Hegemony: Lead Your Class To Victory, la science politico-ludique
Hegemony: Lead Your Class To Victory actuellement en financement participatif, est un sacré pari : chacun·e va le temps d’une partie jouer, la classe ouvrière, la classe moyenne, les capitalistes, et même l’Etat, et ce dans une forte asymétrie. Le but du jeu étant de marquer le plus de points de victoire au cours des cinq rondes de jeu. Chaque faction, chaque rôle, aura sa manière de les gagner. On ne peut s’empêcher de penser à Root, un corpus de règles commun, mais des règles personnelles.
Hegemony (son petit nom, si vous nous permettez) est une création commune de Vangelis Bagiartakis et Varnavas Timotheou dans un projet dirigé par un nouvel éditeur nommé Hegemonic Project. Le jeu sera livré avec un fascicule de 44 pages nommé Concept, rédigé par des universitaires qui ont pris part à la réalisation du jeu. Vous pouvez d’ailleurs lire leur impressionnant CV sur le site de l’éditeur.
Vu le plébiscite (il reste 8 jours de campagne et déjà 8690 personnes se sont engagés dans le projet au moment où ces lignes sont relues) sur Kickstarter on peut dire que c’est un succès. Mais, pour autant, le pari ludique est-il gagné ? Est-ce que l’ambitieuse proposition fonctionne en jeu ? C’est ce que nous allons voir puisque nous avons pu l’éprouver dans une partie à quatre joueurs, à mon sens la configuration idéale.
D’une certaine façon, cet Hegemony m’a fait penser à Crisis (tiens, encore des auteurs grecs), probablement à cause du thème mais aussi par son interaction forte, même si dans Crisis nous ne sommes que d’un côté du spectre (les entreprises). Dans Hegemony, chaque protagoniste, ici chaque classe sociale, va essayer de tirer la couverture à soi, tandis que chaque action aura un impact sur les autres.
La classe ouvrière va se battre pour avoir de meilleures considérations salariales, la classe dirigeante (les capitalistes) va créer des entreprises et les faire prospérer, mais elle a besoin pour cela de mains d’œuvre, mais aussi des cadres qui sont apportés par la classe moyenne, qui aura aussi la capacité de créer des entreprises. Quant à l’État, il suit son agenda politique (après tout il a été élu pour cela) et doit composer avec, il joue un rôle de régulateur, pour que la symphonie se passe au mieux, tout en sachant qu’il a aussi ses propres intérêts.
L’armée de réserve du Capital
Nous allons jouer pendant cinq manches composées de plusieurs tours, six exactement. Nous avons tous huit cartes et on en jouera six, soit pour réaliser l’effet de la carte, soit une des actions basiques. Simple, non ?
Oui, en effet, jusque là, c’est limpide. On joue une carte et on passe au joueur suivant. Chaque classe aura son deck avec ses effets particuliers. Là où ça se corse, c’est que nous sommes tous interdépendants, nous commençons avec quelques entreprises capitalistes installées, la classe moyenne possède aussi son tissu économique (les fameuses PME) et quelques services publics ont été mis en place. Nous avons aussi des gens en attente de travail, l’armée de réserve du capitalisme, des Meeples cadres (avec leur petite mèche en avant) et des Meeples ouvriers (avec leur casque de chantier vissé sur la tête).
Voilà une des premières actions que l’on peut réaliser : prendre de un à trois ouvriers dans cette zone de travailleurs en attente correspondant à notre classe et les envoyer au boulot, dans une ou plusieurs entreprises. Cela produira en fin de manche des ressources en fonction de l’entreprise et des salaires pour les joueurs concernés. Attention, parfois il faudra des ouvriers spécialisés, chaque couleur correspondant à un secteur économique – et il y en a beaucoup (par exemple en gris c’est la main-d’œuvre non qualifiée, qui produit aussi moins de ressources).
Construire une entreprise en payant son coût, vendre des ressources au marché extérieur, recevoir des bénéfices d’une entreprise, placer trois cubes vote à sa couleur, et enfin, proposer des lois : voilà nos actions basiques.
En fin de manche, si des joueurs ont proposé des lois alors on passera au vote : d’abord chaque joueur doit indiquer s’il est pour la nouvelle loi ou contre, cela a son importance, car ensuite on va piocher cinq cubes dans le sac et les cubes des joueurs « pour » seront décomptés ensemble, et vice versa.
Arrêtons-nous sur ces lois justement puisqu’elles sont le pivot de notre société. Vers la gauche, cela représente une société basée sur le social, vers la droite, une société plus axée sur le néolibéralisme. En fonction des joueurs et des joueuses, cela va sans cesse changer pour modifier les rapports de force.
On peut définir le marché du travail, plus en faveur des salariés ou au contraire plus en direction des entreprises, ou bien au centre. Mais aussi la politique fiscale, la politique de santé ou d’éducation qui nous permettra d’acheter des jetons à bas coût ou au contraire très couteux. On peut même influer sur le marché extérieur ou la politique migratoire. Cela aura aussi un impact sur les cartes que l’on peut jouer puisqu’elles présentent un prérequis en fonction des lois. On peut toujours les jouer pour réaliser une action basique : la bonne nouvelle, c’est que l’on n’est jamais vraiment bloqué.
Rapport de force
Rassurez-vous je ne vais pas vous décrire par le menu les différentes factions, mais plutôt vous distiller quelques exemples. Dans notre partie, la classe ouvrière a décidé de lancer une grève dans une entreprise privée, mais aussi une entreprise du secteur public, un hôpital, il faut dire que l’on venait de subir une pandémie (véridique) et les soignants en “avaient gros” !
L’Etat a cédé assez rapidement et proposé une revalorisation (un curseur qui monte) ; il faut préciser que son agenda politique était pour une politique de santé volontariste et peu coûteuse et qu’elle ne pouvait se passer de cette production de service.
Le secteur capitaliste a quant à lui fait traîner la chose. Si la grève est encore en cours en fin de manche, alors l’entreprise ne produit pas les ressources, mais les salariés dans l’entreprise ne sont pas payés. C’est ce que l’on appelle du perdant-perdant. Qu’à cela ne tienne, le joueur capitaliste a joué une carte lui autorisant à revendre une entreprise et les salariés présents sont venus grossir les chiffres du chômage. Efficace pragmatique, et légal.
De son côté, la classe moyenne a profité des lois en cours et a pu installer une entreprise qui a été payée par les subventions de l’État. Ce qui est cocasse c’est qu’une autre carte (Exit Strategy) aurait permis à ce joueur de la revendre pour le double du coût. Elle aurait pu donc profiter des subsides de l’État pour ensuite revendre et faire la culbute…
Le rôle de l’État est plus complexe à jouer. D’abord parce qu’il pioche une carte en début de manche qui indique son agenda politique : plus il le suivra et plus il marquera de points en fin de manche, il va donc proposer des lois en fonction, ou pousser dans certaines directions. Dans la même idée, il va gagner des points de victoire pour la légitimité acquise sur les deux classes les plus faibles, il a donc tout intérêt à équilibrer les forces des uns et des autres.
C’est vraiment un rôle de régulateur, en tout cas, dans notre partie c’est ainsi qu’il fut joué. En rendant la politique d’éducation gratuite, cela permettait aux joueurs classe moyenne et classe ouvrière de bénéficier des bienfaits de celle-ci et donc de spécialiser leurs ouvriers.
Mais à ce jeu là, l’Etat y gagne puisqu’une main-d’œuvre qualifiée va produire plus de services, enfin, sauf si les joueurs et les joueuses décident de se rendre dans les entreprises privées, et c’est quelque chose qui peut arriver si le joueur capitaliste décide d’augmenter les salaires ou encore si l’Etat n’a pas fait évoluer son secteur public.
Comment l’Etat gagne-t-il de l’argent ? Bonne question ! D’abord en fin de manche, chaque joueur (cadres, ouvriers et capitalisme) va devoir payer des taxes qui dépendront des lois en cours. Mais il peut aussi vendre des services (la santé et l’éducation) : en les donnant il gagne certes des points mais il ne fait pas rentrer d’argent dans ses caisses…
Comment gagner ?
Chaque proposition de loi votée fait gagner trois points à la joueuse qui l’a proposée, mais aussi un point aux autres qui soutiennent.
Pendant la partie, chaque rôle a son mode de calcul : pour l’Etat nous l’avons vu, il va devoir trouver un équilibre et gérer son agenda politique au mieux. Les capitalistes doivent eux faire un maximum de profit, et devront faire toujours plus à chaque fin de manche – c’est la logique de la croissance économique. Ils m’ont fait penser aux loutres dans Root. La classe moyenne a besoin de vendre des ressources au marché extérieur : c’est ainsi qu’elle gagne des points de victoire. Quant à la classe ouvrière, elle va emporter des points en créant des syndicats et cela pour les différents secteurs mais aussi en augmentant la prospérité grâce à l’éducation et à la santé.
En fin de partie, chaque faction gagnera des points suivant la position des marqueurs de politique et des ressources restantes. Pour l’Etat, cela dépendra des ressources mais aussi des finances publiques.
La main invisible du marché ?
Ce qui marque d’abord dans Hegemony c’est l’interdépendance des différentes factions. Pas d’ouvriers, pas d’entreprises qui tournent. Les ouvriers et les cadres ont besoin de gagner des salaires, et donc de travailler dans les entreprises qui elles, ont besoin de main d’œuvre, la boucle est bouclée (sauf si le joueur capitaliste implante des usines robotisées) (oui, on peut le faire). L’argent des salaires reviendra au capital par l’achat de biens et de services.
Il faut souligner que les ouvriers qualifiés servent à tout le monde puisqu’ils produisent plus de ressources. En règle générale, avoir l’ouvrier qualifié (comprendre, de la bonne couleur) donne un bonus de production.
Le joueur “classe moyenne” aura peut-être intérêt à baisser les coûts de ses produits afin que la classe ouvrière vienne lui acheter les ressources, plutôt qu’aux entreprises du secteur capitaliste. À moins qu’il ne décide de payer le même coût pour ne pas renforcer le capital (c’est aussi ce qu’il s’est passé dans notre partie après la vente de l’entreprise en grève).
Cette interdépendance se retrouve aussi au niveau de l’Etat puisqu’il jouera, nous l’avons vu, ce rôle de régulateur, mais aussi dans l’autre sens, certaines cartes jouées par les autres factions lui donneront plus de légitimité.
La loi de l’offre et de la demande
Ce que l’on retient surtout, c’est la thématique qui bien que complexe, est vraiment bien respectée et traduite via la mécanique. On perçoit bien toute l’interrelation permanente entre ces différentes entités. Attention, cela se fait au prix d’une mécanique touffue difficile à intégrer, en particulier le calcul des taxes en fin de manche qui dépend de plusieurs facteurs, tous différents pour chaque faction : Selon le marqueur du marché extérieur, mais aussi les lois qui ont été votées, ainsi que le nombre d’entreprises en jeu… Autant dire qu’il va falloir sortir sa calculatrice.
Qui dit interrelation dit aussi forte interaction, en réalité elle est permanente ici et j’imagine qu’avec le temps il peut y avoir une partie de discussion/négociation qui entre dans la danse. C’est encore l’occasion d’enrichir le jeu avec du thème. Ainsi, l’Etat qui déclare soutenir tel projet de loi et pas d’autres…
Les votes justement sont des moments forts dans la partie, car ils dépendent des cubes qui ont été placés dans le sac, or plus une classe est en place et plus elle a de chance de remporter les élections, mais les gagnants remettent les cubes dans la réserve contrairement aux perdants qui les remettent dans le sac. De même, après un vote, on peut dépenser de l’influence pour inverser le résultat. Une mécanique simple de petits cubes violets représentant l’influence des médias. On en place un certain nombre dans sa main, on révèle, et le vote a soudainement pris une tournure bien différente. Le joueur capitaliste pourra ajouter des cubes dans le sac en finançant des campagnes politiques, le joueur ouvrier en ajoutera à chaque fois que sa population grandira (là encore c’est thématique, même si l’on sait que dans la réalité, les plus démunis votent souvent contre leurs intérêts…).
Ces fameux cubes, nous les gagnons avec les entreprises qui travaillent dans les secteurs des médias (encore une fois très thématique), et on pourra avoir intérêt en tant que capitaliste de produire des entreprises dans ce secteur ; encore faut-il que les salariés veuillent bien y travailler… à nous peut-être d’augmenter les salaires pour être plus attractifs ?
Attention !
Hegemony est un jeu qui est complexe. Il nécessite de prendre en compte beaucoup d’éléments durant la partie, et en amont il impose d’ingérer un énorme corpus de règles, pas moins de 64 pages (sachant que nous avions un prototype et une règle sous format PDF/Word en anglais et non une règle définitive). Désormais, nous avons des règles quasi définitives sur la page du Kickstarter, avec des illustrations. (Le Ludochrono permet de mettre le pied à l’étrier)
Pas étonnant qu’au début il faille régulièrement revenir à la règle. Le calcul des taxes nous a souvent mis en Position Latérale de Sécurité, avouons-le. Du coup, la première manche a été très hachée, elle a servi de tutoriel, et la suivante fut bien plus fluide. On a commencé à se projeter un peu plus dans le jeu. On a même commencé à s’amuser et à mettre en place une vraie stratégie. Mais soulignons qu’il m’aura fallu trois autres personnes ultra motivées et patientes, que je remercie au passage !
Réalisme économique ?
Les théories économiques sont au centre de notre monde, de notre vie quotidienne. Tout est politique, mais on peut aussi dire que tout est économique. Je me demande souvent si je veux jouer à un jeu qui se veut réaliste et qui dépeint le réel. Je me souviens de Crisis qui reproduit plutôt bien le principe de la crise avec des entreprises qui sont là pour s’en mettre plein les fouilles pour redresser le pays. J’avais adoré le jeu tout en étant rattrapé par la réalité sociale qu’il suggère.
Hegemony s’engage aussi sur ce terrain là, il s’approche très fortement de la réalité, grâce au travail incroyable des universitaires mais il ne faut pas le voir pour autant comme une vraie simulation. Cela reste un jeu et il manquerait plusieurs éléments pour le rendre totalement crédible… Mais plus du tout ludique pour le coup. Citons le problème de l’énergie, de l’environnement, les accords de libre échange entre pays, les apports des banques centrales, les tensions diplomatiques, les guerres ou même la crise écologique… La corruption est présente par l’achat de vote, mais elle reste assez sommaire. Encore une fois : c’est un jeu, et on touche les limites évidemment.
Néanmoins le projet Hegemonic se présente comme une simulation et pour cela il fallait qu’il soit normatif, ne pas devenir un outil de propagande d’une façon ou d’une autre, c’est en tout cas le point de vue que défendent les créateurs sur leur page de blog. Ils se sont intéressés aux deux côtés du spectre de la vision de Hayek qui prône le laisser faire, à Gramsci qui décrit l’hégémonie culturelle, comme aux travaux d’autres penseurs de renom tels que Keynes, Friedman, Rousseau, Locke, Hobbes, Marx et bien d’autres.
Diagnostic !
Hegemony est une simulation économique très exigeante et très dense. Le jeu sert son propos et le thème ne fait pas vraiment de concession à la mécanique qui est elle aussi très compacte, épaisse, touffue. L’asymétrie est excellemment bien rendue et on a eu une grosse envie de rejouer, ne serait-ce que pour maîtriser la faction que l’on a jouée, mais aussi essayer les autres. J’ai eu l’impression de retrouver Root mais dans un univers économique réaliste (la mécanique de thésaurisation du joueur capitaliste nous a fait penser aux loutres par exemple). Il convient vraiment de saluer l’énorme travail des universitaires engagés dans le projet.
Un titre clairement taillé pour les amateurs de jeux économiques, les autres risquent de lui trouver un côté froid et calculatoire manquant de fun malgré pourtant l’interaction prépondérante. Le principal inconvénient de ce genre de propositions, c’est qu’ils révèlent souvent leur saveur à partir de quatre personnes autour de la table et qu’il deviendra plus fluide seulement si l’on rejoue avec la même tablée, mais c’est une critique que l’on peut souvent formuler envers les jeux de ce type, avec une forte asymétrie.
Précisions que nous avons joué sur un prototype très avancé, on peut dire quasi final : les illustrations des cartes que vous pouvez voir dans cet article sont presque définitives. Heureusement pour l’expérience de jeu, les icônes sont bien identifiées, et l’ergonomie particulièrement lisible (les aides de jeu parfaites), ce qui est à souligner. L’édition Kickstarter bénéficiera de plateaux doubles couches pour les joueurs et de ressources mieux différenciées.
Hegemony Lead your Class to The Victory est en ce moment sur Kickstarter, il sera distribué et traduit en français par Don’t Panic Games.
Pour aller plus loin
- Si la chose économique vous intéresse je vous conseille le visionnage de la chaîne Heu?reka, un ancien trader devenu vulgarisateur. je vous préviens il faudra mobiliser votre concentration pleine et entière, car il a beau être un excellent vulgarisateur il va quand même assez loin dans ses explications et il faut s’accrocher !
- Je conseille plus particulièrement la vidéo sur Adam Smith qui est souvent décrit comme le père fondateur de la pensée capitaliste, même si ses concepts furent largement simplifiés …
- Si vous préférez la bande dessinée, je ne peux que vous conseiller Economics l’excellente BD de Michael Goodwin qui en est à sa 4e édition et s’est déjà vendue à plus de 150 000 exemplaires.
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FX 24/11/2021
Comment résister au thème ? à l’asymétrie ? arrrrrrggghhhhh…
Shanouillette 24/11/2021
dur dur !
fouilloux 24/11/2021
J’avoue, comme @FX je suis hyper tenté.
Thibaut 24/11/2021
Super article. Merci Ludovox!
KOGARATSU 03/12/2021
ah ben bravo, voilà que j’ai pledgé pour cet Ovni qui présente une vraie nouveauté thématique. Ce sera très interessant de voir le comportement des uns et des autres dans chaque rôle.
Connor84 20/05/2024
J’atterris sur cet articles suite aux news… j’avais loupé le sujet auparavant, mais il conviendrait de mitiger deux trois choses indiquées en filigrane dans l’article (qui d’ailleurs auraient peut-être été revues s’il avait été écrit récemment).
Le jeu n’est pas sans contradiction ni propagande (involontaire?). En effet il s’appuie principalement sur deux interprétations théoriques, celle de la valeur et celle de l’existence et de la définition d’un classe moyenne, ainsi que d’un état indépendant des autres classes. C’est lié à la gamification du sujet (homogénéité nécessaire au mécanisme) comme au background des chercheurs associés, ce qui d’une part associe la classe ouvrière et d’autre part les syndicats au socialisme, ignorant au passage (et c’est particulièrement étonnant venant d’auteurs grecs) les pans parfois majoritaires mutuellistes comme révolutionnaires qui ne vont pas faire dépendre de l’État la réalisation des objectifs sociaux pour ne retenir qu’une version réformiste light qui n’a même pas pour objectif la reprise en main parlementaire par la classe ouvrière (exemple viennois). Cela laisse au joueur WC une fenêtre plus étroite.
Par ailleurs, la définition de la classe moyenne pose à la fois un problème thématique et mécanique. En effet, l’association du petit capital à l’encadrement dans une classe hétérogène en termes de besoins, fonctionnement, et nature va d’une part conduire à un déséquilibre du jeu en faveur de la partie petite-capitaliste (avec une tripartition grand capital, petite bourgeoisie, classe ouvrière) de la classe moyenne, un rapport à l’état et la démographie difficile (alors que ça n’influe pas sur la partie encadrement pour qui l’État est un employeur conséquent), mais également des événements qui ne sont en décalage.
En réalité – car le jeu est très bon et il ne faut pas le bouder – il ne s’agit pas d’un jeu considérant les classes, leurs intérêts et moyens de lutte, encore moins d’une simulation de lutte des classes contrairement à ce que laisse penser le marketing autour, mais d’une simulation de progression d’acteurs économiques fictifs dans un cadre théorique donné, avec un réalisme très limité mais malgré tout engageant.
atom 21/05/2024
Bonjour,
Merci de ton commentaire, en effet l’article a été écrit sur la version proto juste avant de le renvoyer en Grèce. J’aimerais le remettre à jour. J’ai pledgé le jeu, mais pas encore eu l’occasion de le remettre sur une table. Il faut être 4 motivés avec le temps nécessaire. On s’est planifié une partie avec un couple d’amis, mais les aléas de la vie on fait que l’on a pu décaler plusieurs fois :).
Il est clair qu’il y a quelques limites du thème avec la réalité, je le mets du côté du Game design. Pour autant je trouve qu’il simule assez bien les interrelations entre les différents acteurs.
Je me suis posé la question de la “propagande”, les auteurs s’en défendent en prenant en compte les deux côtés du spectre. Pour ma part je pense qu’ils ne sont pas totalement neutres puisque ce sont des économistes orthodoxes à mon avis et qu’ils sont le fruit de leurs connaissances.
Je m’intéresse à l’économie, mais c’est un sujet que je suis loin de maîtriser et c’est pour cela que j’ai ajouté quelques liens qui me semblent intéressants.