Intrigue : TOUS POURRIS !
Voilà un jeu qui fait l’unanimité, pas forcément sur l’affection qu’on lui porte, mais sur les petits noms d’oiseaux dont on l’affuble dès que l’on en parle : Un jeu d’en-bip, de bip, de coups pourris, de s…-bip, re-bip et biiiiiiiiiiiip. Au moins, là, il met tout le monde d’accord. Si vous entendez ça, vous le saurez, on parle probablement de la ré-édition de Intrigue de Stefan Dorra.
Pour info, les versions précédentes ressemblaient à ça…
L’illustration de la boîte en 1994 résume bien le thème du jeu !
En 2005, toujours l’argent, et un matériel assez austère :
La nouvelle édition, signée Igari, fait la part belle aux châteaux :
Elle remet un coup de peinture là où il en manquait, change les châteaux en plateaux rigides plutôt qu’en cartes à assembler, et conserve tout le reste. La boîte est un vrai modèle d’édition : format qui correspond à ce qu’elle contient, rangement bien adapté aux jetons et aux plateaux, matériel de bonne qualité, rien à redire, du bon travail.
Le coeur du jeu… C’est justement de ne pas en avoir, de coeur. Vous allez passer votre temps à envoyer vos conseillers prendre les meilleures places dans les châteaux voisins. La meilleure place est celle qui rapporte le plus (elles valent entre 1 000 et 10 000 ducats). Vous vous doutez que tout le monde veut la plus grosse part du gâteau car à la fin, le plus riche sera le gagnant.
Intrigue est un jeu de biiiip où il faut promettre des choses et ne pas tenir ses promesses, où il faut corrompre, où il faut verser des pots-de-vin et où il faut trahir. Bref, totalement immoral. Je vais enfin pouvoir mesurer mon degré de méchanceté !
Etes-vous prêts ? Vous allez vous faire des amis ! Ou pas.
VISITE DU CHATEAU : Suivez le guide…
Nous n’avons pas besoin de beaucoup de matériel pour développer nos bas instincts, la preuve, s’il en fallait. Le jeu étant conçu pour 5 joueurs maximum, nous aurons 1 château (x5) et 8 conseillers (x5) (chimistes/écrivains/médecins/religieux) par couleurs (soit 40 jetons). Et des sous, sinon, comment négocier ?!
La mise en place, tout comme la règle, est assez simple.
Un château, 8 conseillers, 3 200 ducats.
Le jeu se déroule en 3 phases. Au début de tour le joueur touche ses revenus pour chacun de ses conseillers dans chaque château adverse. Ce sont ses points de victoire, mais aussi sa monnaie d’échange. Comme je le disais, la quantité d’argent dépendra des emplacements, allant de 1 000 à 10 000 ducats.
Ensuite, il s’occupe des conseillers adverses désirant prendre place dans son propre château. Là, ça ce complique.
Les 4 types de conseillers (x2) : écrivain, médecin, religieux, chimiste.
Oui, ça se complique car « on entre pas ici comme dans un moulin » (Marquis de Cervantes).
Il ne peut y avoir qu’un conseiller par emplacement par château.
Tous les conseillers doivent être différents. Sinon il y a conflit (voir ci-dessous).
Si un type de conseiller n’est pas présent, le châtelain a obligation de l’accueillir s’il peut le loger. Bref, la nuit est offerte. Le châtelain choisit la chambre. Il peut négocier, bien sûr, sur la qualité de la chambre.
LES CONFLITS
Il y a deux sortes de conflits : Externe et interne. On peut tout à fait avoir à gérer les deux dans le même tour.
- Conflit externe :
Deux conseillers du même type se présentent au château. Il ne peut en rester qu’un… (tiens, ça me rappelle quelque chose…). Promesse, chantage, don, intimidation… Tout est envisageable afin d’être celui qui rentre.
- Conflit interne :
Un conseiller identique à un conseiller déjà en place se présente au château. Là aussi, il ne peut y en avoir qu’un. Lequel virer ?
À noter que lorsqu’un conseiller est refusé, ou viré, il part (en exil ?) sur l’île du fond de la boîte. Et ne reviendra plus !
- Conflit externe et interne
Fin de tour : Après avoir accueilli/expulser les conseillers adverses chez vous, c’est à vous d’entrer dans les châteaux adverses en présentant deux conseillers. Voilà donc l’heure de toutes les bassesses et promesses : « je te donne 4 000 ducats… », « je te réserve la chambre à 6 000 si tu viens, mais tu ne me vires pas au prochain tour », « t’es un Biiiip, tu me l’avais promise ! », « je te donne 5 000 si tu vires le chimiste ! »…
On rappelle que vous faites ce que vous voulez dans votre château. On vous propose 5 000 ducats pour être placé dans la chambre à 10 000 ? Vous pouvez prendre l’argent et exiler le demandeur une fois la monnaie dans votre poche. Attention au retour de bâton ! Choisissez vos adversaires avec soin.
On se promène, on se place, on se menace, on s’insulte (régulièrement), on pleurniche… Tout est bon pour gratter des sous. Hélas, cette bonne ambiance de franche camaraderie ne peut durer 🙂 Au bout du cinquième tour et quelques conseillers en moins, c’est la fin de la partie, et l’heure de compter ses sous. Et de pleurer ses conseillers disparus.
BILAN… COMPTABLE
Intrigue est un excellent jeu, j’ai par contre du mal à comprendre son succès unanime, tant il n’est pas fait pour tout le monde, et n’est pas franchement fédérateur ! C’est un jeu de requins, voire un jeu violent où la lutte est âpre. Là où Shérif de Nottingham (distribué chez Iello) permet une certaine souplesse (ça peut être méchant mais il s’offre avec un certain enrobage), Intrigue est brut de fonderie. Il faut être à la fois subtil pour conserver ses places, mais assassin pour torpiller celui qui prend un peu trop d’importance.
Intigue est un jeu à plusieurs niveaux qui réagit un peu comme un party game, l’ambiance doit beaucoup aux participants. Il est difficile de décrire une partie car, suivant le public attablé, tout peut basculer. En mode Bisounours (on s’arrange au mieux, on s’excuse, on ne ment pas) la partie peut être carrément morne. En mode Requin (on hurle, on se trahit, on fait pression), cela peut devenir explosif, voire dangereux pour vos amitiés ;). Et disons-le, le mélange des deux ne fonctionne pas terrible, les uns se faisant évidemment manger rapidement par les autres…
Malgré tout cet aspect négociation, il ne faut pas omettre un autre pan important de ce jeu : l’observation et la gestion de ses conseillers.
Généralement les deux premiers tours sont des tours de placement, et il ne faut pas en faire n’importe quoi. C’est là qu’on peut choisir un allié avec qui on tentera un accord de non-agression pour se faire une petite cagnotte, ou se focaliser sur un ennemi (on ne peut pas être ami avec tout le monde et avoir un ennemi affiché permet de rassurer les autres, par exemple). Les trois derniers tours sont plus tendus et les exils tombent.
Il est évidemment primordial de regarder où se placent les conseillers adverses. On peut ainsi, en ayant conservé le bon corps de métier, se placer, gratuitement dans un château, et/ou ne pas se battre pour une place qu’on sait perdue d’avance.
Verdict : Intrigue est un excellent jeu, plus fin qu’on pourrait le croire (sur la gestion des conseillers, et la psychologie des joueurs). Seuls les plus retors s’en sortiront, pas de doute là-dessus.
À la fin de la partie, il n’est pas rare d’entendre certains joueurs affirmer que c’est la dernière fois qu’ils jouent à ce truc, qu’ils ont passé la partie à se faire rouler dessus… Moi même, je me demande bien avec qui je pourrai sortir ce jeu la prochaine fois ! Je crois que mes amis sont trop gentils…
Intrigue,
Un jeu de Stefan Dorra
Illustré par Clément Masson, Ian Parovel
Edité par Igiari
Distribué par Gigamic
Langue et traductions : Français
Date de sortie : 02-2016
De 3 à 5 joueurs
A partir de 12 ans
Durée moyenne d’une partie : 45 minutes
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sony69 29/07/2016
On aime le ressortir de temps en temps. Il ne faut pas jouer avec les mêmes personnes.
Une fois, le délire du jeu a été étouffé…Au moment de lancer des enchères pour une place a 10000, personne n’a voulu participer. Ambiance…