Le JDR Solo ? Et pourquoi pas !
Colis mystère…
J’ai reçu récemment un colis mystère : un membre de l’équipe de Ludovox m’avait écrit pour me dire que Neoludis allait m’envoyer un colis, mais qu’ils n’en savaient pas plus…
Et quelle surprise quand j’ai ouvert le colis :
J’y ai retrouvé deux livres de JDR solo.
J’ai beaucoup apprécié le geste, parce que j’avais parlé de l’un de ces jeux dans ma chronique du mois d’avril, et j’avais évoqué ma curiosité à cette occasion. Merci à Neoludis et aux Fondations de l’Imaginaire !
Mélodie pour un meurtre
Je me suis plongée dans Mélodie pour un meurtre en premier. L’exercice est un peu déconcertant au début : mais comment on joue, concrètement à un jdr solo ? En tout cas le pitch est prometteur : le joueur incarne un pianiste de jazz qui découvre qu’il est immunisé contre le toucher de la Faucheuse. Il va mener pour Elle des enquêtes surnaturelles au nom du Département des Morts non Autorisées…
Et le principe est malin : le joueur va jeter les dés sur des tables référencées dans le livre, et va s’inventer toute une histoire autour des informations, des indices ou des rencontres qu’il va trouver sur le chemin de son enquête.
L’aventure commence bien sûr par la création de son personnage : le joueur ou la joueuse va lui choisir un nom, ses actions préférées et ses talents. La feuille de perso est sympa, d’ailleurs.
Ensuite à chaque nouvelle partie nous allons tirer un dé sur la table des noms des victimes. Le but de l’aventure et d’élucider le mystère de cette mort avant le lever du soleil.
Plusieurs modes de jeu sont proposés pour mener l’enquête, avec des niveaux de difficulté différents. J’ai choisi le mode défi, qui se situe au milieu. Ce mode propose de créer chaque scène à partir d’un Défi.
Les « Défis » sont de type Communication, Déplacement, Force, Finesse et Discernement. Pour affiner la scène, le joueur peut utiliser la table des « Motifs » qui apporte des détails, comme des motivations (Se cacher), des descripteurs (Agité), des atmosphères (Pensive), et d’autres (mais je ne veux pas vous spolier !) selon le besoin de la scène en cours. Les défis sont suffisamment précis pour orienter une idée tout en laissant une part à l’imagination. Par exemple : « Empêcher un témoin important de votre enquête d’être kidnappé. »
Pour chaque défi, il faudra choisir le type d’action (Communication, Déplacement, etc) avec laquelle tenter de résoudre le Défi. On lance un dé et le résultat indique si tout s’est passé comme prévu ou non. Cela permet alors de préciser comment s’est déroulée cette action.
Le système de jeu prévoit aussi des talents, surnaturels forcément, associés aux actions, comme « Parler aux esprits », « Impacter les auras » ou « Toucher fantôme » par exemple. Ces talents s’activent avec des « Notes bleues », une puissance chargée d’émotion.
Chaque étape de l’enquête doit permettre de trouver des informations sur la victime et sa mort, les liens avec d’autres éléments de l’enquête (PNJ, événements…) ainsi que l’Entité mortelle et son mobile. L’idée est de pouvoir avoir une compréhension profonde des différentes découvertes afin d’en avertir la Faucheuse. Et c’est en avançant dans l’aventure que nous allons inventer toutes ces réponses.
Le côté aléatoire des tables est un véritable coup de pouce pour l’inspiration. Chaque nouveau tirage fait réfléchir à une nouvelle possibilité.
Il n’y a pas de réponse établie, il nous revient de trouver nos réponses, et d’ailleurs, d’en trouver également les questions !
Mon histoire a tourné autour d’une malédiction antique et d’une secte étrange… J’avoue, je me suis bien amusée !
Conclusion sur Mélodie pour un meurtre
Mélodie pour un meurtre est donc le premier JDR en solo que j’ai expérimenté, et je dois dire que l’expérience m’a plu. Plus que ce à quoi je m’attendais.
Il ne s’agit effectivement pas d’un énième livre dont vous êtes le héros, mais bien d’un jeu de rôle dans le sens où on trouve une progression, des traits, des forces et des faiblesses, des antagonistes, et surtout, une histoire qu’on se raconte à soi-même. Les différentes tables sont généreuses, nombreuses et variées, promettant ainsi une belle rejouabilité.
Cependant, certains aspects, propres au jdr à plusieurs, comme les interactions entre personnages, les interprétations immersives et surtout la partie improvisation, ne sont pas au rendez-vous. Et cela pose la question : qu’est-ce que le jdr finalement ? Est-ce que le fait d’être à plusieurs n’est pas dans son essence, est-ce une hérésie de parler d’un jdr où l’on joue seul·e ? Le débat est très large, et je ne vais pas m’y aventurer plus. Mais je pense que l’on peut qualifier ces pratiques de « variante » de jdr.
Le petit plus de ce jeu en particulier, c’est qu’à la fin de la partie on va donner une note à chaque nouvelle étape de l’enquête : par exemple la découverte de l’identité de la victime (pas juste son nom) sera associée à un ton (Do, Ré, Mi,…).
Les notes seront réunies en accord, et, à la fin de la partie, le joueur pourra jouer cette petite mélodie sur un piano virtuel, dont le lien est donné via un QR Code. Sympa !
Regard sur D666
Jetons un œil sur ce deuxième jeu solo. Le pitch est sympa aussi, et plutôt original : on incarne un démon qui va créer son domaine infernal, dans le but de faire ses preuves auprès de Belzébuth !
Le joueur ou la joueuse va explorer des salles et y construire des machines infernales (avec beaucoup d’humour : Banc à chatouilles et Sauce Piquante, par exemple) pour y assigner des âmes capturés lors des phases de rencontre et grâce aux matériaux trouvés au fur et à mesure de l’exploration.
La partie est gagnée si l’on arrive à 25 âmes tourmentées, et est perdue si le démon n’a plus de réputation.
Ma première partie a été frustrante : j’avais bien compris le gameplay, mais je n’avais pas réussi à me créer une histoire autour. En fait, dans ce jeu, on est moins accompagné, probablement s’adresse-t-il à un public plus habitué.
Voyant néanmoins le potentiel, je voulais l’essayer à nouveau.
J’avais commencé entre temps à lire un peu ce qui se dit à propos du JDR Solo sur le net, et je suis tombée sur la notion de « Journaling Games ». Il s’agit de consigner dans un journal les aventures que l’on se raconte dans un jeu solo, comme un journal intime dont nous serions le héros.
C’est ce mécanisme qui s’est mis en place malgré moi lors de ma deuxième partie : j’ai tenu le journal de ce démon au fur et à mesure de mon aventure.
Je vous livre un petit extrait (c’est la fin de ma partie) :
« Alors que j’ouvre la porte d’une grande pièce, un serpent à plumes me saute dessus ! J’ai bien envie de lui arracher son arme, elle pourrait m’aider pour la suite de mon exploration. Il a l’air quand même sacrément balaise… je flippe un peu mais je n’en montre rien, et je fais discrètement appel au Malin pour un petit coup de main, en espérant que je n’y perde pas toute ma réputation, si durement acquise ! (-1 point de Réputation) argh ! Le serpent esquive mon coup et me met par terre, et c’est tellement la honte que je préfère démissionner plutôt que de me faire virer ! J’espère que je toucherais Enfer Travail ! »
Pour dessiner mon Donjon, j’ai utilisé un petit logiciel de graphisme (Figma). En fait, j’ai carrément créer une page avec les différentes salles et couloirs, puis j’ai créé une page pour mon donjon, dans laquelle j’ai mis à chaque fois le noms des machines et le nombre d’âmes qui y étaient enfermées.
Niveau gameplay, le principe est le même : les lancers de dés sur les différentes tables invitent à inventer une histoire petit à petit.
J’ai passé un très bon moment sur ce jeu aussi au final.
Conclusion sur D666
Une idée vraiment excellente. On s’amuse bien, même s’il manque peut-être un peu de variété au niveau des tables proposées.
Le petit côté gestion des matériaux et l’humour en général apportent une bouffée d’air frais agréable. Je pense cependant qu’il n’est pas vraiment accessible aux grands débutants.
Alors, le JDR Solo ?
Et bien je dois avouer que j’ai été conquise par le concept ! C’est une sacrée expérience, qui est franchement agréable une fois que les principes ont été assimilés. Un petit moment hors du temps, en tête-à-tête avec soi-même, et cela fait du bien, alors pourquoi s’en priver ?
S’il y a tout un débat autour du fait qu’il s’agisse vraiment de JDR ou pas, à mon humble avis il est question avant tout d’une expérience à part, différente et chouette, émanant du hobby, quelle que soit l’étiquette qu’on lui attache. C’est une pratique créative qui stimule l’imagination et nous donne les rênes d’une aventure à vivre rien que pour soi.
Pour vous lancer, je vous recommande d’abord Mélodie pour un meurtre, qui me semble plus accessible que D666.
Je vous souhaite de bonnes parties ! 🙂
Antony 01/07/2024
Je reçois très prochainement Mélodie pour un meurtre. Merci beaucoup pour cet article qui m’en a présenté davantage et me donne encore plus envie de me plonger dans l’expérience ! Vraiment hâte 🙂