Galileo Project : Et pourtant elle tourne
L’université de Harvard monte le projet Galileo afin de prouver l’existence d’extraterrestres. Ah non ça c’est le télescopage de la réalité.
Dans le jeu Galileo Project, l’humanité souhaite développer les satellites de Jupiter et y installer la vie, mais les relations entre la Terre et Mars compliquent un peu les choses.
Et pourtant elle tourne, sacré Galilée qui avait raison avant tout le monde et a dû renier ses idées pour ne pas finir au bûcher, s’il est historiquement connu pour cela, il a aussi été le premier à observer les quatre satellites de Jupiter. Le jeu d’Adrien Hesling mélange la construction de moteur compétitif avec de la combinatoire et de l’optimisation.
Les jeux sont faits, rien ne va plus !
Nous incarnons des corporations qui vont, grâce à leur influence, acquérir des robots auprès d’industriels terriens ou martiens. Le jeu propose plusieurs twists mécaniques : pour payer nos robots il faudra dépenser de l’influence sur une piste dédoublée, en bleu pour la Terre, en rouge pour Mars. Si on la dépense pour acheter des robots, pour en gagner il faudra requérir le service d’experts qui vont nous donner en sus des bonus ou des points de victoire sous condition, en fin de partie.
Les deux types de cartes sont présents sur une rivière dynamique qui fait varier le prix des robots d‘un côté, le gain d’influence de l’autre. Comme dans Splendor, nous avons une action par tour, acquérir des robots, recruter des personnages, la troisième nous permet d’acheter une tuile technologie qui nous donne un pouvoir immédiat ou permanent moyennant des Mégacrédits et de l’énergie (j’y reviendrai).
Le jeu est axé sur cette piste centrale, et ce n’est pas un léger twist. Cela va créer des dilemmes puissants, pour l’achat des robots, mais aussi pour les personnages. Parfois, on souhaitera le bonus apporté par l’expert recruté sur la piste Mars, et d’autre fois la condition de fin qui se marie bien avec notre jeu. Pas de panique vous pouvez switcher (commuter pour les anglophones) de l’une à l’autre en dépensant un Megacrédit, évidemment c’est une ressource rare. il faudra donc le faire à bon escient.
Mécanique Combinatoire
Les robots ont des effets multiplicateurs, comme dans Ganymède, plus vous jouez un type de robots et plus vous allez bénéficier de son effet. Par exemple, l’extracteur vous donne un Mégacrédit, mais si vous installez votre deuxième extracteur, vous aurez deux Mégacrédits. Le technicien permet lui, d’augmenter le niveau d’un robot, avec plusieurs robots techniciens on peut augmenter le niveau d’un robot très fortement etc. Avec trois… vous avez compris, rapidement le jeu devient explosif. Augmenter le niveau d’un robot permet d’évoluer sur la piste du satellite auquel il est attaché, et de débloquer des bonus et des points de victoire.
Cela serait simple ainsi, mais nos robots sont à affecter sur un ou deux des différents satellites en fonction de la carte. Parfois vous aurez le choix, d’autre fois une unique destination. Ces Satellites sont pour moi l’élément le plus important et le plus amusant du jeu, c’est ce qui définit la stratégie que vous allez essayer de mettre en place, car chaque satellite apportera des points de victoire en fin de partie, mais pas uniquement.
Qu’apportent-ils ? :
En développant Io, vous pourrez avoir des réductions de coût, un bon moyen d’optimiser son jeu et d’accélérer la partie, en avançant sur la piste Ganymède, vous aurez plus de facilités à recruter et même à garder des personnages en fin de partie, les personnages étant un autre moyen de faire des points de victoire. Europe est surtout liée à l’énergie, une ressource plutôt rare qui permet entre autres choses, d’acheter les technologies.
Pourquoi attendre le robot idéal (son type, et sa destination) quand on peut le façonner de ses mains ? En début de partie, on démarre avec un projet robotique, une carte que l’on choisit parmi une proposition, ce qui va donner nos ressources de départ et une asymétrie. Ce robot, on pourra, grâce à des personnages ou à la progression sur Callisto, le quatrième satellite, le construire et l’affecter sur le satellite de notre choix.
Construire, déconstruire
Galileo Project n’est pas seulement un jeu de construction de moteur, c’est aussi de « déconstruction ». En déplaçant un robot d’un satellite vers un autre, vous allez gagner d’un côté ce que vous allez perdre de l’autre, et modifier les niveaux sur les satellites. Tout cela dépend de votre jeu, par exemple Callisto donne des points de victoire selon un principe multiplicateur, en fonction du nombre de robots du même type. Si vous vous êtes diversifié en type de robot, son intérêt est limité, autant augmenter sur un autre satellite. Tout dépend aussi des personnages que vous avez gardés pour la fin de partie. Choisir et renoncer.
Ainsi nos robots vont venir et s’installer sur un satellite, augmenter de niveau, nous donner des bonus, puis vient un moment où l’on souhaitera le robot parce que l’on a besoin d’autre chose, monter sur d’autres pistes, ou que ça correspond aux personnages que l’on a gardés. Cela donne un coté dynamique et vivant au jeu.
Après votre tour, vous pouvez réaliser un des objectifs, et c’est aussi ce qui va diversifier les parties : le premier à avoir 8 MC place son marqueur, ou encore le premier à avoir quatre personnages etc. Les joueurs suivants pourront toujours le faire, mais pour un moindre bénéfice. On peut en sus, dépenser une énergie pour réduire la condition, une façon de passer devant un joueur, tout en sachant que l’énergie est précieuse, car utile aussi aux technologies.
Les tuiles technologies sont aussi un moyen de bénéficier de combos : le forage automatisé permet de gagner un Mégacrédit de plus quand on gagne un méga crédit, la supraconduction d’augmenter le niveau d’un robot à 7 (au lieu de la limite de 6) etc. Un vrai coup de boost ! mais aurais-je le temps de perdre une action, vais-je vraiment en profiter, après tout nous sommes dans un défi d’optimisation.
Tactique robotique en salade 🙂
Plutôt que de stratégie, parlons de tactique : on s’adapte surtout aux choix que le jeu nous offre. Avec ses combinaisons, on peut faire quelques enchaînements savoureux, et même parfois des combos en cascade. On retrouve la montée en puissance d’un Ganymède avec les robots de plus en plus efficaces. On peut essayer de jouer sur plusieurs tableaux, se consacrer à fond sur une piste, jouer avec les personnages, les objectifs etc.. On se sent rarement limité par le jeu, plus par nos choix.
La fin de partie survient quand un joueur a placé dix robots autour de ses satellites, ou que la pioche de personnages est vide, ces deux situations arrivent plus ou moins égalitairement, du moins à deux joueurs, à quatre, on termine plus souvent avec nos robots. Ces deux conditions créent une tension forte, et une surveillance sur ces deux aspects du jeu : a-t-on suffisamment de temps encore pour monter ce marqueur, ou bien déplacer ce robot ou engager ce personnage qui me donnerait 6 points ?
Au final, une salade de points qui reste toutefois très lisible. Aux points de vos pistes des quatre satellites et de vos objectifs réalisés, vous ajoutez ceux des technologies et des personnages que vous avez pu garder. Ah au fait, tous ces personnages que l’on garde pour leurs points de victoire, il faudra les payer ,1 MC par personnage, ce n’est pas qu’un détail insignifiant, car en toute fin ça oblige à faire des choix drastiques. Comme toute salade de points, c’est gratifiant, même si on n’a pas super bien mené sa partition, on est tout de même heureux de sa partie, et ça donne envie de remettre ça en essayant une autre stratégie.
Bilan
La boite n’est pas de taille standard mais légèrement plus petite, chose que j’apprécie, car on n’a pas ce sentiment de boite pleine d’air. Elle est réalisée avec des séparateurs aux couleurs du jeu donnant une finition tout à fait agréable. Chaque chose est à sa place, c’est peut être un détail pour vous, mais pour un joueur ça veut dire beaucoup 🙂 Pas besoin d’envisager l’achat d’un système de rangement ou la fabrication de boites en origami. Question finition, on est gâté avec les ressources sérigraphiées, ou les Megacrédits sous forme de jetons de Poker agréable à manipuler (même si on peut se poser la question de leur intérêt dans le jeu).
David Sitbon est incroyable, un vrai caméléon, on imagine mal que c’est la même personne qui a commis les illustrations de Paris 1889, Iki, Gosu X ou Galileo Project tellement les styles sont différents. Ici, il joue avec des teintes chaudes-froides faites de violet, d’orange, de rose, des couleurs que l’on ne voit qu’assez rarement dans un projet ludique, et qui lui donne une identité originale.
L’équipe éditoriale à essayé de construire un univers cohérent pour son jeu. Galileo Project prend place dans l’univers de Ganymède ou même Demeter et Varuna. On retrouve les personnages de Ganymède Moon dans ce nouveau titre, un cross-over intéressant pour qui connait le jeu, mais qui est plus de l’ordre du clin d’œil.
Le thème est un moyen d’entrer dans un jeu, mais on a tout de même un peu de difficulté à rentrer dans cet univers spatial. En tant que fan de la série The Expanse, je perçois surtout la question de la rivalité entre Terre et Mars. Néanmoins, en jeu, rapidement les pistes martiennes et terriennes deviennent des pistes rouges et bleues, et une mécanique qui nous offre un dilemme constant. Par contre le thème permettra de rendre nos actions logiques avec la mécanique, ce que l’on demande à un jeu de ce genre. Nous sommes dans un jeu à points de victoire et d’optimisation, qu’on se le dise.
Galileo Project n’offre pas une interaction chaude et piquante, mais plutôt froide et implacable. Si on ne lève pas les yeux, on se fait damer le pion, on se fait piquer le robot que l’on souhaitait, on se fait coiffer au poteau devant un objectif. À 3 ou 4 joueurs, l’interaction est plus forte, car nous avons une tuile de technologie de moins que de joueurs. À 2 joueurs, c’est moins agressif, tout en restant très frontal, et les sessions dépassent assez rarement les 45 minutes.
Plus on joue, plus on maîtrise et moins on marque de points, c’est un des paradoxes du jeu : plus la partie est compacte aussi, on va jouer moins de tour pour clôturer la partie, les premières peuvent se jouer en 18 à 20 tours, parce que l’on prend son temps, on se développe sur différents axes, et pour les suivantes cela peut descendre autour des 15 tours car on aura mieux optimisé. Ce qui se ressent sur le score, sur notre première partie on découvrait et on marquait autour des 70 points, maintenant on est plus proche des 45 à 50 points.
Un jeu aux règles simples, mais au choix multiples et forts, souvent différentes possibilités s’offrent à nous et elles paraissent toutes alléchantes. Il n’est pas rare qu’à son tour on ait des difficultés à arbitrer sur le choix le plus intéressant, ce qui est pour moi une force. Certaines de nos actions nous demandent de renoncer à quelque chose, de perdre d’un côté pour gagner de l’autre. On ne peut gagner sur tous les tableaux, il faut choisir, éliminer. Parfois ça sera évident, d’autres fois un crève-cœur, et même quelquefois l’erreur qui peut nous faire perdre la partie.
Galileo Project nous offre des mécaniques plutôt originales, comme le déplacement et même la fabrication de nos robots. Il est construit sur des règles simples en apparence, mais qu’il faudra pratiquer pour le maîtriser. On lui reprochera son thème qui reste un peu en surface. Un jeu intermédiaire, (on dit initiés désormais) avec une belle courbe d’apprentissage et une profondeur conséquente, qui se traduit par une optimisation plus acérée, plus millimétrée tout en restant avec un gros degré d’ouverture, ce qui me semble dans l’air du temps.
LUDOVOX est un site indépendant !
Vous pouvez nous soutenir en faisant un don sur :
Et également en cliquant sur le lien de nos partenaires pour faire vos achats :