Le jeu s’appelle “Kingdom Death: Monster”
Le jeu s’appelle Kingdom Death: Monster.
Aucun de ces mots ne doit être pris à la légère.
KINGDOM
“Royaume”
Imaginez un empire plus vaste que celui de Gengis Khan, qui s’étendait tout de même de la Méditerranée au Pacifique, parce qu’il avait oublié de traîner des pieds, le petit père Khan. Projetez-vous, comme ça, aussi loin que possible, aussi loin que vos yeux, puis votre imagination, puissent aller. Vous y êtes ? Vous humez les limites, vous tâtez les bords avec vos orteils ?
Eh bien c’est là que Adam Poots (que j’appellerais volontiers Capitaine Adama) s’est rendu et dites-vous qu’une fois arrivé là, il s’est tout simplement dit “tiens, si je continuais à tracer moi ?!”
Oui, voilà un type qui a franchi toutes les limites. Son royaume aujourd’hui compte des milliers et des milliers de personnes dévouées à sa cause. 12 393 139 $, c’est ce que les 19 264 backers du monde entier lui ont donné sur Kickstarter lors de sa deuxième campagne, explosant tous les pronostics, tous les records à l’époque.
Pourtant, le prix du jeu est élevé, surtout si vous craquez sur les extensions (plus d’une quinzaine). Certains joueurs-collectionneurs ont dépensé des sommes à 4 chiffres (nous n’en dirons pas plus par pudeur). Vous pouvez encore trouver la bête ici. C’est la boutique de l’auteur. Je vous préviens, ça sera compliqué en dessous de 400€.
De là me vient une question que vous n’hésiterez pas à qualifier de provocatrice j’en suis sûre, mais elle est aussi sincère que pleine d’affection. Est-ce parce que les joueurs l’ont acheté si cher et que son contenu est si inaccessible (disponibilité réduite, investissement temps et coût prodigieux) qu’ils sont tous manifestement intimement persuadés que ce jeu est l’ultime expérience en matière de jeu de société ?
En effet, tous les joueurs ayant soutenu Kingdom Death: Monster semblent en adoration totale devant leur achat. Mais peut-on porter un regard pertinent sur un objet de passion qu’on s’est payé plusieurs centaines d’euros ? Est-ce seulement encore souhaitable ? Est-ce finalement son inabordabilité qui le rend si désirable ?
Sinon comment un jeu aussi difficile, tranché, et exigeant (montez toutes vos figurines et on en reparle) a-t-il pu toucher autant de monde ? Quel est son secret ? S’agit-il simplement de mêler gore et sexe pour attirer les regards de la communauté ? Ou est-ce que le jeu a aussi quelque chose, au-delà de ça, à raconter ?
Kingdom Death: Monster impressionne, intimide presque (d’ailleurs pour l’apprivoiser un peu, nous l’appellerons KD:M). Par sa démesure. Ses chiffres, nous les avons évoqués. Mais aussi par ses incroyables figurines, qui vous demanderont du temps et de l’attention. Par son parti pris graphique (de “l’horreur mature”). Son ambition, celle de nous raconter les débuts instables et sensibles d’une civilisation, du point de vue charnel de l’être humain – et non celui du gestionnaire comme il est coutume de le pratiquer autour d’un plateau. Par la richesse et la viscéralité de l’intelligence artificielle des monstres auxquels notre pauvre petite tribu va se retrouver confrontée, partie après partie.
Tout cela en fait-il un must have ?
DEATH
« Mort »
L’ambition du capitaine Adam était de créer un jeu sur la fragilité de l’être humain. En effet, quelle petite chose chétive et ridicule sommes nous face aux crocs d’un lion, même devant les cornes d’une antilope ! Surtout si ces bêtes sont soudainement transformées en horreurs assoiffées de sang…
Le rouge est la seule tache de couleur qui ravive notre univers sombre et sépulcral. La mort rôde à tout instant autour de nous. Cette fragilité rappelle un peu Dark Souls, pour les amateurs de jeux vidéo. La phase de chasse et le Showdown central (incontestablement la phase la plus aboutie et la plus prenante à mon sens) auront de multiples occasions de nous rappeler notre infinie précarité.
Un simple jet de dés un peu trop faible pourra pourfendre, amputer, foudroyer, faucher, châtrer, trucider, aliéner, transpercer, liquider, juguler, fumer, sécher le meilleur des chasseurs du clan en un rien de temps.
Ne vous croyez jamais trop fort pour le jeu, il vous rappellera à l’ordre dans la minute. KD:M explore avec un plaisir vicieux notre inextinguible aptitude à être brisé, endommagé ou anéanti… et à continuer quand même.
À y regarder de plus près, l’énorme boîte, noire et oblongue, du jeu ne figurerait-elle pas un cercueil de luxe ? Le simple fait qu’on ne nous appelle pas “humains” mais bien “survivants” doit bien vous mettre la puce à l’oreille. Le monde est sans pitié et il nous met au défi, sans jamais siffler de trêve. Nous sommes peu armés, peu habillés, peu compétents, bref, nous sommes des brèles et nos chances de survie semblent aussi réduites que celles d’un saumon vivant non loin des zones de pêche électrique néerlandaises.
Mais nous allons apprendre ! Nous améliorer, nous équiper… et puis, oui, mourir.
Inéluctablement.
Mais ce n’est pas grave ! 😀
Du moins, pas si nous avons des enfants, puisqu’ils prendront la relève. Ils naîtront dans une civilisation un tout petit peu plus avancée que la nôtre (si on a pas tout foiré), ils auront quelques avantages grâce à nos sacrifices, mais demeureront néanmoins fondamentalement mortels eux aussi.
Dans KD:M on ne trouvera pas de super héros, pas de super pouvoir, pas de combo de ouf, ni d’ineffable faveur divine. Il n’y a que nous, et ces petites lanternes qui projettent doucement notre ombre, faibles flammes pouvant danser et se briser aussi silencieusement que nos os.
Qu’on se le dise : il n’a rien pour lui, l’humain. Ni croc, ni carapace, ni griffe… Il a juste cette petite lanterne prométhéenne, cette faible braise civilisatrice, cet unique éclat de lumière, d’espoir, de désir.
Mais plus l’environnement est hostile, plus ses faiblesses sont criantes. Du coup, pour citer un vieux groupe de heavy metal, “Welcome to hell” j’ai envie de dire.
Avec KD:M, nous acceptons de devenir faillibles, et non seulement cela nous rassemble, mais cela nous pousse avant. Aucun signe d’asthénie, ni d’apitoiement dans le groupe. Pourtant, le récit développé par le jeu offre peu d’intermission joviale ! Il faut avancer, sinon c’est la mort (phase de hunt – chasse – ). Il faut se battre, sinon c‘est la mort (phase de Showdown – ce qu’on appelle le combat -). Il faut faire des choix, sinon c’est la mort (phase de settlement – campement -).
C’est sans doute dans cette dernière phase, d’ailleurs, que nos décisions ont le plus d’impact réel sur le moyen-long terme de notre civilisation, là que se joue réellement l’avenir du clan. Parce qu’ici, on décide ensemble de ce qu’on va fabriquer, de ce qu’on va construire. Et encore une fois, rien n’est offert, rien n’est facile. Les avancées les plus intéressantes nécessiteront de la patience et de l’investissement. Et ne vous croyez pas à l’abri du mortel hasard… la fessée des dés n’est jamais loin. L’aléatoire est partout où tu regardes, dans les moindres recoins de l’espace, dans les moindres rêves où tu t’attardes.
Lors d’une campagne, nous ferons régulièrement des choix qui marqueront durablement la suite de l’aventure du groupe. Avec le premier homme tombé au combat se posera peut-être la première question métaphysique, le premier débat pour les joueurs : que notre clan (qui maîtrise à peine la parole) va-t-il souhaiter faire du cadavre ? L’enterrer ou le manger ? Les deux ont leurs avantages en jeu. Mais c’est un principe de civilisation que vous entérinez, et qui aura des conséquences pour la suite.
Peu de jeux de plateau poussent ses joueurs à avoir ce genre de discussion, avouons-le ! On est loin d’un Hate qui vous place frontalement devant les comportements les plus sauvages possibles. C’est bien plus cynique ici, puisqu’on vous laisse la porte ouverte. Que vous la franchissiez ou non, on fait de ce choix votre problème.
Oui, KD:M a un côté pervers, dans son gameplay comme dans son univers. Les choix sont diaboliques, le hasard complètement dévergondé, les monstres sanglants, certains diraient obscènes… (Sur Reddit, d’aucuns tiennent une liste des créatures du jeu présentant des caractéristiques sexuelles/génitales particulièrement provoc. Ça doit occuper leur dimanche.)
L’extrême précision de la violence des situations vécues par les personnages réussit à nous emmener dans un cadre hyper immersif. Kingdom Death: Monster présente pourtant un véritable amas de règles mais si vous les maîtrisez elles parviennent à s’effacer derrière la légende que l’on est en train d’écrire. Les joueurs gardent des souvenirs intacts d’une partie à l’autre, de moments de gloire éclatante et de désastres épiques, comme ça peut être le cas dans une campagne de jeu de rôle.
En effet les rôlistes ne sont pas perdus, on a d’ailleurs une feuille de personnage à remplir avec des caractéristiques : précision, force, évasion, chance, vitesse, âge, expérience, niveau de compétence avec son arme, courage, connaissance, sciences de combat, folies, blessures permanentes…
Dès le moment où l’on baptise nos personnages et notre clan, l’appropriation joue à plein. Des événements sans nom et aléatoires nous tombent dessus de façon insensée mais c’est nous et nous seuls qui allons appréhender l’histoire, créer du lien, du sens, et des souvenirs, parce que ces personnages, aussi éphémères soient-ils, font déjà un peu partie de nous.
On a envie de les voir s’expérimenter, s’endurcir, vieillir, et devenir meilleur. On veut que le jeu nous autorise à les pousser aussi loin que possible. On a envie qu’ils aient des enfants et qu’ils atteignent cet âge où leurs souvenirs prendront leurs rides pour un sourire. Et c’est peut-être possible, avec de la chance (beaucoup) et du talent (un peu).
Quoi qu’il en soit, ne vous y trompez pas : ce n’est pas parce qu’on traverse ce cauchemar, où les corps sont déchiquetés et déformés, que nous ne rions pas beaucoup dans une partie de KD:M. L’atmosphère glauque ne plombe nullement l’entrain des joueurs : dans notre groupe, plus la situation est violente, plus on se marre ! Peut-être une façon d’évacuer la pression instillée par le jeu, d’exorciser ce que nos avatars endurent (comme disait Joann Sfar plus nous côtoyons la mort plus nous sommes gourmands de vie) ou sommes-nous simplement devenus fous ?
MONSTER
« Monstre »
Les monstres du jeu poussent les non-figurinistes à le devenir. Tout d’abord parce que… bah t’as pas le choix ! On les reçoit en grappe, quelle fourberie ! Il faudra donc mettre un tablier, sortir la colle et le scalpel si l’on veut jouer.
Mais ça vaut le coup de s’y intéresser un peu à ses figurines. Car d’une, elles sont vraiment très réussies, et de deux, elles évolueront avec vos héros. Vos perso débuteront en pagne, et si vous fabriquez un bouclier, vous pourrez leur en coller un dans leurs mains. Un grand nombre de customisations sont possibles.
Et quand on voit ce que parviennent à faire certains artistes, cela donne envie d’acheter de la peinture. La plupart des joueurs qui ont acquis le jeu franchissent le pas. Car on se projette dans ces personnages et les voir prendre vie sur le plateau donne une autre dimension à l’expérience. Si Kingdom Death: Monster se passait de ses figurines, il changerait de nature pour devenir un jeu de rôle. En l’état, elles ne sont pas qu’un “petit plus” comme c’est souvent le cas dans les projets Kickstarter, elles sont au cœur du jeu.
Une chose pourtant qu’il faut que je vous dise : les monstres, il vaut mieux les avoir en photo qu’en combat. KD:M se rapproche de Dark Souls, mais il s’avère aussi un lointain cousin de Monster Hunter. Chaque animal et chaque Némésis a ses particularités, ses actions, ses réactions, un deck d’intelligence artificielle évolutif, bref, ils ont une richesse et un panel de comportements qui rend les phases de showdown (ce pur moment Monster Hunter) vivant, prenant, surprenant, parfois drôle, avec un aléatoire omniprésent, oppressant.
Durant le combat, on va parvenir à arracher des parties du monstre. De la crinière ? Très bien, cela servira pour parfaire une armure ! Ces prélèvements sont plus perçus comme des ressources augmentant notre espérance de survie que des trophées.
Il y a donc des animaux à “farmer” (comme dans les MMORPG, on répète le même combat pour accumuler des ressources dont on a besoin), mais aussi des Némésis, les grands ennemis de l’histoire. Ils présentent tous en jeu des réactions très différentes qu’il faudra apprendre à apprivoiser.
1 année dans le jeu représente donc une phase de chasse + 1 phase de combat + 1 phase de settlement. Et la campagne s’étale sur 25 ans. Une broutille on vous dit !
OUI… mais !
Vous le voyez, le jeu rend les joueurs fous et il a indubitablement des arguments solides. Pourtant, il n’est pas exempt de défauts.
La phase de chasse (pas le showdown, attention) n’est pas très élégante. Elle aurait pu être plus immersive, plus narrative, moins répétitive, plus décisionnelle. On y avance d’une case comme dans une sorte de bête jeu de l’oie linéaire, ce plateau-là n’est décidément pas très heureux. De même, le grind n’est pas le plus intéressant. En d’autres termes, devoir se refaire le lion niveau 1 plein de fois juste dans l’espoir d’avoir un peu de crinière pour avoir une chance ensuite de faire progresser nos héros dignement, c’est parfois pas très excitant comme perspective.
Globalement, l’émergence d’un alpha player est complètement autorisée. Si quelqu’un maîtrise mieux les règles à table, il est bien probable qu’il prenne le lead.
À ce sujet, les règles comportent de très nombreux détails qui rendent leur assimilation compliquée, même pour des joueurs aguerris. Il y a sans cesse des retours à la FAQ. Il vaut mieux être très à l’aise avec l’anglais (et un anglais plutôt littéraire, disons-le !). Pour éviter de relire les règles à chaque fois et de galérer à l’installation. Si vous commencez une campagne, tenez-vous y régulièrement. Plus vous attendez entre des épisodes, plus c’est dur de s’y replonger (à moins que vous ayez plus de mémoire que moi, ce qui est très probablement le cas).
Nous l’avons dit, les jets de dés sont si nombreux qu’ils pourront décourager les esprits aimant stratégiser, calculer, anticiper, contrôler. Ici, l’aléatoire incarne le couperet des dieux impérieux, le hachoir cruel du destin, l’Opinel de la fatalité, la Laguiole de la Fortune, bref. Il faut jouer avec.
La direction artistique est partie un peu trop dans tous les sens à mon goût. Il y a d’un côté, le core set, avec des héros plutôt sobres, bien incarnés, peu sexualisés, et des peintures assez torturées, un tout cohérent qui colle bien avec cet univers gore, imprévisible, sauvage, tel que je veux bien me le figurer.
Et puis il y a le reste. En soi, je n’ai rien contre les pin-up, mâles ou femelles, ni contre le manga soft porn, mais dans KD:M je trouve que ça nous coupe complètement de cet univers tribal et cru, pourtant si méticuleusement construit par ailleurs. Cela sonne au final à mes oreilles comme un hors-sujet un peu piteux, comme si, malgré tous ses efforts, l’auteur avait douté de son sujet et qu’il fallait insuffler du sexy moderne et accessible pour que les joueurs soient aguichés et suivent la direction du pledge.
Dans KD:M tout ce qui se rapporte à nos codes contemporains m’ennuie, même si c’est sous couvert d’humour. Comme dirait l’empereur, ils pourrissent mon groove. Je dois être trop role-play, mais j’ai pas envie de clin d’oeil à la Saint Valentin quand je joue un survivant qui ne sait pas parler. Que les joueurs partent en délire, mille fois oui, mais pendant ce temps, le jeu, lui, doit être le garant d’un peu de cohérence, du cadre dans lequel on prendra nos aises.
Et maintenant la question à 2 € que vous attendez tous.
KD:M ou Gloomhaven ?
Puisque les deux sont des projets KS ambitieux et fructueux ayant fait du bruit à la même époque, on est facilement tentés de les mettre face à face.
J’admets volontiers que je conseillerais bien plus facilement Gloomhaven. Il est à mon sens plus épuré, certainement plus contrôlable, plus accessible, plus léger à sauvegarder et à mettre en place (l’aspect campagne est plus plat aussi), tout en offrant un prix d’entrée vraiment plus abordable (parce que jouer à un grand jeu ne devrait pas forcément vous pousser à mettre vos organes sur le marché noir, c’est mon avis et je le partage). Les mains des joueurs de Gloomhaven sont toutes riches de choix tactiques, tandis que celles de KD:M peuvent parfois être désemparées. L’un est nettement plus grand public que l’autre, sans même parler de l’univers… De plus Gloomhaven va arriver en français fin 2019, tandis que l’anglais de KD:M n’est vraiment pas simple.
L’envergure qui se dégage de Kingdom Death est sans commune mesure. Ce n’est pas un jeu qui autorise une “petite partie de temps en temps”. On joue la campagne sur 25 ans, ou rien (1 année = les 3 phases) et rien que le montage des fig vous prendra quelques soirées. Gloomhaven développe une histoire générale, mais le palpitant du jeu est plus cérébral (gestion de main), tandis que KD:M est plus viscéral. En d’autres termes, l’un tire vers l’école ameristrash, tandis que l’autre tend vers l’eurogame.
Un must have ?
Kingdom Death: Monster ne s’adresse définitivement pas à tout le monde. Mais si vous êtes un joueur expérimenté qui déprime devant la masse de jeux copiés-collés (“Ho ! Gros twist : on peut retirer son ouvrier avant de scorer !” “NON ! Vrai ? et ça sert à quoi ?” “Je sais pas, mais personne ne l’avait fait avant !”), si vous recherchez une expérience qui sort des sentiers battus pour découvrir une grande campagne narrative avec des personnages qui vont évoluer et clamser dans d’atroces souffrances, si vous souhaitez vous investir dans quelque chose de fou, de violent et d’imprévisible, avec des combats sans pitié contre des monstres horribles et intelligents, si des dizaines et des dizaines d’heures de jeu et de manutention de figurines ne vous effraient pas, enfin si vous avez quelques billets sous votre lit and you are very good in english, alors vous êtes clairement le bon client.
La force du jeu réside dans ce brossage précis de situations vécues par ces premiers humains qui partagent des occupations pour le moins dangereuses.
Leurs combats, en tant qu’être chétifs formant une petite société malmenée et en recherche de repères, leurs aventures hallucinées ou sordides, rocambolesques ou mémorables, nous marquent, nous touchent, nous font rire. Tout cela pourrait donner lieu à des nouvelles, en tout cas chaque partie à un Just Played.
Là où le capitaine Adam brille, c’est sur ce pari fou de nous ramener à notre condition, celle de l’aube des temps (tout nu, je veux dire, même pas de wifi sérieux), dans une évocation fantasmée, monstrueuse et terrifiante du monde, et nous faire ressentir cette mortalité telle que, peut-être, les premiers Humains la percevaient du haut de leurs jambes poilues.
Le grand plongeon n’est pas simple, il requiert investissement, organisation, compétences, et de fait, son succès laisse interdit. Mais on a désormais la preuve que de savoir s’adresser à un public dit core peut être tout aussi payant que de trouver la recette de l’ultime gameplay passe-partout calibré pour plaire à tous et tenir en une heure. Et quand on voit que des géants comme Asmodee traduisent des jeux « de niche » comme Gloomhaven, tout cela aurait plutôt tendance à me mettre de belle humeur.
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Galuf 24/03/2019
Belle note, a pas oublier aussi que KD:M est surtout fermer par ses createurs, impossible d’avoir une traduction Fan, ou meme de trouver des elements du jeu carte ou autre.
FX 25/03/2019
pourtant y’a pas un fichier imprimable sur Lulu des règles de KDM en français ?
TSR 24/03/2019
Mais quel fieffé talent ! Bravo pour cette écriture aussi viscérale que le jeu. Je suis un peu cramé de GH et j’avoue que l’idée de me remettre à KD:M lors de notre semaine JdS me fait trembler d’émoi à l’avance !
Shanouillette 24/03/2019
Haha merci :)) veinard !
Boumboul 24/03/2019
J’ai hâte !!
TSR 24/03/2019
A noter que les pin-ups aux seins rebondis et aux pies suggestives ne sont qu’a peine liées au jeu. Ces figurines sont dédiées au hobbyistes et ne servent à rien en termes de jeu – elles ne servent pas, jamais. Le jeu lui même est beaucoup moins manga porn que ça.
trode 24/03/2019
Je plussoie l’avertissement, qui n’ai jamais assez répété : ne pas confondre KDM (le jeu), KD (l’univers), et les pinups (figurines et visuels pas canons dans l’univers). Quand on a mis de côté les pin-ups, il reste tout de suite beaucoup moins de choses sexistes et clichées. Certes les corps des survivants et survivantes sont assez sculpturaux, mais rien n’est sexualisé à outrance (pas d’armures féminines à +10 qui consistent en un string à clous par exemple). Et le coup de Valentine’s day est du même goût : de la fig/carte bonus pas du tout canonique avec l’univers (y’a des choses sur Halloween, DBZ, le plus canon dans le genre sera une parodie de Santa : Atnas dans la boîte « bonus » du dernier Kickstarter).
Sinon chouette papier, difficile de résumer ce monstre, qui souffre au final d’être le premier de ce type d’envergure : si les campagnes sur plusieurs parties ne sont plus une excentricité, la courbe de progression des joueurs associée au crafting theory est beaucoup plus proche de ce qu’il se fait actuellement dans le jeu vidéo que dans le jeu de plateau. On passe parfis autant de temps à réfléchir à quelle armure ou arme construire, quel monstre chasser pour avoir les ressources nécessaires, gérer la croissance de sa population et ses innovations, etc … qu’à vraiment tuer les monstres.
Pour moi ce n’est pas un jeu qui appartient à ma ludothèque, c’est un loisir parallèle au jeu de société 😀
Shanouillette 24/03/2019
Merci pour vos retours !
Oui dur, dur, d’écrire sur KDM. L’article est dans les tuyaux depuis des mois et j’ai fini par me décider à le publier…!
Pour les pin up aux seins rebondis : quand je parlais DA je parlais même pas des fig bonus, mais bien des illus qui sont dans le livret de base.
Je trouve dommage qu’on ait trois DA sans cohérence.
1/ un style original et torturé à la eric sabee qui pour moi colle nickel au propos. En clair : On n’est pas là pour flatter la rétine ms pour évoquer un univers glauque et dangereux encore jamais vu. Là c’est très bien.
2/ un style manga (avec quand même, désolée de le dire, beaucoup de gros seins qui débordent de façon un peu gratos) style léger, rigolo-sexy, moderne, « déjà vu » = zéro lien avec le reste de ce qui est proposé dans le jeu.
3/ et un style Fantasy à la paolo parente (avec là aussi des femmes sexy, dans une vision moderne de ce qui est beau, des gros seins qui débordent, des corps galbés, totalement épilés, etc) c’est hors sujet aussi.
Je ne m’attends pas à ce que ces premiers êtres qui sortent de nulle part dans ce monde cru et gore soient montrés ainsi. J’étais prête à voir l’exact contraire en fait. Quelque chose de moins flatteur, de moins facile, de plus sombre et chaotique, de plus subtil aussi (moins montrer, plus évoquer) pour laisser l’imagination faire un peu le travail.
KDM c’est pas une ambiance manga, ni de la fantasy, alors pourquoi se servir de ces codes archi-balisés alors qu’on avait un univers original à développer ? Comme je le mentionnais, je le vois un peu comme un aveu de faiblesse.
Bref : Le fait qu’il n’y ait pas de cohérence entre les trois styles qui se côtoient, qu’un seul style sur les trois me semble bien coller avec le sujet, et le fait que souvent les femmes sont représentées comme ça (voir ci-dessus pour les exemples manga et fantasy du livret de base), me font dire que moué, je suis pas super fan du travail dans son ensemble (sans même parler des « cartes ou fig bonus »).
FX 25/03/2019
La DA reste importante, c’est ce qui m’avait fait craquer pour Hand of Fate : Ordeals, le design est cohérent de bout en bout.
LTH 25/03/2019
Pour les arts, ils sont globalement assez magnifique. dans le jeu on découvre le lore petit à petit. c’est vrai qu’il y a des différences d’arts, par contre oui il y a d’énormes clin d’oeils à l’univers manga hunter x hunter, bersek, … et pour l’auteur la dark fantasy, manga et jeux vidéos sont les principales sources.
pour les filles à gros sein, certes. mais il a aussi fait des pinup mâle. donc on peut reprocher les deux mains pas l’un sans l’autre. et comme dit par d’autres, c’est du fan service hobiste effectivement trop sexualisé.
je pense que la grande force c’est la qualité d’écriture, l’atmosphere fort qui emmane du jeu. là ou un Gloomhaven est ultra classique voir même assez pauvre en naratif, osons le dire GH c’est assez plat. il y a un bon mode campagne, un bon systeme de combat, mais côté aventure et narratif c’est juste ok.
en terme de jeux d’aventure, c’est l’un des seuls avec une histoire réele. peut être Folklore aussi. sinon c’est pauvre. il y a un gros aspect crafting, et moi j’y retouve du Robinson crusoe. une gros ameritrash avec un gros aspect gestion. une IA assez exceptionnelle.
sinon très bon article.
je place KD:M très au dessus de GH. par contre je recommanderais ni l’un ni l’autre pour un joueur plutôt débutant dans le genre. les deux sont très long. je conseillerais de commencer par autre chose. et pour KDM de tester avant. faut être capable de pas s’accrocher à un héros. ici ça meurt plein de fois 🙂
Shanouillette 27/03/2019
Merci du commentaire !
.
Pour l’artwork, moi j’aime vraiment beaucoup un des styles (sur les 3) qui retransmet l’ambiance crue, incertaine, sauvage du jeu parfaitement, je trouve dommage qu’on ait pas que ça.
(Et je parle bien du matos de base, pas des pin up qui sont en bonus. Du coup on a des gros seins un peu partout mais on a trois pin up mâles dans les bonus pour compenser, c’est un peu deux points deux mesures amha…mais bon bref)
.
Je suis bien d’accord avec toi, GH, côté narratif, est en dessous, on ne peut pas s’approprier les héros et leurs aventures comme ds KDM qui se rapproche vraiment du jdr là-dessus. <3 (après, comme je le disais dans l’article comparer l’un et l’autre c’est un peu la question à 2€ hein ! lol mais je comprends qu’on puisse me la poser aussi…)
krile 24/03/2019
Très bon article, mais qui peut être trompeur sur certains aspects.
Je pense notamment au fait qu’il suffit de peindre 5 figurines pour commencer à jouer (et dérouler une ou deux sessions de jeu). A savoir 4 survivants et le lion blanc. Peu de jeu de cette ampleur permettent une telle approche.
Et, de façon générale, c’est une vraie force de KDM de proposer uniquement des combats à 4 contre un, chaque combat étant unique, original et mortel.
Si on met cela en regard de Gloomhaven, je trouve pour ma part les combats de KDM infiniment plus intéressants.
Shanouillette 24/03/2019
Merci du retour !
Pour les fig, il ne suffit pas de les peindre, il faut les monter d’abord ! pour moi, c’est déjà une grosse marche.
Et si on peut certainement commencer à jouer avec 5 figs, c’est un peu dommage d’acheter un jeu à 400€ si on s’arrête là, mieux vaut savoir où on met les pieds. (donc le côté « trompeur » je ne sais pas pour qui..?). Le nombre de grappes peut être intimidant, et certaines fig sont vraiment pas faciles à monter pour quelqu’un qui n’a pas l’habitude de l’exercice. (j’ai vu des personnes pour qui c’était clairement rédhibitoire et je le conçois.)
Oui les dynamique entre KDM et GH sont très différentes, et l’investissement est pas le même non plus. Dans KDM tu as le frisson du « je peux mourir à chaque instant » c’est surtout cette sensation de danger permanent qui me semble assez unique, avec son côté « jeu de rôle générationnel ». Dans GH, le fun est autre, c’est de l’optimisation de pouvoirs entre les joueurs, comment gérer ta tactique en équipe face à des ennemis divers.
LeRefuseur 24/03/2019
Excellent article. La preuve, je l’ai lu attentivement alors que le jeu ne m’intéresse pas.
Shanouillette 25/03/2019
haha ! merci beaucoup LeRefuseur. C’est un très joli compliment j’avoue.
Kurgy 25/03/2019
Les articles en français sur KD:M sont trop rares pour ne pas remercier Shanouillette. C’est d’autant plus intéressant que tu poses les bonnes questions et que tu prends la distance nécessaire avec cet OLNI. Je rejoins largement ton avis. Pour revenir sur la DA, difficile de dire si, le jeu se voulant adulte, le glissement s’est fait un peu trop vite ou si c’est une démarche volontaire pour ratisser plus large. Je comprends que ça puisse gêner mais, personnellement, j’ai pris le parti de penser que Poots voulait un jeu extrême et qu’il a donc appliqué sa démarche très largement: impressionnant, exigeant, frustrant, terrifiant, écœurant, provocant, etc. On sera attiré par certains points, repoussé par d’autres. Je crois que c’est un peu le but de l’auteur de bouger les lignes et de nous mettre en face de nos limites. Ce n’est clairement pas un jeu conventionnel mais je trouve qu’il s’agit d’un des projets les plus ambitieux de tous les temps dans l’univers des jeux de plateaux. La créativité déployée pour créer le monde de KD et le jeu KD:M doit être saluée.
Shanouillette 25/03/2019
En effet, je pense qu’il a voulu bouger les lignes, et l’ambition mise en oeuvre ici est sans commune mesure. je n’ose imaginer le temps pour concevoir un jeu pareil. Merci bcp pour ton commentaire !
TheGoodTheBadAndTheMeeple 25/03/2019
Tres bon article pour un jeu que je n’aurai jamais le temps de jouer. Mais j’aime beaucoup l’univers glauque.
La DA me fait penser a Berserk (en papier). Et c’est ainsi que j’aimerais le voir. Mais Berserk aussi a explose en sexe/gore a un moment du manga. Dommage 🙂
Kurgy 25/03/2019
Tu fais bien de penser à Berserk, c’est une des inspirations déclarées de l’auteur, avec d’ailleurs quelques clins d’œil (dont une figurine de Guts).
Luckynuke 26/03/2019
Excellent article, merci ! Comme dit plus haut, il n’y a pas beaucoup d’articles de fond en français sur KDM, et moi qui ai mis le nez dedans depuis peu, je me retrouve totalement dans ce que tu dis, y compris la DA inégale et les pinups (heureusement optionnelles) qui cassent un peu le trip. La comparaison avec Monster Hunter est très bien vue, et pour la phase de colonies je comparerai le jeu à la gestion de domaine dans le jeu Darkest Dungeon, ou encore la gestion de base de xcom (le jv). Ce jeu a clairement des défauts, mais il m’obsède, tant au niveau gameplay que pour le modélisme (je suis un peu maso, je me suis lancé dans la magnetisation des survivants, qui rend les figs totalement modulables). En tout cas, moi qui galérai à décrire le jeu à mes amis joueurs, j’utiliserai ton article désormais !
Shanouillette 27/03/2019
Haha oui la magnestisation là je m’incline !! Merci du retour !
Caracole 26/03/2019
Très bon article. Lorsque le jeu sera 80€ sur okkazeo, je vous dirai ce que j’en pense.
Stef Dame 26/03/2019
le seul jeu ou tu peu dire » hier , j’ai tuer un lion en lui arrachant les burnes … avec les dents !!
Shanouillette 27/03/2019
haha ! true dat!
stu37 27/03/2019
Jeu super immersif, magnifique, unique et … je l’ai vendu 🙂
Je ne peux que recommander la revue de Shut up and sit down (si vous comprenez l’anglais) avant un achat…
Le gameplay aurait pu être plus clean – Carte + Notes + Livre + Tokens + Des = c’est partout & tout le temps!
Probablement plus facile pour 3/4 joueurs de gérer sinon, pour moi, ca vire vite a la migraine.
Shanouillette 27/03/2019
Oui c’est chaud, j’avoue. Il y a un amas de choses à gérer qui fait qu’il est clairement pas simple à manutentionner, à ingurgiter, à installer, etc. Il faut s’investir vraiment à fond dedans pour passer au-delà de cette (haute) marche.
Telgar Sandseeker 03/01/2020
Très bonne présentation. Il faut clairement séparé le jeu lui-même de l’univers sur le contenu manga / soft porn. J’ai l’impression d’ailleurs que ça nuit plus au jeu que ça ne lui profite. Très important aussi de souligner que le centre du jeu restent les figurines. On mentionnera ensuite aussi la très grande rejouabilité, et la mécanique du jeu qui permet d’introduire pas mal de nouveaux monstres avec leur propres caracteristiques. La partie « Showdown » est clairement le centre du jeu. Je suis d’accord que la partie Chasse gagnerait à être un peu développé, mais elle varie selon chaque monstre choisi pour la chasse, et selon le niveau du monstre. Donc la aussi, pas mal de variations, sur une mécanique peut-être un peu simple. Vraiment bon article, les critiques sur ce jeu s’arretent souvent sur 1) le prix, et 2) l’univers tres sexué. On peut préciser que la boite de base permet déjà trèèès largement de jouer et de rejouer, avec un contenu de ouf tant en terme de quantité que qualité, que ne proposent pas tous les jeux : https://shop.kingdomdeath.com/collections/in-stock/products/kingdom-death-monster-1-5
Shanouillette 06/01/2020
Merci beaucoup ! ça va bientôt faire un an que l’article est publié, le jeu lui ne sort plus, c’est surtout la faute à mon job et ma casquette de jury de l’as d’or qui m’oblige à jouer à tout ce qui sort, plus de temps pour les grosses campagnes mais ça manque. On y joue plus, mais on continue de parler de lui et de raconter des moments épiques vécus y a deux ans. ça en dit long.
hkz 21/01/2020
Merci pour l’article, j’avais du mal à comprendre l’ensemble du jeu. Je me demandais, si on achète la version 1.5, on peut commencer à jouer où il s’agit juste d’une « upgrade » de la version de base ? J’essaye de comprendre la logique du « 1.5 ».
Ça donne envie, bien que, rien que l’idée de trouver des joueurs motivés à commencer une campagne sur plusieurs mois, fiou !
ritchi 26/07/2020
C’est un must pour moi, jeu à part et pas si difficile au niveau des règles une fois assimilées. Concernant une version VF fan made des règles , une a été faite mais il n’y a pas de réimpression prévue pour le moment. Et contrairement à ce que je lis, certaines cartes ont été traduites en VF et sont disponibles en cherchant bien