Game Market 2015, parlons jeux ?
Le Game Market, cette fois encore, proposait des dizaines, que dis-je, des centaines de jeux. Il y avait probablement moins de nouveautés qu’au mois de mai, en raison de sa position post Essen.
Il y a d’ailleurs une liste qui a été mise en ligne pour le merveilleux site Table Games in The World. Cette liste référence tous les nouveaux jeux présentés lors du salon. Il y a aussi une enquête renouvelée chaque année afin que les participants au salon puissent voter pour leurs découvertes préférées. La pertinence de ce type d’enquête est toujours questionnée, à la Gen Con, à la BGG Con ou ailleurs, et c’est la même chose pour celle proposée par les organisateurs du Game Market. À noter que parmi les nouveautés, on retrouve un certain nombre de jeux déjà présents à Essen sur les stands Japon Brand (Village of Familiar, Zombie Tower 3D, Air Alliance…) ou TBG, Taïwan Board Games (Joraku).
Pour informations, et pour ceux qui souhaiteraient jongler quelques heures avec Google Translate, voici le lien !
Avant d’écrire les Just Played et après avoir fait un rapide bilan de cette édition du Game Market, il me semblait intéressant de revenir sur une flopée de jeux nouvellement sortis. Je vais procéder comme suis : j’en ferai une présentation très succincte, à la BGG, avant de donner rapidement mon impression sur ceux que j’ai pu essayer.
Les Habitués du Game Market
Commençons par les habitués, ces créateurs que l’on retrouve à chaque édition. Ou devrais-je dire auteur ? Comment traduire designer, là encore un machin anglophone aux acceptions multiples ? Il faudrait décidément que je passe une après-midi avec Tom Vasel, pour en savoir plus sur la sémantique critico-ludique.
L’éternel auteur, solide comme un roc et dans l’innovation continue, reste Hisashi Hayashi. Après avoir présenté Medusa Minerva à Essen, un jeu sec comme le désert de Gobi mais qui plaira aux joueurs de jeux à l’allemande (dis-donc, je voudrais rien dire mais les reviewers américains, ils parlent d’Eurogames, eux. Comment on passe de l’Europe tout entière à la seule Allemagne ?), Hayashi a posé sur sa table d’exposant deux grandes piles de はんか通骨董市, traduit par Curio Collectors en anglais.
C’est mon premier coup de cœur du salon. Les joueurs vont essayer de collectionner des cartes représentants divers objets. Une mécanique simple de set collection, oui. Mais le twist, certes déjà vu, c’est qu’il faudra se débrouiller pour ne pas amasser trop d’exemplaires du même objet, au risque de voir sa valeur passer d’un 4, 5, 7 ou même 8 à un douloureux -1 par carte représentant cet objet.
Pour récupérer les cartes objets, ce n’est pas forcément très facile… Le joueur actif va d’abord poser 8 cartes au centre de la table. Ces cartes seront les objets disponibles pour cette manche. Il va ensuite créer deux groupes de cartes, comme il l’entend (ça peut être du 4 et 4, ou du 1 et 7…).
Chaque joueur a en main deux cartes : « first » et « second », qui lui permettront de choisir quel groupe de cartes il souhaite récupérer. Si un joueur se retrouve seul à vouloir un groupe de cartes, il gagne toutes les cartes. Si plusieurs joueurs veulent les mêmes cartes, le joueur actif va alors de nouveau proposer un partage et les joueurs encore engagés vont de nouveau choisir un groupe… et ainsi de suite jusqu’à ce que tous les joueurs reçoivent au moins une carte. Il peut arriver que les joueurs se disputent sur un découpage où il ne reste qu’une carte. Le cas échéant, ils devront se satisfaire d’une carte « kimono » à la place. La carte qui était encore en jeu sera, pour sa part, envoyer dans une zone d’attente.
Le jeu est rapide, malin et c’est plein de bonne méchanceté à l’intérieur. L’interaction entre les joueurs est de plus en plus forte au fur et à mesure que les joueurs autour de la table cumulent des cartes similaires, les poussant peu à peu vers des scores potentiellement négatifs. Le seul petit hic concerne les écarts de score (le premier joueur a 28 et le dernier -12) mais ce n’est pas bien grave.
L’autre jeu, toujours de Hisashi Hayashi, était en fait une réédition de son Rolling Japan, désormais appelé Rolling World au Japon et publié par Arclight. Chez les Américains de Gamewright, qui ont signé le jeu après Essen l’année dernière, le jeu a été renommé Rolling America et agrémenté de petites modifications de gameplay qui le rendent moins frustrant et plus familial.
Village of Familiar
One Draw, un autre habitué des Game Market, présentait pour sa part Village of Familiar, un jeu Hiroki Kasawa. Voici le pitch du jeu dans sa traduction française :
« C’est la période de la remise des diplômes à l’école de magie. La question est qui entre vous et les autres étudiants, va réussir l’examen final et sera autorisé à se proclamer mage. L’examen final consiste à créer un village prospère pour vos familiers. Vous devez récupérer des ressources dans la forêt et construire des maisons arboricoles magiques. Plus hautes et plus nombreuses elles seront et mieux ce sera. »
Un jeu de draft de 3 à 4 joueurs dans un univers graphique qui évoque d’autres jeux plus anciens du même éditeur, notamment le Kuro Neko Lola. D’ailleurs, en clin d’œil à son propre catalogue, Kisaragi, le director du jeu (??), distribuait une carte promo avec le chat de Lola.
Les joueurs vont essayer de faire pousser leurs arbres le plus haut possible, de manière à gagner le plus de points de victoire. Pendant la première phase du jeu, celle du draft, ils vont prendre une carte à la fois puis passer les cartes restantes à leur voisin. Comme d’hab’, en somme. Certaines cartes vont leur permettre de « bâtir » (étrange choix de verbe) des arbres pour leurs familiers et d’autres vont influer sur le déroulement des phases de jeu, les cartes sorts. Pour jouer une carte sort, les joueurs doivent siffler. Ça doit être une bonne idée sur le papier mais ce genre d’artifice me déplaît vraiment. Je sais, je suis un emmerdeur cynique ou un rabat-joie, au choix, ce qui ne m’empêche pas d’avoir une fonction sociale, hein, soit dit entre nous.
La deuxième phase est consacrée à l’érection des arbres et aux interactions avec un plateau central riquiqui. Le jeu est joli et les mécaniques assez simples le rendent abordable. Ça reste malgré tout un jeu pour jeunes adultes japonais.
Jun1S et le Fruit Parfait
Vient le tour de Jun1S, pseudonyme Twitter ! J’aime beaucoup les petits jeux de cet auteur. Je l’ai d’ailleurs interviewé pendant le Game Market et son retour sur les changements que vit actuellement le salon est tout à fait passionnant.
Il présentait cette fois-ci une extension pour son joli jeu familial Fruit Picking. L’extension s’appelle Fruit Parfait. On reste donc dans un univers mêlant plaisirs simples et couleurs chatoyantes.
Cette extension est, à en croire le site officiel du jeu, réservée à ceux qui trouvent que Fruit Picking est trop facile, ou encore ceux qui y ont déjà trop joué et qui souhaiteraient rafraîchir leur expérience.
Niveau composants, c’est léger mais tout à fait en accord avec le prix proposé : 700 yens pour 6 grandes cartes épaisses (avec deux faces, A et B présentant un niveau de difficulté différent) accompagnées de 15 disques en forme de fleur. À chaque partie, deux grandes cartes seulement sont utilisées. Il est préférable de l’intégrer au jeu de base à partir de 10 ans ou avec des enfants qui ont l’habitude de jouer à Fruit Picking.
Nos petits singes du jeu de base, non contents désormais de ne collecter que des fruits, ont découvert que les mélanges de fruits joliment présentés opéraient sur eux un charme gustatif exceptionnel. Leur simplicité gastronomique évanouie, les petits singes ont bien compris que proposer des Fruit Parfait leur accordaient des privilèges inégalables… Certains leur permettront de réussir les cartes en dépensant moins de fruits…
C’est un joli ajout à un jeu qui gagne à être plus connu. La mécanique principale du jeu de base, le Mancala, a perdu de sa vigueur après le très beau jeu de Bruno Cathala, vous savez celui où il y a des esclaves qui font jaser les nerveux chez BGG. Je continuerai cependant à le conseiller…
Vous connaissez mon amour pour les jeux de la Bible. J’en ai déjà chroniqué un largement et je ne rate jamais l’occasion de parler des autres, qui sortent régulièrement au Game Market. Après le jeu d’affrontement à base de Bible Points, la version In Jesus we trust du Loup Garou et le calendrier de l’Avent, version jeu de société, voilà Jésus et ses copains qui jouent au baseball.
Le pitch tel que présenté par l’éditeur est celui-ci : De la Bible au terrain de baseball. Tout un programme dans lequel Eve, la fan de nudisme, est pitcher pour l’équipe, Adam, feuille de vigne au vent, est en défense… En tout, c’est 30 personnages choisis sur le volet dans le livre sacré (la moitié de l’Ancien Testament et l’autre du Nouveau testament). Jésus n’est évidemment pas en reste, héros indispensable de tous ces jeux qui sortent depuis quelques années avec la bénédiction des instances catholiques japonaises.
C’est signé Mac(k)oto Nakamura, un autre habitué des Game Market assez peu prolixe. La thématique est bien choisie puisque le baseball est un sport très très populaire ici. Et puis, qui n’a pas envie de jouer au baseball avec Jésus dans son équipe ? Entre nous, c’est beau, non, cette dévotion extravagante ?
Le jeu est basé sur le principe de R. Les joueurs ont des cartes représentant leurs joueurs. Chaque carte présente un nombre, équivalent de sa puissance dans le jeu. Les joueurs choisissent une carte secrètement parmi celles qui composent leur main et la jouent en même temps. Le nombre indique l’initiative.
Nouveautés en bref !
Le groupe SNE Cosaic n’était pas en reste non plus pour cette édition… Depuis quelques mois, il semble qu’ils aient décidé de revitaliser le marché des remakes avec des rééditions de classiques de Reiner Knizia, Tom Lehmann et d’autres encore. Le choix graphique est, comment dire, spécial ? Il plaira sans doute à certains. Pour ma part, je préfère les couleurs fadasses des éditions allemandes. Rien de plus joli qu’un rouge sale ou un marron délavé, non ?
Allez, une petite liste quasiment exhaustive et en images ! Je vous laisse deviner de quels jeux il s’agit… 🙂
Le groupe présentait aussi un nouveau jeu, cette fois signé par un auteur japonais mais je reviendrai dessus plus longuement dans les jours ou semaines à venir !
Heart of Crown, vous connaissez ? Il s’agit d’un jeu de deck building très réussi dans un univers qui l’est moins. J’avais polémiqué sur Tric Trac en abordant la question des illustrations, que j’estimais être du domaine de la pédophilie. Peu importe ce que la loi japonaise dit sur ce sujet, pour moi, c’était juste inacceptable.
Heart of Crown rencontre un succès au Japon complètement délirant. Lors du Game Market, après quelques années, l’auteur présentait une extension et une queue de plusieurs centaines de personnes serpentait dans les allées du salon. Je n’avais encore jamais vu ça.
L’extension intègre un nouveau mécanisme qui rend le jeu encore un peu plus technique. Le jeu a une durée de vie qui fait rêver… Le jeu de base est sorti en 2011 avec quelques mois plus tard la première extension. Depuis, le jeu est constamment réédité et de temps en temps, une fois que l’attente est à son plein, l’auteur propose une extension.
Du côté de chez BakaFire, je vous l’ai déjà expliqué, l’auteur de Tragedy Looper a décidé de réécrire une partie des scénarios supplémentaires en vue d’une traduction et d’une édition chez ZMan. Il m’a expliqué qu’il allait accélérer le rythme de réécriture et qu’il envisageait de rééditer en japonais, et éventuellement en anglais si les ventes sont satisfaisantes, de nouveau scénarios.
Voilà pour le petit tour d’horizon du salon… À dans quelques jours pour la première critique de jeu !
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madtranslator 04/12/2015
Bonjour Izobretenik, comme d’habitude merci pour ces présentations.
J’aurais besoin d’une confirmation pour Rolling World : y-a-t-il dedans 4 cartes différentes (Japon, Allemagne, USA et France, avec des pouvoirs différents pour les USA et la France)?
Merci d ‘avance pour ta réponse.
Izobretenik 05/12/2015
Salut Stéphane,
pour Rolling World, d’après ce que j’en sais, avec un coup de main TGIW :
Donc, la carte américaine (telle que proposée par Gamewright aux US), française, allemande et japonaise. Par contre, la carte japonaise semble mise en avant. N’étant vraiment pas fan du jeu (Quixx n’avait pas vraiment besoin d’un remplaçant encore plus frustrant), je n’ai eu le courage d’investir dans une boîte, d’autant plus que ma première boîte n’a jamais servi. Mais bon, tu as ta confirmation 🙂
madtranslator 06/12/2015
Salut Yan, merci pour cette réponse. Pour avoir déjà chacune des cartes proposées je pense que tu devrais essayer la fr. Elle apporte quelques changements et surtout la durée de jeu est plus courte.
Pour moi pas de doublon avec Qwixx, mai sil est vrai qu’à la maison tous ne sont pas fans de Rolling Japan. On préfère jouer avec la carte fr. Merci pour ta réponse ! Il y a un pouvoir spécial sur la carte fr qui permet de changer un peu le jeu. Tout comme sur la carte des USA.
Izobretenik 06/12/2015
J’avoue que quand j’ai vu la carte américaine, je trouvais les quelques modifications apportées vraiment nécessaires au jeu sur la carte japonaise. Peut-être me laisserai-je tenter si je croise le jeu dans un magasin ou un autre salon.
bgarz 05/12/2015
Merci Izobretenik pour ce reportage.
2 précisions :
TBD = Taïwan Boardgame Design
Le jeu d’Hayashi présenté à Essen c’était Minerva
Izobretenik 06/12/2015
Merci bgarz ! Ca fait plus d’un an que je me trompe sur le jeu d’Hisashi… C’est honteux. Sathimon m’a déjà repris plusieurs fois à ce sujet. Pourquoi donc est-ce que j’appelle toujours ce jeu Medusa ?! C’est infernal.
Quant à TBD, merci, oui, autre erreur… Décidément, il y a des jours comme ça 🙂
bgarz 06/12/2015
Merci 😉
Hâte de lire tes critiques de jeu…
Izobretenik 06/12/2015
Une à la fois, une à la fois 🙂 D’ici mai prochain, on a un peu de temps. Le premier sera…
madtranslator 06/12/2015
Pas grave ! 😉 Cela arrive même aux meilleurs la preuve !! 😉
Izobretenik 06/12/2015
lol, je ne sais vraiment pas pourquoi je me trompe de titre pour ce jeu depuis plus d’un an… Je vais demander à Hisashi de faire un jeu qui s’appelle Medusa, parce que là, ça devient une obsession 🙂
Shanouillette 06/12/2015
ha oui Zut je me disais bien aussi qu’il y avait un truc qui me titillait à la relec .. My fault!