JDR : Genesys et Terrinoth, le combo efficace
Genesys, le jeu de rôle des univers infinis est un jeu de rôle générique, qui se veut universel : il est conçu pour fonctionner avec tout type d’univers. Il est basé sur le Narrative Dice System (comme avec le jeu Star Wars de 2012), dont le système a été optimisé pour être utilisé avec n’importe quel cadre d’univers. Publié en 2017 par Fantasy Flight Games, la version française de Edge Studio arrive en 2022, après de nombreuses péripéties (pandémie, rachat…). L’autre particularité de Genesys, c’est qu’en plus d’être un JDR, nous avons affaire à une mine d’inspiration pour ceux et celles qui veulent créer leur propre JDR.
Genesys a obtenu le prix rôliste du meilleur système de jeu en 2022 et a une plutôt bonne réputation auprès des joueurs qui le trouvent globalement fluide et pratique (pas de gros calculs), souple (on peut en faire ce que l’on veut avec les règles), mais déplorent souvent l’absence d’arbres de talents. La version française a été beaucoup attendue par la communauté.
Terrinoth est pour sa part un supplément univers de type médiéval fantastique créé spécialement pour le JDR Genesys. C’est à ma connaissance le seul supplément d’univers sorti en français actuellement.
C’est ce combo que je vous présente aujourd’hui.
Comme toujours lors de mes articles critiques de JDR, la première section a été écrite avant la première partie jouée.
Premières lectures, découvertes et attentes
Genesys, le livre de règles : un système narratif complexe
Le livre de règles présente comme il se doit les mécaniques de jeu : les caractéristiques ou les talents, comment faire un test opposé, comment structurer les rencontres sociales, gérer un combat ou l’encombrement… Et une création générique de personnage.
L’ouvrage est très dense et complet. Avec ses pages banches, il pourrait apparaître assez austère. C’est vrai qu’on a l’impression de lire un… manuel. Mais cela n’empêche pas que la lecture reste agréable.
Les exemples proposés sont très techniques et précis. Grace, qui tente de courir avec la boîte dans les mains, a un seuil d’encombrement de 7 (5 plus sa Vigueur de 2). La valeur d’encombrement de la boîte est de 5. Grace transporte aussi une pelle et son pistolet (valeurs d’encombrement respectives de 3 et 2) de sorte qu’elle dépasse son seuil de 3 points. Elle perd sa manœuvre gratuite… Ils sont vraiment bienvenus car tout n’est pas toujours limpide. On y trouve très peu d’aspects rôleplay.
Des encadrés justifient certains choix, comme par exemple le fait de ne pas faire le compte des munitions, qui alourdirait le jeu. Pour les mêmes raisons, le système ne pousse pas aux jets de dés, et rappelle que l’important demeure la narration : « l’aventure et le récit priment » peut-on lire.

Pour ce qui est de la présentation du gameplay, elle s’effectue dans un ordre qui invite à bien comprendre tous les tenants et aboutissants. On peut cependant être un peu perdu avec les symboles des dés dans les explications (c’est lequel celui-là déjà ?!) et le nombre de dés différents est également déroutant.

Les tests de compétence s’appuient sur différents dés à lancer, en partant d’une base liée aux caractéristiques du perso, base à laquelle on va pouvoir ajouter d’autres dés, en modifier ou encore en retirer. Le but est de ne pas avoir que des résultats de type succès/échec, mais bien de pouvoir les nuancer, avec des faces avantages et menaces sur certains dés, voire des triomphes et des désastres.
Cela va par exemple provoquer une arme qui s’enraye avec un test réussi ou une info récupérée malgré l’échec au test opposé, ce genre de choses. Les aspects positifs peuvent être choisis par le PJ et les autres le sont par le MJ. Des exemples sont données sur l’écran du MJ. C’est cool.
Le système prévoit aussi des règles pour des tests concurrentiels, des tests assistés, la gestion du stress, le fait que les PJ peuvent s’entraider, l’usage de Points Narratifs, et bien sûr les combats.
Cette première partie, les règles, est très mécanique, riche, mais globalement bien faite. Les infos sur le système entrent au fur et à mesure. Cela reste plaisant à lire et donne une idée du type de scénarios qui seront joués. Il y a pas mal d’exemples pour expliquer un concept, par type d’univers, ce qui est très appréciable.
D’ailleurs, une partie est entièrement dédiée aux différents univers qui peuvent fonctionner avec ce système : Fantasy, Steampunk, Guerre Uchronique, Monde Contemporain, Science-fiction, Space Opéra. Je me suis moins attardée sur cette partie car j’ai la chance d’avoir un livre supplément d’univers, et c’est de celui-ci dont je vais vous parler maintenant.
Le livre d’univers Terrinoth : une ambiance et des promesses
Le livre sur l’univers de Terrinoth est beau et invite agréablement à la lecture. Les illustrations, la mise en page et les polices utilisées concourent à offrir une belle ambiance, et même une immersion quasi immédiate. Les textes sont simples et clairs, parfois racontés par un personnage de l’univers.

Terrinoth se dépeint comme un univers médiéval fantastique traditionnel (mais pas inintéressant à mon sens même si je sais que certains lui reprochent d’être trop classique), avec des races connues comme les elfes, les nains ou les orcs, mais aussi des originalités comme les félis (des créatures agiles et félines). Il faut savoir qu’il s’agit d’un univers qui existait avant le JDR : il a été imaginé par FFG pour offrir un univers commun à ses jeux au thème fantasy comme Rune Age, Runebound, on le retrouve aussi dans les Runewars (jeu de plateau – excellent au passage, et jeu de figurines) mais encore dans le jeu Descent.

Après de nombreux cycles de guerres (appelés Âges des Ténèbres), et la destruction presque entière des civilisations humaines, naines et elfiques, Terrinoth a été épargnée pendant un moment et a connu une paix provisoire. 500 ans plus tard, les dragons brûlent des cités entières et laissent les royaumes dévastés.
Dans cet univers, la magie est puissante, ancestrale, dangereuse. Le monde va mal, et a besoin de héros courageux pour le sauver…
En plus d’introduire un univers assez complet, avec son histoire, ses peuples, sa cosmogonie et ses différentes cultures, l’ouvrage apporte aussi de nouvelles espèces, de nouvelles carrières, compétences et talents, ainsi que de nouvelles règle (sur des nouvelles compétences et aspects magiques, le combat monté, par exemple).
Après une première séance de jeu…
Nous avons effectué la création de personnage, puis joué un premier scénario dans la foulée. J’avais au préalable envoyé à mes futurs PJ un topo sur l’univers, une présentation rapide des races jouables et des carrières disponibles.
Je trouve que le système de création des personnage est très bien conçu : cela a été plaisant parce qu’assez fluide au final, même s’il fallait jongler entre les deux livres pour suivre le fil.

Un personnage est donc défini par une race et une carrière, mais aussi des caractéristiques, des compétences et des talents notamment. Les joueurs et joueuses ont un montant de point d’XP à dépenser pour peaufiner ces scores et par exemple se spécialiser. Cela laisse un peu de liberté, qui est appréciable.
Un aspect qui m’a semblé très bien vu, c’est l’idée de Motivation : Les PJ vont avoir un désir, une peur, une force et un défaut qui vont leur coller à la peau. Nous avons décidé de le faire de manière aléatoire ; les résultats étaient très intéressants et les joueuses ont pu s’appuyer dessus par la suite pour incarner leur personnage.
Pour cette première session de jeu, j’ai choisi de prendre un scénario existant que j’ai trouvé gratuitement sur le site de l’éditeur. Plus simple pour commencer. Et d’ailleurs, si vous souhaitez initier à Genesys/Terrinoth, je vous invite à regarder ce scénario d’intro, je pense qu’il est même adapté à des MJ débutants, étant donné qu’il est très guidé.
J’avais des PJ débutants à ma table, et seulement deux heures de temps de jeu devant moi.
J’ai très vite simplifier le système, que j’avais trouvé un peu lourd à la lecture, en l’allégeant. Je gardais donc cette idée de nuancer les réussites et les échecs par des aspects secondaires positifs et négatifs dans les deux cas (qui est au cœur du jeu, on est bien !). Je leur ai aussi fait lancer moins de dés, pour ne pas les perdre. Ainsi, je ne leur ai fait faire que des tests de compétence simples : pas de tests opposés ou assistés, par exemple. Je pense que je pourrais les intégrer à la prochaine partie.
J’ai évité tous les aspects trop mécaniques des jets de dés (du style améliorer un dé, en retirer un à l’adversaire…). J’ai gardé à chaque fois une approche narrative : « En montant sur le toit tu as trouvé tel indice (réussite du test) mais tu as glissé et tu es tombé, tu as pris une blessure (dés de menaces) »
Les tableaux sur l’écran qui listent ou plutôt proposent ce qui se passe en cas d’avantages, de menaces, de triomphes et autres, sont une super aide pour les débutants, parce qu’il y a des réponses narratives qui aident le MJ à interpréter les effets secondaires en fonction du nombre de tels résultats. Ce que je voulais dire en parlant d’alléger, c’est aussi que je n’ai pas consulté ces différents tableaux, j’ai répondu aux jets à l’inspiration en fonction de la situation et des résultats.
Aure aspect intéressant d’un point de vue narration collective : les règles prévoient que les joueurs eux-mêmes décrivent ce qu’il se passe dans le cadre d’un avantage ; je pense mettre cela en place dans une prochaine séance de jeu.
Notre partie s’est au final bien déroulée, cependant nous n’avons pas eu l’opportunité de jouer un combat. Mes joueurs ont eu envie d’y retourner, c’est bon signe !
Mais Genesys ça n’est pas qu’un système générique : c’est aussi une véritable boite à outils pour MJ. Nous y venons.
L’aspect Boite à outils
Ce qui est vraiment cool avec le système de Genesys, c’est qu’il est personnalisable. C’est la troisième partie du livre : la boite à outils propose des règles facultatives, de quoi créer des éléments de mécaniques, mais aussi des conseils pour élaborer des aventures et mettre en place des ambiances spécifiques.
Le livre propose ainsi des règles facultatives que l’on peut incérer dans le système, ou pas. Par exemple, le fait d’ajouter des emplacements sur des objets pour les améliorer, des idées pour la magie, les types de sorts et les effets supplémentaires, ou encore des règles sur les véhicules (maniabilité, vitesse, blindage, seuil de stress mécanique, combats de véhicules… trop cool !). On y découvre aussi des règles et conseils pour mettre en place du piratage informatique, avec de nouvelles actions (accéder au système, contourner un système de sécurité…)
Chacune de ses règles facultatives sont développées sur plusieurs pages, avec des détails concrets, des exemples et des tableaux. Je trouve que cela guide vraiment le lecteur et lui apporte toutes les notions dont il a besoin pour les mettre en place à sa façon, avec des alternatives proposées à chaque fois.
La création des éléments est très intéressante. On nous propose de créer nos propres compétences, archétypes de personnage, talent, objet et adversaire. Tout est très bien expliqué, avec des conseils mais aussi des mises en garde par rapport à l’équilibre du jeu. Et rien n’est imposé : on cueille au choix.
Le chapitre « élaborer des aventures » nous permet de comprendre les tenants et aboutissants d’une péripétie. Du concept de départ à la construction des rencontres en passant par les objectifs et les scènes, tout est là pour nous guider de manière très simple et efficace dans cette création narrative.
Toute cette partie du livre de Genesys est une très belle source d’inspiration pour créer son propre système. Cela ne couvrira pas absolument tout, mais peut déjà beaucoup aider pour la création technique de son JDR. Je sais personnellement qu’il va beaucoup m’aider pour le mien 🙂
Mon verdict
Le duo Genesys / Terrinoth fonctionne très bien. Le système de création de perso est particulièrement cool. Les mécaniques sont bien pensées, même si sûrement trop compliquées pour des débutants. Après l’idée étant aussi de se l’approprier, le contrat est donc rempli, selon moi. L’univers de Terrinoth est vraiment agréable et plaisant à jouer bien qu’un peu générique il est vrai. Je suppose qu’il est plus compliqué d’utiliser le système sans avoir un supplément univers à côté, à moins bien sûr d’avoir son propre univers 😉 Et c’est aussi là que c’est intéressant : pouvoir adapter le système à notre univers, voire créer son propre système… Genesys apporte tout cela. Du bel ouvrage !






