Heroes of Land, Air & Sea, le 4X funky
Mon Sha-Man a complètement craqué pendant le dernier KS de Heroes of Land, Air & Sea (bon, j’admets de bonne grâce ne pas être totalement innocente dans cette affaire-là) bilan, on se retrouve avec trois grosses de boîtes pleines de promesses que nous avons eu plusieurs fois l’occasion de mettre à l’épreuve. Franchement imposant le lot avec « Order and Chaos » et « Pestilence » ! Une fois n’est pas coutume de la part de Scott Almes, responsable de la belle success-story des Tiny Epic, il a manifestement ici crée sans se restreindre. Si j’ai plus ou moins apprécié les diverses itérations de sa longue mais néanmoins « petite » série (constituée de Galaxies, Kingdoms, Quest, Western, Defenders, Zombies, Mechs qui arrive très bientôt et Tactics arrive un peu plus tard), j’avoue que c’est lorsqu’il sort de son sentier malin mais par trop cartésien du « Tiny » calibre que j’apprécie enfin totalement l’éclat de son game design. Peut-être pas parfait, mais fort entraînant !
Du 4x pur grain ma bonne dame
Même s’il n’était plus étriqué par son format poche, l’auteur s’est manifestement imposé quelques lignes, entre autres, une condition de fin dès plus élégantes qui soit pour un jeu d’inspiration 4X. Faut-il le rappeler à votre bon souvenir, un 4X est un jeu qui est constitué de 4 grands axes : eXplore, eXploit, eXpand, et eXterminate (on vous en parlait dans le dernier À quoi tu joues avec notre partie de Twilight Imperium, 4e empereur de sa génération). Heroes of Land, Air & Sea propose donc 4 chemins de victoire, qui sont, limpidement, soit avoir « exploré » totalement le plateau (retourner tous les jetons exploration), soit s’être « étendu » en déployant toutes nos unités, soit avoir « exploité » les divers terrains en ayant construit nos 3 tours, soit « exterminer » en ayant détruit la capitale d’un adversaire.
Une des choses que j’ai aimé trouver dans ce jeu, c’est qu’il embrasse pleinement sa nature d’ameritrash moderne. Alors, si ce n’est pas votre tasse de thé, prenez-en votre parti. Mais si vous en avez assez de ces jeux control freak qui nécessitent toujours de tout calculer, tout contrôler, tout optimiser, tout min-maxer et que vous voulez une expérience un peu plus élastique, un peu plus sociale, un peu plus peps, paf, wiz, boom, tout en offrant son lot de choix tactiques et stratégiques, arrêtez-vous un instant.
Si l’auteur choisit un fonctionnement multi-factoriels (plein d’effets cumulables provenant des unités, des factions, des bâtiments, des sorts, des cartes…) et potentiellement imprévisible (petit côté chifoumi avec les cartes) sur les combats pour retranscrire les sensations d’une véritable prise de risque, il nous montre qu’il connait ses classiques en citant Puerto Rico sur son système d’actions épuré, actions que l’on peut « suivre », nous permettant de jouer en dehors de notre tour (comme dans d’autres Tiny de ses jeux également). Vous pourrez en effet consacrer des unités à la même action que le joueur actif, mais arbitrez et mesurez bien votre tempo, car en faisant cela elles ne pourront pas aller sur le terrain ce tour-ci…! Cette dynamique (on ne sait pas ce que va jouer le joueur actif et il faudra choisir si on suit ou pas au débotté) sans parler du fait que l’on va devoir successivement récolter des ressources, construire des bâtiments et produire des unités, tout cela, rappelle un peu la notion de « micromanagement » chère aux RTS (« jeu de stratégie en temps réel » façon Dune II), où Gamelyn pioche ostensiblement son inspiration ici avec bonheur.
Les Orcs naissent libres et égaux en droit
Il est à noter que chaque peuple commence la partie de manière symétrique avec les mêmes types d’unités, statistiques et capacités mais que leur plateau individuel va rapidement permettre de débloquer des héros, des capacités, des unités et des bâtiments qui vont changer la donne du tout au tout et infléchir plus que fortement la stratégie des joueurs.
Via la construction de chaque bâtiment, on débloque à la fois une nouvelle unité (bateau ou vaisseau volant) ou un des 3 héros de chaque peuple, en plus d’apporter une nouvelle capacité active ou passive unique à la race. L’augmentation du niveau de notre capitale (de 1 à 3) va se croiser de manière cumulative avec nos bâtiments et héros pour débloquer des effets supplémentaires.
On se retrouve rapidement autour de la table avec des stratégies marquées de Nains qui s’installent dans les montagnes et se renforcent en mode défensif, des Humains qui sautent dans des vaisseaux pour explorer, des Orcs qui attaquent de manière agressive, d’Elfes capables d’étoffer leurs options tactiques via la magie ou encore de Gobelins qui vont se multiplier sur le plateau à vitesse grand V et user de stratégies suicidaires explosives.
Cours vite !
Chose intéressante qui ressort après 5 sessions : les parties « normales », j’entends par là en dehors de l’approche découverte où chacun reste dans son coin (ce qui n’est vraiment pas l’esprit du jeu !), prennent la forme d’une course de rapidité pour atteindre des objectifs en entravant le développement des autres, et on ne débloque jamais tous les bâtiments et toutes les unités de son peuple à chaque partie.
De ce fait, même en jouant le même peuple, il va falloir choisir quelques axes de développement au départ et ajuster en cours de partie, donnant une certaine rejouabilité mais surtout une bonne courbe d’apprentissage car il faudra bien connaître ses adversaires et comprendre leurs choix tactiques de développement pour espérer l’emporter.
Par exemple, les stratégies visant à débloquer rapidement les vaisseaux aériens ou maritimes pour obtenir une mobilité accrue ne donnent généralement pas les meilleurs effets « utilitaires » ou « économiques », on va donc généralement le choisir pour une approche agressive contre un joueur. Mais un certain nombre de races possèdent des héros qui peuvent contrer très violemment cette stratégie, du genre le canonnier chez les Nains qui va les « canonner » à distance ou le Capitaine humain qui peut carrément voler les vaisseaux adverses pour les retourner contre vous. Ça pique.
D’autres races comme les Gobelins ont une capacité incroyable de multiplication et de déplacement au détriment de leur capacité à défendre des zones. Il faudra les stopper au plus vite si on veut éviter une fin de partie prématurée. Ces mêmes Gobs peuvent en faire baver aux puissants en allant littéralement se faire exploser sur leurs plus grosses armées ou héros isolés sans même chercher à remporter la bataille.
Earth, wind and… FIRE
Un des vrais plaisirs de ce jeu est d’avoir réussi à produire ce genre de sensations assez fines de « stratégies / contre-stratégies » sans surcouches de règles et en esquivant l’écueil de la brouette de dés hasardeuse qui peut frustrer pas mal de joueurs. La seule vraie grosse inconnue de chaque bataille étant les sorts de magie que pourraient éventuellement avoir en main et qui risquerait de retourner l’issue du combat.
On en arrive à planifier une attaque ou la mise en place d’une position défensive en listant les scénarios possibles de manière assez claire à l’avance, du genre : « Bon, elle lui reste tant de ressources et telles unités & héros, elle pourra jouer telle ou telle carte de combat et elle a l’air d’avoir assez de mana pour lancer un sort. De mon côté, je peux soit choisir la sécurité avec un coût élevé ou en sacrifiant quelques unités, ou prendre un peu de risque pour l’aplatir ou l’empêcher de fuir. Si j’ai un contre sort dans ma main et le mana qui va bien, ça va bien se passer. »
Le seul autre élément laissé au hasard et qui peut faire bramer un peu les joueurs, surtout en début de partie, se cache dans ces jetons exploration que l’on va retourner via l’action éponyme. Là, tout peut arriver, un petit accélérateur de ressources comme un buisson de ronces qui fait saigner les mollets. Soit, bon joueur, on accepte de bon cœur ces aléas de la vie, soit, plus pragmatique, on part chercher une petite variante sur BGG. De fait, certains joueurs préfèrent retirer totalement les jetons explorations négatifs du jeu, pour éviter que ça couine, ne laissant pour tous que des petits boosts bienveillants. D’autres ont trié les jetons par catégorie afin de distribuer à chaque joueur le même ratio d’effets positifs et négatifs. Pourquoi pas !
Loin des yeux, près du poing
Le programme reste d’avoir un max de points de victoire, ce qui rassurera les amateurs des eurogames s’il en est. On en gagnera grâce à nos constructions, nos unités déployées, nos sorts, nos régions sous contrôle. Dans Heroes of Land, Air & Sea tous les côtés du plateau se rejoignent, façon Wiz War, vous n’êtes jamais loin de vos amis et si vous laissez votre capitale pour aller vadrouiller, attention à vos arrières ! J’adore cette façon de réduire les distances et de maintenir une pression permanente sur tout le monde.
À votre tour, vous choisissez où vous placez votre pion d’action sur votre plateau personnel. C’est le tableau de bord d’où vous dirigez votre stratégie : générer des unités simples ou avancées (vive les bateaux et les vaisseaux 3D qui claquent au vent !), aller chercher des cartes sorts pour booster vos options, récolter des taxes pour gagner un des trois types de ressources du jeu, voilà pour les actions capitales. Déplacer vos unités ou lancer des sorts sont les actions dites de commandement. Bref, nous sommes avec un ensemble de règles pas hyper minces, mais plutôt intuitifs, imbriquées et thématiques. Et puis l’immersion heroic fantasy joue à plein si vous êtes sensible à ces univers-là, grâce à un matériel solide, florissant, flamboyant, voire un brin baroque. Aux manettes de cette DA, une petite équipe constituée de Chad Hoverter (Mice and Mystics...), Adam P. McIver (Ex libris…), Ian Rosenthaler (Tiny Epic Defenders…), et Benjamin Shulman (présent sur pas mal de Tiny Epic) un quatuor que l’on retrouve sur l’entièreté de la trilogie, assurant une belle cohérence à l’ensemble.
Au menu des races donc, Humains, Nains, Orcs, Elfes (du grand standard pour la boîte de base), Hommes-lions, Morts-Vivants, Hommes-Lézards, Gobelins avec l’extension Ordre & Chaos, puis Pestilence apporte deux nouvelles factions plus originales (le peuple des airs et le peuple des mers) plus un plateau qui vient se superposer avec le plateau de base, pour donner le « continent flottant », sans oublier une plaque plastique qui crée le « continent englouti ». Bref, avec tout ce petit monde, on peut jouer à 7 joueurs. Autant dire qu’on ne sait pas si les 30 minutes par joueur annoncées vont forcément être vérifiables dans une si ambitieuse configuration, mais la proposition à la mérite d’être (à jouer avec des joueurs déjà familiers du titre, sinon sur une config à trois joueurs pour la découverte on est bien).
Final thoughts
Bilan, pledger était une bonne idée ! Si vous aimez l’idée de jouer à un RTS sur plateau (vous avez passé du temps sur Warcraft III ?), et que vous ne craignez pas l’anglais, passez voir ce qu’il se passe par ici. La première partie ne sera peut-être pas super efficiente, mais restera une expérience plaisante, prenante et plutôt fluide malgré tout, surtout pour du gros 4X. Puis, plus vous jouerez, plus vous verrez se dessiner les meilleures stratégies à expérimenter. Avec une présence à la table qui ne laisse pas indifférent, Heroes of Land, Air & Sea propose même un mode solo. Résultat, on espère que Scott Almes aura de nouveau envie de sortir de ses Tiny un de ces jours !
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