La Communauté de l’Anneau : Le jeu de plis coopératif – Se mettre à la page ou au pli
La Communauté de l’Anneau est un de mes livres d’enfance. Un de ceux qui vous marque, car il conjure un imaginaire un peu fou (à l’époque), fourmillant de détails, une aventure que l’on sent démesurée et pourtant si tangible. Quelques (beaucoup, ok, laissez-moi me bercer d’illusions) années plus tard, hop, voici venir un jeu de plis coopératif à la The Crew : Le Seigneur des Anneaux, La Communauté de l’Anneau – Le jeu de plis coopératif. Titre inspiré s’il en est (bon, ok, non). Ben, pourquoi pas ?

Un anniversaire
La Commu (actualisons et abrégeons le titre absurdement long pour des raisons de copyright) se constitue de dix-huit chapitres, autant de missions à jouer successivement. De petites règles arrivent petit à petit, jouent une partie avant de disparaître, ou restent plus longtemps. Mais une base reste sensiblement identique.
Dans la Commu, vous jouez des personnages qui sont autant de missions, Frodon étant joué dans une majorité de chapitres. Les personnages autour s’articulent, créent de la variance et ajustent la difficulté, mais peuvent aussi introduire de nouvelles règles.
Pour la base, eh bien prenez un jeu de plis “must-follow” (comprenez là que vous devez suivre la couleur annoncée si vous le pouvez) avec un paquet de 41 cartes : 4 familles allant de 1 à 8 représentant les pérégrinations de la commu (Colline, Montagne, Ombre et Forêt), et une représentant l’Anneau, allant de 1 à 5. Attention, ces cartes ne sont pas un atout… sauf la 1 d’anneau. L’anneau unique, quoi. Qui peut choisir d’être tout puissant (atout) ou invisible (tout nul), en gros.

Vous distribuez toutes les cartes sauf une, la carte perdue, et la personne ayant l’Anneau prend Frodon. Pour le reste, les joueurs choisissent chacun un personnage et chacun applique son effet de mise en place. Échange de cartes avec certains joueurs, cartes supplémentaires, révélations à faire aux autres joueurs, le panel est large. Et ensuite vous jouez votre levée. Ah, détail… Impossible d’ouvrir à Anneau avant qu’un anneau, quel qu’il soit, ait été défaussé.
Voilà. Vous avez la base. Maintenant, foin de communications, il va falloir faire avec les seules indications données par les personnages. Vous êtes certains que Frodon a l’anneau unique, et, pour le reste, chacun prend la mission qui lui semble la plus réalisable – certes, il faut apprendre à lire son jeu, à communiquer ses intentions via des ouvertures ou des défausses appuyées. Mais les pouvoirs d’échange permettent aussi de créer de l’échange d’information et de la cohésion entre les joueurs, puisqu’ils peuvent réparer un jeu dysfonctionnel, transférer une carte clé (souvent vers Frodon, tiens tiens). L’ensemble ludique s’avère à la fois éloquent et fluide, surtout grâce à une entrée en matière douce.
La pérégrination vers l’Est
Le voyage de La Commu est vraiment simple, au début. Peut-être trop simple ? En tout cas, vous allez vous bercer d’un sentiment de fausse sécurité avant de buter contre des obstacles. Parfois, des missions seront exagérément simples (faire le moins de plis possible, faire au moins trois plis, etc.) quand d’autres s’avèrent plus techniques. Par exemple, Frodon doit avoir un nombre de cartes Anneau bien précis. (Attention à ce sujet, une erreur s’est glissée dans le premier tirage : à trois joueurs, Frodon doit avoir 4 cartes Anneau ou plus, et non deux ou plus.)
Les chapitres s’enchaînent dans l’insouciance jusqu’à ce que des pics de difficulté apparaissent, parfois arbitraires (car difficiles à surmonter, un tant soit peu aléatoires) pour redescendre ensuite. Une courbe de difficulté avec quelques petits pics permet de maintenir l’attention et pousse à aller plus loin.

Difficile de ne pas voir la thématique diffusée dans ces missions-personnage : entre ceux qui ne jouent pas toute la partie parce qu’on les abandonne, les menaces qui apparaissent comme autant de Nazgûls, la forêt qui s’anime soudain sous les pas des hobbits… On se laisse volontiers emporter par le petit train-train épique de l’aventure, en reconnaissant des passages emblématiques de l’œuvre-source, tant dans les petites cartes narratives qui accompagnent cahin-caha l’aventure que dans les personnages rencontrés et joués, ce que raconte leur mission, et même ce que signifie un pli (Pippin le stupide qui ne veut pas en remporter…). Lorsqu’on lit le journal de développement de l’auteur, on perçoit bien l’amour pour la source, retranscrit dans un jeu qui se souhaite fidèle. Le tout servi avec une direction artistique dont on peut parler, avec des illustrations de style vitrail d’Elaine Ryan, sous la direction de Samuel Shimota. Ces visuels, frais dans le monde du jeu de société, sont bien loin des standards de la fantasy guerrière qui pullule dans l’ameritrash. On est ici dans un monde plus doux, plus délicat, plus lumineux, loin de la crasse des Uruk-Haï ou des brumes cruelles et froides des films de Peter Jackson.

J’ai mal à mon français
Par contre, points noirs en ce qui concerne la carte de Frodon, qui a subi un malencontreux problème de copier-coller pas attrapé qui rend les parties à trois triviales pour le porteur de l’anneau. Erreur visiblement aussi présente dans la version allemande. À cela s’ajoute une traduction d’extraits narratifs vraiment vieillie et très questionnable, probablement issue de la première édition des livres (et ce bien qu’aucun des deux traducteurs du Seigneur des Anneaux ne soit crédité). Ces extraits sont une bonne représentation de la vallée de l’étrange que peut fournir une traduction a minima mauvaise, a maxima vieillie : le texte accroche à la lecture. Dommage de n’avoir pas considéré ces extraits sous le jour du plaisir de jeu et de son accessibilité, d’autant que deux traducteurs et un relecteur sont crédités. Je sais d’expérience que les circonstances de travail sont assez déterminantes vis-à-vis de la qualité d’une traduction, mais c’est vraiment, vraiment faible dans ce cas. Assez pour faire rouler des yeux à chaque carte ; l’effort d’adaptation est juste insuffisant et fait passer les textes pour des rédactions naïves vis-à-vis des standards d’aujourd’hui.
Escale à Fondcombe
Au final, ce jeu de plis coopératif joue la carte de l’accessibilité plus qu’autre chose. Grâce à une intégration discrète mais fonctionnelle du thème dans ses mécanismes, il propose une aventure très sympa (textes narratifs exceptés), avec une première marche franchissable pour tout un chacun. Et cela fait une belle porte d’entrée pour la coopération comme pour le pli.
Maintenant, quid de la comparaison à un The Crew ? Eh bien au risque de froisser ma nostalgie enfantine, je crois que je préfère The Crew, qui a le mérite de présenter des situations immédiatement plus tendues, des puzzles bien plus agressifs de prime abord : les six ou sept premières parties de la Commu se font sans vraiment de tension avant d’augmenter la difficulté par pics un peu arbitraires. Ceci est pour autant lié à mon profil de joueur (je joue beaucoup, et beaucoup de jeux de plis). Mais sans l’avoir (encore) joué en famille, je sais que La Commu y fera un tabac.
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Morlockbob 06/02/2025
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