Les mordus de Dog Park

C’est en jouant à Dog Park que je me suis faite la réflexion : “Ce qu’il y a de beau avec le jeu de société, c’est qu’il peut devenir le médium de n’importe quel sujet”. Et ce n’est pas sarcastique. Avec un peu d’imagination (et de talent, c’est mieux), tout propos peut être transformé en jeu. Ce qui nous sauve de l’homogénéisation, et ce qui nous sauvera peut-être des j2s conçus par I.A. (à condition que le public et les prix ludiques le veulent bien, ce qui n’est pas nécessairement gagné d’avance) : ce sont des auteurs et autrices qui ont l’envie sincère de partager quelque chose (une idée, un propos, un twist, un délire, qu’importe) avec un regard qui n’appartient qu’à eux.

« Bien éduqué, l’Homme peut être le meilleur ami du chien. »

Pour ce qui est de Lottie et Jack Hazell, leur travail parle pour eux : ce sont d’authentiques amoureux fous des toutous, toutes races confondues. Pour faire vivre cette passion, ils ont cofondé la maison d’édition Birdwood Games et dans la foulée édité Dog Park et ses extensions, puis Forever Home. Le premier opus vous fait jouer des dog sitters, le deuxième vous propose d’offrir une seconde chance aux chiens de refuge. Si vous avez un cœur de pierre, leur ligne éditoriale ne vous parlera pas, c’est sûr. Pour les autres, amateurs de boules de poils, lanceurs invétérés de baballe ou gratouilleurs infatigables de ventres cabotins, intéressons-nous un peu à leur première création, Dog Park.

En voyant Dog Park, beaucoup ont sauté de joie en s’écriant “youpi Wingspan avec des chiens” ! Non, les chiens ne pondent pas d’œufs, cela n’a donc rien à voir. Bon, il est vrai qu’on peut sentir cette même veine d’amour pour son sujet animal transpirer. Le thème est original, oserons-nous dire qu’il est un peu niche ? Mais oui, car rien ne nous arrête. Mécaniquement, on nous promet des petites combo de cartes, de la gestion de ressources et une quantité longue comme une journée-sans-promenade de cartes Chien à jouer. 

 

Dog Park vous propose d’incarner des dogs sitters et d’emmener en promenade toujours plus de canidés avec force jouets, petits bâtons et friandises. Le gagnant sera celui ou celle qui aura accumulé le plus de points grâce aux cartes Chien récupérées (des toutous que vous emmènerez au parc donc) et certains objectifs et collections annexes non anecdotiques. 

Le tout se déroule sur quatre manches, et chacune débute avec un jeu d’enchères. On tire autant de cartes Chien qu’il y a de joueurs et dans le sens horaire, chacun va miser une somme (secrètement) sur sa roue personnelle (entre 1 et 5 réputation) et se placer (pas secrètement) dans une file d’attente devant un chien. Le dernier joueur peut donc se placer là où il n’y a personne et miser le minimum syndical sans risque, mais si vous jouez en premier et désirez vraiment très fort un toutou, il faudra sans doute monter un peu la mise pour assurer la prise. Sachant, ce n’est jamais négligeable, qu’on mise avec nos points de réputation, qui sont nos points de victoire. 

Pourquoi désire-t-on un canidé plus spécifiquement ? Parce que déjà, on a tous nos chouchous. Mais surtout, chacun a une capacité, qui peut s’activer pendant la promenade, mais aussi au retour à la maison, ou au moment de la sélection des chiens qui vont sortir par exemple. Globalement, cette capacité peut être de gagner (sous conditions) des points bonus ou des ressources (friandises, bâtons, jouets). Car les chiens coûtent des ressources pour être sortis. Vous regardez donc aussi leurs coûts avant de déterminer votre enchère (à quoi bon prendre un chien qui restera au chenil ? on n’est pas des sauvages). Si vous gérez bien votre affaire, vous pourrez avoir des pouvoirs qui cascadent.

C’est quand la promenade ? 

Vous pouvez habituellement sortir trois chiens pour la promenade (tant que vous payez leurs ressources). Comment la promenade se matérialise-t-elle ? Regardez l’espace central du plateau :

En gros, une succession de cases sur lesquelles notre Meeple va devoir progresser de 1 à 4 cases, un peu comme dans Parks. Pas de retour arrière possible et le dernier à sortir du parc prendra un malus, cela pour encourager à avancer plus vite, mais vous pouvez traîner et faire du case par case si le cœur vous en dit. Tout de même, tomber sur une case déjà occupée vous coûtera un point de réputation. Mais certains pouvoirs de chien (et là je vois Volt qui essaie de faire fondre un cadenas avec ses yeux) permettent de faire fi de cet inconvénient.

Les cases vous apporteront globalement des ressources (qui combinées à vos pouvoirs canidés peuvent générer d’autres gains), mais d’autres cases donnent des points de réputation ou la possibilité d’échanger vos chiens contre d’autres présents dans l’offre (petit couac dans le thème, pas très crédible de remplacer son chien par un autre au cours d’une ballade !). Grâce à un tirage aléatoire d’un deck de cartes bonus, les cases du parcours sont légèrement modifiées d’une promenade à une autre, mais globalement c’est toujours un peu la même déambulation paisible. 

 

Quand la promenade se termine, c’est le retour à la maison : un petit jeton “laisse” est placé sur les chiens qui ont pu sortir, et avec ceci, 2 points de réputation sont octroyés par toutou qui a aéré sa truffe. Un point de réputation en moins pour chaque chien qui n’a pas de “laisse” et qui est resté au chenil (vous faites honte au métier).         

 

 

Un autre élément fait qu’on va choisir un chien plutôt qu’un autre : leur type. Certains sont des chiens de travail, d’autres des chiens de chasse, des chiens d’utilité, etc. Un départage de majorité pour chacune des 7 catégories de chien aura lieu à la fin (élément de scoring un peu longuet d’ailleurs) ce qui fait que ce choix peut être généreux en points. Enfin, nous gagnons aussi d’autres points via notre carte objectif secret, qui peut là aussi, jouer sur nos décisions et nous pousser à cramer quelques points lors de l’enchère.   

 

Who let the dogs out? (whou whou)

Dog Park attirera donc les amateurs de Wingspan mais pourra les décevoir. Ne prenez pas cet air de chien battu, le jeu est juste différent dans ses sensations et ne vise pas exactement la même cible. Les combo de cartes ne vont pas aussi loin, même si j’ai vu certains joueurs gagner vraiment beaucoup de ressources par des effets combo très dirigés. On apprécie les petites modulations (les cartes Tendance font bouger une règle par manche), mais globalement le jeu ronronne pas mal, ce qui étonnement, n’est pas forcément une malfaçon ici. 

L’interaction se joue surtout dans les enchères, on essaie de surveiller les types de chien que prennent les autres et parfois, de les contrecarrer. On peut même tenter le coup de bluff, pour essayer de faire cracher au bassinet un autre joueur. Les amateurs d’enchères secrètes seront donc aux anges, il faut le dire, cette partie là ne démérite pas – même si évidemment elle tombe un peu plus à plat quand on n’est que deux joueurs (il y a un joueur automa mais tout de même). 

Le jeu ne montre jamais les crocs : même si vous perdez votre enchère, vous aurez un chien ; ce ne sera peut-être pas le chien de vos rêves, mais vous l’aimerez quand même vous verrez. On aime pas trop dépenser nos points de victoire, mais parfois il faudra mettre la main à la poche pour avoir la carte qui fait la différence. On joue la course sur les majorités (types de chiens), on se gène dans la promenade… Bref, on ne se regarde pas en chien de faïence, dans Dog Park, on joue ensemble (ou plutôt contre mais vous voyez l’idée). 

Tout cela fait de Dog Park un jeu familial plutôt charmant et accessible avec sa série de mini décisions qui, mine de rien, impactent l’issue de la partie. Les plus gamers regretteront vite que les capacités des chiens ne soient pas plus variées, surtout s’ils le comparent à Wingspan. Les mêmes déploreront le côté un peu trop anecdotique des objectifs secrets. Ils diront qu’ils auraient aimé plus de diversité et de profondeur. La promenade aussi, pourrait être plus complexe, avec un réseau de chemins plus riche. Mais cela aurait été un autre jeu. 

Il faut comprendre que Dog Park ne cherche pas à faire “Wingspan avec des chiens”. Les gamers devront donc accepter d’y jouer en mode décontracté, probablement avec leurs enfants, en lisant scrupuleusement chaque petite description de chien (sympathique d’ailleurs, on apprend des choses). Ils apprécieront le look aquarelle, parce qu’ils feront un effort. Avouons que la qualité de la production (big up aux thermo en forme d’os à moelle) est au rendez-vous. Mais surtout, la thématique (hormis quelques concessions) fonctionne très joliment et se tient bien (mieux qu’à Wingspan même). Difficile de jouer la partie sans faire de réflexions sur telle boule de poils qui va tristement devoir rester au chenil, ou telle autre qui a de la chance parce que ça fait déjà sa troisième promenade aujourd’hui, abusé ! Ainsi, Dog Park prendra tout son sens dans ce cadre relaxé et familial, entre amoureux du meilleur ami du bipède, pour un moment d’aération ludique clément et ensoleillé, un peu comme une vraie sortie au parc. Natsu approuved.      

 

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