Gothic Doctor, où l’on soigne l’homme invisible
Gothic Doctor est un jeu d’une toute petite maison d’édition américaine, Meltdown games. Le pitch fait très envie : On est des médecins qui se battent pour récupérer les patients les plus bizarroïdes, car nous avons à cœur de soigner les cas particuliers, et tout précisément ceux qui proviennent de la littérature fantastique. Lycanthropes, vampires, ranimés et autres scientifiques fous se presseront dans votre cabinet. Il faudra leur appliquer des traitements spécifiques pour qu’ils vous paient en livres sonnantes et trébuchantes…
Point import : pas de texte déterminant pour les anglophobes si on joue sans les actions. Par contre, avec, ça posera problème.
Ne verra probablement pas le jour en français.
Symptômes !
On jouera la partie en onze tours de table, représentés par une horloge, plutôt jolie. Chaque joueur disposera d’un tour pour soigner des patients qui valent entre 25 £ et 75 £ (considérez cela comme des points de victoire). Ces patients qui sont au centre de la table en une rivière (à la Ascension, si vous préférez) demandent tous certains types de traitements pour trouver le repos. Il vous faudra combiner entre deux et quatre remèdes pour parvenir à les soigner.
À son tour, on peut d’abord jouer une carte action (pour rappel, il est optionnel de les intégrer à la partie. C’est plus familial sans, et plus méchant avec).
Ces actions permettent de changer l’état de la table en réservant des patients, en faisant subir des crasses aux soignés des docteurs adverses, en nous faisant piocher, en changeant la rivière de patients à soigner, etc.
Une fois l’action optionnelle faite (ou non), soit on guérit un patient avec les remèdes disponibles en main, soit on ne fait rien.
Lors de la fin de tour, deux cas de figure :
- si on a soigné un patient, on pioche pour revenir jusqu’à sept cartes, parmi les traitements visibles, la pioche cachée de traitements et la pioche cachée d’actions.
- si on n’a pas soigné de patients, on peut remonter jusqu’à dix cartes, et défausser pour revenir à sept ensuite, histoire d’avoir un éventail de choix plus large.
Certains traitements, les panacées, valent deux cartes quand récupérées face visible. Les panacées sont des jokers remplaçant n’importe quel autre traitement, mais interviennent aussi dans la guérison des clients légendaires (Dracula, Mr Hyde, Bertha Mason, etc). Ceux qui valent le plus cher : 75£. Autant vous dire qu’il FAUT les récupérer. On va essayer de réfléchir à comment on optimise pour en récupérer le plus possible : combien ont été jouées ? Combien sont dans les mains des joueurs, ou restent dans la pioche ? C’est là que piocher face cachée devient un tant soit peu intéressant.
On joue onze tours, et puis c’est fini ! Les patients donnent des £ en fonction de leurs conditions plus ou moins dures à soigner, et quand sonne le glas final, on peut gagner deux bonus : pour peu qu’on ait soigné un patient de chaque type, on gagne le bonus de « généraliste ». Ensuite, deux bonus de spécialiste sont tirés en début de partie. Si vous avez la majorité de patients soignés parmi tous les joueurs (avec un mini de 3), vous gagnez le bonus de spécialiste, qui vaut un peu plus cher.
Voilà, vous savez jouer, à peu de choses près.
Une pomme par jour…
Le truc, c’est que les tours de Gothic Doctor sont très répétitifs. Certes c’est accessible, mais, surtout, le mécanisme de gestion de main manque de fun. On subit la pioche de façon tout à fait inique et il est impossible de développer des stratégies cohérentes.
Piocher des panacées est évidemment la solution la plus logique, et c’est là une stratégie gagnante évidente. Comme on fait exactement la même chose de nos onze tours, avec les mêmes moyens et pas de progression de l’univers de jeu, on ne va pas forcément trouver la fin plus palpitante que le début. Au contraire, le gagnant se dessine vers le tour 7-8, et la course n’est pas si amusante.
On observe un petit effet d’avantage au gagnant : lorsqu’on soigne un patient, comme on fait remonter sa main, on a l’opportunité de changer un peu sa donne, et donc celle de récupérer les traitements ad hoc pour le tour suivant. Passer son tour est vraiment, vraiment pénalisant et vous fera beaucoup trop rager : ce n’est pas que l’on ne sache pas jouer, mais simplement que la malchance combinée à un minimum de blocage de la part des autres suffit à vous rendre la partie désagréable.
D’autres écueils viennent achopper l’expérience de jeu : l’ergonomie est malaisée, avec des symboles peu lisibles et des textes d’ambiance qui apportent peu mais prennent beaucoup de place.
Les illustrations ne satisfont pas l’œil du chaland, plus habitué à de la qualité. Bref, c’est de la petite production et cela se voit. Cependant, l’illustrateur n’a pas manqué d’idées et le thème abordé est plutôt bien traité… Quelques petites perles font sourire, principalement dans les actions qui ont une saveur plutôt bien trouvée.
Bilan, mauvais constat pour Gothic Doctor. L’extension promet des traitements partiels à plusieurs joueurs, mais est-ce qu’il n’aurait pas déjà fallu inclure ça au titre de base ? Je vous avoue que je n’ai pas très envie de réitérer l’expérience, malgré une thématique vraiment fun, qui m’attirait pas mal.
Extension : du traitement partiel
Quelques ajustements sont faits au jeu avec cette extension :
- Le bonus de généraliste passe de 50 £ à 60 £ ; de quoi récompenser cette stratégie sous-optimale en cassant certaines égalités. Bon, il faut dire qu’on rajoute un type de monstre à soigner, donc c’est normal.
- Rajout de démons et du bonus de spécialiste « occultiste ». Les démons restent plus rares que la moyenne des monstres ; la pioche de monstres est un peu diluée.
- Des ajustements sur certaines cartes action. Mais celles-ci ne sont pas réimprimées : il faudra s’en souvenir. Dommage, car ces changements sont pertinents et impactent six cartes action.
- Il est possible de réserver des petits patients (25 £), mais il faudra les soigner en priorité, sans quoi ils s’en iront en couvrant votre cabinet d’opprobre (-25£). Très malin, ce système permet de limiter les tours vraiment nazes et de prendre un peu de risques pour avoir un bonus de Spécialiste ou de Généraliste sans qu’il nous file sous le nez. Ce choix permet de diversifier un peu les comportements de jeu et aurait mérité d’être présent sans l’extension !
- Dernière idée du lot, il est possible de traiter un patient partiellement. Celui qui a la majorité de traitements sur un patient remporte le dit patient lorsque le dernier traitement est posé. En cas d’égalité, le dernier à soigner l’emporte. Ce mécanisme change le jeu en profondeur. Sans gommer sa répétitivité, on rentre dans une logique plus simple de positionnement de majorités. Il reste avantageux de soigner des patients en un coup, car on est sûr de ce que l’on obtient. Mais les mains tournent mieux, on se sent plus en phase avec le jeu car il y a tout simplement plus de choses à faire. La frustration vient donc des autres joueurs, et pas du manque de chance. Il reste le problème – non négligeable – de la répétitivité du titre, mais je gage que cela ne sera pas corrigé, malheureusement.
Cette extension est donc clairement un correctif qui ajuste le jeu au mieux et corrige certains de ses écueils. Pourquoi ne pas l’inclure directement, alors ?
Illustré par Jeff Drylewicz
Edité par Ad Magic, Meltdown Games
Pays d’origine : Etats-Unis
Langue et traductions : Anglais
Date de sortie : 2015
De 2 à 4 joueurs , Optimisé à 2 joueurs
A partir de 12 ans
Durée moyenne d’une partie : 25 minutes
Durée d’une partie entre 20 et 40 minutes
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