Héros de Terrinoth, ce qui vous attend dans l’ombre
Héros de Terrinoth (2018) est un jeu de Adam Sadler et Brady Sadler, illustré par Sebastian Koziner, édité par FFG et distribué par Asmodee, qui fut conçu sur la base d’un précédent titre des mêmes auteurs, Warhammer Quest sorti en 2015 (à l’époque où FFG avaient la licence Warhammer ), titre qui n’est plus édité.
Le décor de Terrinoth est l’univers original de FFG, celui de Runewars, de Descent ou encore de Runebound. C’est un univers med-fan très traditionnel, un monde de magie, mais aussi de violences, de grandeurs et de décadence. Les héros, charismatiques et bien équipés, partent en quête d’aventures et de gloire, alors que des ennemis terrifiants, humanoïdes ou monstrueux, sont toujours prêts à en découdre pour les empêcher d’atteindre leurs objectifs.
Héros de Terrinoth est quant à lui un coopératif, autrement dit les joueurs doivent œuvrer ensemble pour gagner contre le jeu, sinon, ils perdent tous ensemble. Ces joueurs, au nombre de 1 à 4, vont commencer par choisir chacun un personnage (le but étant d’être complémentaire). Après quoi on va se mettre d’accord sur le scénario qui va être joué (notez qu’il est tout à fait possible de commencer par choisir le scénario et les personnages en fonction). On installera ensuite le set-up du scénario en question : certains ennemis, lieux, événements, objets, etc, seront de la partie.
Comment ça fonctionne ?
Le scénario vous permet de mettre en place la pile des ennemis, de celle des lieux et de celle des cartes explorations (des objets ou des événements). On y trouve aussi l’aspect narratif du scénario : background, textes en cas de victoire ou de défaite.
Les ennemis ont un nom, un niveau de difficulté, ils infligent un certain nombre de dégâts et ont des Points de vie (PV). Ils peuvent être engagés avec un héros ou être « dans les ombres » (c’est une zone du jeu). Ils ont aussi une barre d’effets (avec des mots-clés) qui seront déclenchés de gauche à droite quand ils seront activés, lors de la phase des ennemis. Les Gobelins, par exemple, ne sont pas hyper forts, mais compensent cette faiblesse par leur nombre.
Les lieux ont également un nom et un niveau de difficulté. Lorsqu’ils arrivent en jeu, ces cartes indiquent un nombre d’ennemis devant être engagés avec des aventuriers, et un nombre d’ennemis « dans les ombres ». Pour progresser dans le scénario, il faudra explorer ces différents lieux, un par un, jusqu’au dernier. Ici, dans notre quête des Gobelins, nous allons débuter à l’Auberge, un lieu assez accueillant où l’on peut se soigner, mais ensuite il faudra traverser la Forêt Obscure, qui pourra générer des ennemis ou des malus (empoisonnement).
De l’autre côté du miroir scénario
L’autre face de la carte de scénario permet de gérer la progression de la quête des héros. Une quête peut impliquer de vaincre un ennemi puissant tout en explorant des lieux (comme nous l’avons vu), ou de posséder un certain objet à la fin de la partie, ou encore d’autres circonstances que je n’évoquerais pas, pour ne pas vous gâcher la découverte !
Sur cette fiche, on trouve notamment une indication qui explique la particularité de gameplay du scénario. Par exemple, avec « Le Problème Gobelin » : « Lorsque le groupe voyage vers le denier Lieu, si Splig se trouve dans son Repaire, générez Splig dans les ombres. » Splig étant notre cible principale, il se cache dans le dernier lieu à explorer.
En-dessous se situe la piste de péril. À chaque phase de Péril du tour de jeu, un marqueur avance sur cette piste. Chaque étape est d’une certaine couleur, et pour chacune de ces couleurs, sous la piste de péril on découvre un texte d’ambiance et un événement particulier.
Ce système qui se veut narratif est plutôt intéressant, et même original, on progresse de manière un peu différente des jeux coopératifs à scénarios habituels. On sait à l’avance quels événements arriveront dans les prochains tours ce qui nous permet de nous préparer.
Cela accentue l’aspect narratif, plutôt présent dans le jeu (les scénarios ont tous un prélude qui pose le contexte), mais aussi l’immersion renforcée notamment par un matériel richement illustré, mais aussi grâce aux choix de vocabulaire et de l’iconographie. Bien sûr, le fait de jouer chacun un personnage particulier renforce cette impression. Justement, avant d’aller plus loin, parlons des héros que les joueurs vont pouvoir choisir et incarner.
Les Héros de Terrinoth
Chaque héros fait partie d’une classe, nommée « archétype » dans le jeu, a aussi un nom, une capacité personnelle, ainsi qu’un nombre de PV maximum. Les archétypes disponibles restent très typiques du med-fan, avec :
- Guérisseur : permet de soigner les blessures, les siennes et celles des coéquipiers, et de se défendre plus habilement ;
- Mage : celui-ci va jouer sur le fait d’incliner des cartes pour avoir des effets supplémentaires ;
- Éclaireur : idéal pour aller pister les ennemis et partir scruter les salles ;
- Guerrier : frappe plus fort mais sait aussi attaquer plusieurs ennemis à la fois.
Une des belles idées du jeu vient du fait que chaque héros dispose de deux sets de cartes. Le premier, ce sont les cartes de base, les cartes « Activation », qui permettent notamment d’attaquer, d’explorer, de soutenir ou de se reposer. Chaque archétype possède ces 4 types de cartes, mais avec des variations, correspondant à l’archétype du héros : par exemple le guerrier qui attaque pourra cibler deux ennemis, alors que le guérisseur gagnera un pion succès (chacun de ces pions dépensés ajoutent un succès au résultat de l’action).
Le deuxième set sont les cartes Activation « avancées » Il s’agit d’une version améliorée des cartes de base, il est toujours question d’attaque, de soutien, de repos ou d’exploration, mais en beaucoup plus puissant. C’est intéressant, d’autant que se sentir spécialisé rajoute à notre sentiment d’incarnation.
Mais là où c’est encore plus malin, c’est que dans ce set nous aurons deux voies, qui ont chacune leur 4 cartes, et on ne peut en choisir qu’une ! Si on améliore nos cartes, on devra en effet puiser à la même source à chaque fois, c’est donc un dilemme fort et plutôt original.
Le Mage pourra par exemple se spécialiser pour devenir Géomancien (et penchera du côté des pouvoirs du guerrier) ou devenir Maître des runes (il se rapproche plus d’un éclaireur), etc. Ce sont certains moments de la piste de Péril qui permettent d’améliorer une carte ; en général on pourra améliorer deux cartes dans une partie. Autrement dit, c’est un choix qui peut s’avérer assez savoureux.
Faisons le tour
Le tour de jeu se déroule en plusieurs phases :
► Les coups des Héros
À ce moment-là, les joueurs vont choisir ce que feront leur personnage. Pour effectuer une action, on va incliner la carte Activation correspondante et suivre les instructions sur la carte. Bien souvent, il s’agira de lancer un certain nombre de dés, plus un autre effet. Le joueur devra aussi ajouter un dé noir par ennemi engagé avec lui. Cela risque de lui causer quelques dommages. C’est un système qui oblige à penser à quel moment on va engager des ennemis ou non. Cela fait monter la pression, comme si le héros était accablé par les ennemis et donc quelque part mis en difficulté pour accomplir ses actions, ce qui ajoute encore à la bonne immersion. Bien sûr, une fois une carte activée et donc inclinée, on ne pourra plus l’utiliser. Il faudra jouer la carte Repos pour ce faire. Certes, très classique, mais néanmoins efficace.
Si la carte d’attaque permet d’infliger des dégâts aux ennemis, le soutien fait gagner des pions succès à un allié (coopération coopération) et le fait redresser une/des carte(s). L’exploration génère des pions Progression sur le lieu et permet de piocher une/des carte(s) du paquet contenant des objets (jouable à tout moment) et des événements (à appliquer de suite), et enfin, le Repos permet de soigner les blessures et de redresser ses cartes Activation.
► Le retour de bâton
C’est ensuite aux ennemis de répliquer. Sur cette phase, tous les ennemis qui sont redressés vont s’activer, en commençant par ceux engagés avec les joueurs, puis ceux qui sont dans « les ombres ».
Quand ils s’activent, les ennemis suivent leur barre d’effets en les résolvant un par un et complètement, avant de passer au suivant. Cela peut donner des enchaînements comme un sorcier qui nous maudit, puis part en retraite, ou un gobelin qui s’avance vers le joueur le plus fort, le frappe et se replie, etc. Cette IA donne un peu de vie aux ennemis, ce qui est plutôt bien senti. Chaque type d’ennemi a des effets différents, certains vont empoisonner les joueurs, leur faire incliner des cartes, leur infliger des états…
Après quoi vient le moment où le Péril progresse sur la piste du même nom, comme expliqué plus haut. On résout alors l’événement correspondant.
► Fais ta valise
Et pour finir, le groupe peut « voyager » s’il le lieu a complètement été exploré (on a sur la carte autant de pions Progression que la valeur d’Exploration du lieu). Si c’est le cas, on va défausser tous les pions Progression, mais aussi retirer tous les ennemis présents dans les Ombres, puis ajouter un nouveau lieu (et générer de nouveaux ennemis). C’est aussi le moment où l’on peut changer de Chef de Groupe : il s’agit notamment du premier joueur, celui qui est également « prioritaire » pour subir certains effets le cas échéant. Quand le groupe ne peut pas voyager par manque de pions Progression, on applique l’effet du lieu, puis on procède aux effets qui ont cours à la fin du round. Si les conditions de victoire ou de défaite ne sont pas remplies, on rejoue un tour. À la fin de la partie, en cas de victoire ou de défaite, un dénouement à lire vient clore la session de jeu de manière assez agréable (on peut même dire que cela donne envie d’y retourner).
Héros de Terrinoth : Verdict !
Héros de Terrinoth s’avère pour moi un très bon coopératif, globalement accessible et fun. On y trouve des idées bien mises en jeu (les cartes d’activation avancées, la piste de péril), mais aussi des aspects classiques (néanmoins toujours efficaces). L’aspect narratif est vraiment bienvenu et l’immersion est plutôt bien menée, même si on y trouve rien que du med-fan très habituel côté narration.
Niveau rejouabilité, on est assez bien servis, d’autant qu’on aura envie de refaire les quêtes (il y en a 8 dans la boite de base, la première est vraiment un tutoriel, mais d’autres quêtes ne sont clairement pas des promenades de santé !) avec des personnages et/ou des stratégies différentes. Ce qui est dommage, c’est peut-être le fait que le jeu ne propose pas de mode campagne, qui permettrait d’enchaîner les quêtes et de voir progresser les personnages. Warhammer avait une campagne, ici, tout est compressé dans le développement d’un seul scénario. La progression est donc plus rapide. Le tout a le mérite de s’adapter à n’importe quelle configuration (1-4 joueurs). L’esprit de Terrinoth est d’opter pour des one shots que l’on peut rejouer, de manière différente à chaque fois, ce qui est plutôt réussi comme je le disais, même si des extensions seront sans doute bienvenues au bout d’un moment. La difficulté « puzzle game » est peut-être moins corsée que sur le Warhammer, le tout se veut plus accessible et moins intimidant qu’un Seigneur des Anneaux JCE par exemple, même s’il n’a sans doute pas l’avantage d’une licence aussi forte et fédératrice.
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Groule 23/02/2020
Merci pour ce chouette article ! C’est en effet un jeu accessible, mais j’ai un problème avec le one shot. Pour ceux comme moi qui ont connu l’excellent Warhammer Quest le jeu de cartes (qui est donc quasiment le même jeu comme tu l’expliques), l’aspect campagne manque ici vraiment trop.
Tout est en place pour faire un superbe jeu d’aventures épiques dans lequel on voit évoluer nos personnages, mais non. Les designers ont préféré étaler la progression des personnages sur une seule partie plutôt qu’une campagne (un choix qui se défend, pas de souci). Cela donne l’impression qu’à peine l’eau nous vient à la bouche, le rideau se ferme. C’est un peu réfractaire pour moi.
Peut être qu’une extension viendra apporter le mode campagne ? On peut toujours rêver 😉
ppascal 25/02/2020
bonjour,
deux questions: pour quoi l intérêt sur ce jeux qui a été a mes yeux abandonnés par edge du fait qu il n y a pas eu de suite pour le moment ? est ce que vous auriez eu vent d une suite à venir ?
merci pour votre job.