeu, les questions et leur contenu. L’enfant va être challengé sur des questions Qui/Quoi/Où/Quand. Par exemple “Quand est ce qu’il neige ?”, “Où arrivent les trains ?”, “Qui apporte le courrier ?”…

On est sur du contenu très très simple, mais créé pour des enfants de 3-4 ans, et pour le coup j’ai trouvé les questions bien adaptées. 70% des questions sont connues de l’enfant, il est content d’apporter la réponse. Le reste correspond à une découverte, par exemple “où acheter des médicaments ?” ou “qui soigne les animaux ?”. L’enfant qui n’a pas été exposé encore à ces mots dans la vie courante va bloquer complètement, mais une fois la réponse donnée, il pourra l’intégrer à son vocabulaire.

Normalement les questions n’amènent qu’à une réponse possible, mais l’enfant a vite fait de l’interpréter à sa manière. Par exemple “avec quoi protéger ses yeux du soleil ?”, même si la réponse attendue est des lunettes de soleil, on ne peut pas donner tort à l’enfant qui répond “en fermant les yeux”.

C’est donc un moment de partage et d’apprentissage plutôt plaisant. Il voit les personnages avancer à tous les tours, quelle que soit sa réponse, et c’est gratifiant pour lui.

Le temps de jeu reste raisonnable, environ 10 minutes, et l’envie d’y rejouer est plutôt là puisqu’il m’a vite demandé le jeu en essayant de miser sur un autre personnage. La redondance des cartes n’est pas un souci pour l’enfant qui est juste content d’avoir la bonne réponse, et qui assimile petit à petit le vocabulaire appris lors des parties précédentes.

Bref, plutôt une réussite pour l’âge ciblé. Il permet de développer le vocabulaire, la parole et l’expression. Par contre passé les 5 ans, le jeu tombera complètement à plat, l’enfant ayant déjà presque toutes les réponses à ces situations du quotidien.

 

 

Un jeu de Marie-Ève Bergeron-GaudinSimon Tobin
Edité par Placote

À partir de 3 ans

 

Le grand méchant monstre

Le grand méchant monstre est un jeu de dessin. Enfin, un peu, car c’est aussi un jeu de course à l’objectif. Enfin, un peu. C’est peut-être l’inverse, je ne sais plus. Jugez plutôt : À chaque tour, on lance des dés. On en choisit un chacun qui nous dit quoi dessiner sur notre monstre individuel. Une patte, une main, un œil ? C’est le dé qui vous le dit. Ce choix vous fait progresser sur la piste correspondante : patte, main, œil, vous avez compris. Passé certains paliers, vous pouvez prendre des points sous forme d’objectif, mais attention, une fois les points pris sur une piste, vous ne pourrez plus à nouveau en prendre sur celle-ci. Dès qu’un joueur a assez de points, c’est gagné. Plus de détails dans le ludochrono

Comme je vous le disais, je ne sais pas ce qu’est Le Grand Méchant Monstre. D’un point de vue « objectif pour gagner », c’est clairement un jeu de courses sur différentes pistes : on progresse sur chacune d’elle, et il faut choisir quand prendre les points : trop tôt, on rate la possibilité d’en marquer plus, trop tard et on risque d’aller trop loin si un adversaire les prend avant nous. De ce point de vue là, le jeu a déjà de l’intérêt pour les enfants, car il les initie à cette mécanique de « stop ou encore » sur la durée que je n’avais pas vu ailleurs dans les propositions qui leur sont destinées. Le jeu est en plus assez malin parce qu’il cache les points derrière une jauge à remplir : chaque objectif est une tuile plus ou moins grande que l’on glisse dans notre jauge, et dès que celle-ci est remplie, on a gagné. C’est le même système que dans Reload, et c’est une excellente idée parce que ça matérialise tout de suite ce que l’on fait, au-delà d’un décompte froid et abstrait. Et ça rajoute aussi un peu d‘incertitude : on ne se rend pas forcément bien compte à quel point notre jauge est remplie, et si on est loin de la fin ou non. Et cela a permis à Tutur de gagner plusieurs parties, parce que j’étais trop gourmand sur les objectifs à récupérer et le pensais plus loin qu’il ne l’était. 

Bon, mais est ce que le cœur du jeu est là ? Je ne le pense pas, car sinon, le jeu serait peut-être un peu trop froid. Non, pour moi le cœur du jeu est dans sa phase de dessin : en effet, progresser sur les pistes, on le fait uniquement après avoir dessiné quelque chose sur notre monstre. Et c’est là qu’est le vrai plaisir du jeu : dans la création, chacun de notre côté, d’un monstre dont on rajoute les attributs les uns après les autres. L’intérêt est clairement là, et c’est ce que l’on se montre à la fin de la partie, notre dessin, pas notre feuille de score. Pourtant, cette partie est totalement « superflue » : ce que l’on dessine n’influencera à aucun moment le résultat de la partie. 

Et c’est ce qui me plait dans ce jeu : il déporte l’objectif, la course aux points, vers quelque chose de beaucoup plus satisfaisant : le dessin. Mais il ne valorise pas ce dessin, et le laisse là uniquement pour le plaisir, sans enjeux autour de lui : rien à faire deviner, pas de points pour le plus joli dessin. On fait ça pour rien, gratuitement. Et cela efface totalement le reste. 

Voilà donc un jeu qui, quand on s’y penche dessus, ouvre ainsi énormément de questionnements : est-ce que le jeu ce n’est pas ça, faire des choses pour le plaisir, sans la compétition ? Mais alors, pourquoi avoir rajouté ce comptage de points ? Peut-être parce qu’ainsi on cadre l’activité, on la définit dans le temps, et finalement on la rend plus accessible ? Est-ce qu’elle ne permet pas aussi de donner des limites, nécessaires à la créativité ? Très honnêtement, je suis extrêmement curieux de connaître la démarche et la réflexion qu’il y a eu derrière ce jeu, et si le dessin est venu avant ou après la mécanique globale ? (Ceci est un appel du pied pour un auteur ou un éditeur qui passerait par-là) 

En tout cas, je suis très séduit par la proposition du Grand Méchant Monstre. Moins par son esthétisme global (les goûts les couleurs), mais l’édition reste soignée et réfléchie : on a parlé de la jauge à remplir mais on peut noter aussi que l’on peut commencer avec un corps de monstre pré-dessiné, ou pas, avec plein de corps de départ possibles. Il propose quelque chose de très original, un jeu purement mécanique où la mécanique est totalement éclipsée par le dessin, et où celle-ci n’a finalement pas beaucoup d’importance. Il va surprendre et déstabiliser, sans aucun doute. J’ai tendance à dire : tant mieux, c’est cela qu’on attend. Néanmoins, certains risquent de passer à côté et de ne pas voir que l’important est ici dans l’inutile. En tout cas, chez nous c’est un jeu qui a beaucoup plu, une fois que les parents ont compris qu’il fallait lâcher prise et se faire plaisir sur le dessin. 

Un jeu de Benoit TurpinJoan Dufour
Illustré par Rémi Leblond
Edité par Bankiiiz

À partir de 5 ans

 

File Filou 

Dans File Filou, vous devez faire traverser à vos trois animaux une prairie gardée par un loup. À votre tour, vous lancez le dé, et faites avancer un de vos animaux du nombre de cases indiqué. Chaque case du parcours propose une cachette d’une forme qui va permettre de cacher certains animaux : si jamais ce n’est pas la bonne, on verra les oreilles du lapin, le dos du hérisson ou la queue du lézard qui dépasse. Il faudra donc bien choisir quel animal déplacer pour le mettre à l’abri, car si le loup apparaît sur le dé, tout ceux qui sont mal cachés n’échapperont pas au regard du loup, et retourneront au début. Dès que les trois animaux de sa couleur ont traversé la prairie, c’est gagné. 

File filou va jouer dans une cour pas facile, celle des jeux à partir de 3 ans. Pas facile de trouver quelque chose qui accroche les enfants, et qu’ils comprennent. Ici le pari est partiellement réussi : les enfants accrochent relativement vite, et comprennent où les animaux sont cachés ou pas (même si Roxy a commencé à tourner le lézard pour qu’il soit caché derrière n’importe quel buisson). En revanche, le jeu souffre d‘un petit problème de rythme : en fonction de la configuration des buissons, les parties peuvent traîner un peu en longueur parce que le parcours demande beaucoup de prise de risques pour certaines espèces d’animaux, ou au contraire être assez plan-plan parce que les animaux sont presque toujours cachés. Difficile de trouver cet entre-deux où l’échec n’est ni trop absent ni trop présent, et qui est pourtant le moment où le jeu devrait briller. La « faute » en revient à ce plateau modulaire, qui, s’il permet justement de changer la configuration des parties, créé peut-être des conditions moins favorables.

L’édition aide beaucoup à la prise en main, à un détail près : notre loup, avec son chapeau à relever, se retrouve à un moment à côté des animaux, avec une des cachettes… dans son dos. Petit moment d‘incompréhension pour les enfants qui se demandaient si leurs animaux étaient vraiment cachés alors qu’ils se trouvaient entre le loup et le buisson. 

Reste que si on a parlé de la fourchette basse, il faut aussi parler de la fourchette haute : File Filou vise jusqu’à 8 ans, et il faut reconnaître qu’il fait partit des rares jeux qui permettent de mettre Roxy et Tutur autour de la table presque en autonomie, malgré quatre années d’écart d’âge. En ce sens, c’est plutôt une réussite, et si File Filou ne m’a pas transcendé, il nous fait quand même passer de bon moment à 3 ou 4, ce que peu de jeux arrivent à faire avec une Roxy si petite. 

 

Un jeu de Danna Banki
Illustré par Gediminas Akelaitis
Edité par Logis

À partir de 3 ans

 

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1 Commentaire

  1. Doc.Fusion 27/04/2023
    Répondre

    Merci beaucoup pour cet article que j’attends avec impatience chaque mois !

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