Galactic Renaissance : le sénat c’est moi
Dans Galactic Renaissance édité par Matagot, vous allez incarner un sénateur dans une galaxie en pleine reconstruction. Si vous désirez ardemment le poste de Chancelier Suprême afin de rétablir l’ordre, vos fourbes adversaires vont vous mettre des bâtons dans les roues poussés bien évidemment par des motivations fourbes et carriéristes.
Ce jeu est une création de Christian Martinez à qui l’on doit notamment Inis. Si ce dernier n’est pas le plus connu des jeux du vaste espace ludique, il a son lot de fans bien établis. Galactic Renaissance se base sur un système de deck-building et de majorité, avec des règles très accessibles. Bref, il avait tout pour séduire, et pourtant il n’a récolté « que » 156 000 € lors de sa campagne de financement participatif. Est-ce dû à un complot du Nouvel Ordre ? Les conjonctions planétaires n’étaient pas alignées ? Ou simplement le jeu n’est pas à la hauteur de nos attentes ? C’est ce que nous allons voir dans ce Just played.

Un deck-building pas comme les autres
Dans Galactic Renaissance nous allons à notre tour jouer une carte pour en appliquer les effets. Puis, si cette dernière le permet, en rejouer une autre, etc. Cependant, avec une main de départ limité à 2 cartes (ce chiffre pouvant monter jusqu’à 5 en développant nos instituts), vous n’allez pas enchaîner les combos durant votre tour. C’est là que le twist du jeu prend tout son sens : les cartes sont replacées sous votre deck dans l’ordre où elles ont été jouées.
Vous allez donc créer des séquences qui vont se répéter si vous continuez à jouer vos cartes dans le même ordre. J’ai trouvé ce système très ingénieux. En plus d’être original, il élimine une part d’aléatoire lié au « mélangeage » des decks.

Les cartes joueurs
Au tout début de la partie, nous démarrons tous avec les mêmes 7 cartes de départ, mais nous allons dans une phase de draft ouvert ajouter des spécialistes à notre deck, tous uniques (faut bien du building pour faire un deck-building ^^).
À noter que les spécialistes sont toujours utiles. En effet, ils peuvent être joués pour piocher une carte et rejouer. Un effet alternatif à ne pas négliger, car il permet d’aller plus rapidement chercher La carte qu’il nous faut.
Autre originalité du jeu, il n’y a pas de rivières de cartes : les effets nous permettant de récupérer des spécialistes nous feront piocher un certain nombre de cartes dans le paquet spécialiste pour en choisir une, ce qui fait que mes adversaires ne sauront pas quelle carte j’ai récupérée avant que je ne la joue.
Alors oui on ne sait pas à l’avance ce que l’on va recevoir, mais tous les spécialistes sont supers (et ils peuvent toujours être joués pour leur deuxième effet Kiss Cool de piochage rejouage). Ils sont suffisamment nombreux pour offrir de la variété, et assez peu pour être tous pertinents.

Quelques cartes spécialistes
Si toutefois vous souhaitez « changer » l’ordre de vos cartes, vous allez pouvoir défausser une carte de votre main à la fin de votre tour (sinon vous les gardez en main d’un tour à l’autre), et certains effets de cartes ou de planètes permettent de mélanger notre deck si nécessaire. C’est le genre de détail qui montre que le jeu a été peaufiné, ce petit truc en plus qui rend un gameplay abouti.
De la majorité pas comme les autres
Dans Galactic Renaissance, le but du jeu est d‘atteindre 30 points de victoire. Sauf que les 10 derniers devront être réalisés en un seul tour de jeu. Donc si à la fin de votre tour votre marqueur de PV est au-dessus de 20 et en dessous de 30, il revient sur la case 20, un moyen simple de s’en rappeler. Le fait de devoir marquer 10 PV d’un coup donne une grande partie de son sel au jeu.
Sans cela un joueur en tête aurait pu simplement scorer le plus vite possible pour l’emporter. Là, même si un joueur caracole en tête, il pourra se faire coiffer au poteau s’il ne parvient pas à optimiser son placement sur le plateau. Et bien sûr, les autres joueurs vont tout faire pour. Cela donne une belle tension autour de la table. On s’observe du coin de l’œil, guettant la sortie d’une carte « sénateur » pouvant marquer la fin de la partie.

La piste de score
En effet pour marquer des points, on a essentiellement une carte, le sénateur, qui permet de scorer les points de victoire des objectifs en jeu. Au nombre de deux en début de partie, un troisième apparait dès qu’un joueur atteint les six points. Mais ce n’est pas tout : à treize points l’objectif de gauche est remplacé, et idem pour celui du milieu à 20 points.
Ce point de règle n’est pas que là pour amener du chaos et faire rager Dudulle, il a son utilité en termes de tension dans la partie. En effet, ces changements d’objectifs amènent beaucoup de mouvement sur le plateau de jeu. Nous devons nous y adapter pour pouvoir continuer à scorer. Et autant dire que les objectifs ont été très bien pensés, car il ne s’agit pas simplement d’être le plus présent sur une planète. Certains au contraire nous demandent d’être minoritaire (i.e. d’avoir moins d’éléments qu’un autre joueur présent), d’autre d’être exactement à deux éléments… Tout cela nous fait nous triturer les méninges pour optimiser notre positionnement, sauf que les adversaires vont évidemment y mettre leur grain de sel.

Les cartes de scoring
C’est le premier pas qui coûte
Au début de la partie sont placés sur la table des planètes, des spécialistes et un jeton déterminant le nombre d’émissaires qui vont démarrer dans notre monde de départ. Chacun notre tour nous allons choisir un élément jusqu’à avoir une planète (notre monde départ dont l’on récupère le marqueur associé), un spécialiste que nous mélangeons à nos 7 cartes de départ et un nombre d’émissaires qui démarre sur notre monde.
J’aime beaucoup ce démarrage qui nous met tout de suite dans l’ambiance du jeu. « Chouette, j’ai récupéré le spécialiste que je voulais mais ce fourbe a pris la planète que je convoitais.. ». Et il n’y a pas de « mauvais » choix, plutôt des appétences pour telle ou telle approche.
Niveau main de départ nous commençons avec trois cartes, et pouvons remettre sous notre deck autant de cartes que nous le souhaitons pour en repiocher autant. Et quand vous maîtrisez le jeu et que vous regardez les cartes de départ, vous vous rendez compte que ce choix est très judicieux, car vous êtes sûr d’avoir de quoi agir en main dès le début si vous ne jouez pas avec le feu. Là aussi, c’est ensuite chacun ses gouts et ses choix.

Un plateau joueur
Pousse toi de là que je m’y mette !
Vos cartes vont globalement vous permettre d’ajouter des spécialistes à votre deck, de placer des émissaires sur les planètes (voire d’explorer de nouvelles planètes) et de construire des instituts (qui permettent d’avoir plus de cartes en main). Certains spécialistes vont également interagir sur les émissaires adverses. En plus de cela, chaque planète possède un marqueur avec une capacité activable via certaines cartes. Pour prendre ce marqueur, il faut être le joueur majoritaire sur la planète et jouer son ambassadeur. Nous pouvons également récupérer un marqueur qu’un autre joueur possédait.
Dans le jeu, cela donne un va-et-vient d’émissaires, le tout pour booster nos points de victoire tout en pénalisant ceux des autres joueurs. C’est un jeu très dynamique où il se passe à chaque tour quelque chose.
Pour se déplacer de planète en planète, il faudra passer par des portails de la même couleur. Il y a trois couleurs en tout. Donc toutes les planètes ne sont pas accessibles de partout, mais le choix reste vaste. De quoi bien « stratégiser » nos déplacements.

Chaque planète possède un nombre d’emplacements limités. Tout excédent provoquera un désordre sur la planète. Dans ce cas tous les joueurs présents devront :
– soit enlever un émissaire ou un institut
– soit bouger deux émissaires ou plus vers une planète alliée (une dont nous avons le marqueur)
– soit jouer un spécialiste avec un effet désordre

Ce point de règles est crucial et sa bonne gestion fera la différence entre victoire et défaite. Non seulement cela va obliger nos adversaires à bouger, mais cela peut également nous permettre de façon détournée de bouger pour s’installer sur une autre planète.
J’ai eu un petit gout de nostalgie en jouant à Galactic Renaissance car il m’a fait penser à Rencontre Cosmique : du chaos dans l’espace avec des joueurs qui se font des coups bas ou qui coopèrent de façon non volontaire.
Il est beau mon sénat !
J’ai été agréablement surpris en ouvrant la boîte. Les illustrations de Tano Bonfanti sont dans un style pictural proche des Valérians, avec une petite patte à la Jodorowky, j’aime beaucoup. Deux boites permettent de tout ranger. Une notice explicative est fournie avec, mais elle m’a plus embrouillée qu’accompagner. Chaque couleur a son design de figurines et sur ce point nous retrouvons le savoir-faire de Matagot : qualité et esthétisme sont au rendez-vous (en tout cas selon mes gouts personnels que je partage avec moi-même et mes soutiens au sénat).

Un bémol toutefois : autant les règles sont très simples et le jeu vite assimilé, autant elles manquent cruellement d’exemples. Ainsi lors de ma première partie, j’ai fait quelques erreurs de règles liés à des représentations faussées que je m’étais faîtes dans ma tête. Après une partie et relecture des règles, tout est plus clair, mais des exemples illustrant le propos auraient évité cet écueil et des imprécisions qui persistent. Les joueurs disposent également d’une aide de jeu utile lors des premiers tours.
Plus on est de fous, moins il y a de riz
J’ai eu l’opportunité d’y jouer à 2, 3 et 4 joueurs. En duel, cela tourne merveilleusement bien, c’est un véritable bras de fer mené contre notre adversaire, nos actions devant être pensées en fonction de ce qu’elles risquent d’amener à notre rival. À 3 joueurs, il y a un brin plus de chaos, mais aussi plus d’interactions différentes, plus de planètes explorées, moins de calculs et plus de fun ^^. C’est ma configuration préférée, assurant le juste équilibre entre contrôle de mon jeu et interactions multiples.
À 4, le jeu devient très chaotique. Le plateau peut tellement évoluer en un tour de jeu qu’il est difficile de préparer son scoring. Alors, c’est sûr qu’il y a plus de «Oh non pas moi» , «allez tu m’as déjà enlevé un émissaire la dernière fois» ou le classique «c’est pas moi qui suit en tête» , mais j’avoue que pour gagner il faut un bon alignement de planètes (c’est le cas de le dire), en plus d’une bonne stratégie en jeu.
Inis dans l’espace ?
J’ai souvent entendu parlé d’Inis dans toutefois jamais y jouer. J’ai par contre dans mes relations au Sénat un expert d’Inis, Sir Atom, qui en parlera avec sa verve habituelle.
Atom : « Inis m’avait agréablement surpris au moment de sa découverte en 2016. Le jeu propose du draft, du contrôle de territoire et des batailles teintées de fourberies et de diplomatie. (La diplomatie et la fourberie ça va bien ensemble). J’avais particulièrement apprécié la subtilité des conditions de victoire qui font que parfois il vaut mieux perdre un combat et des troupes pour ne pas créer la condition de victoire d’un autre joueur. Un jeu où il faut tout le temps surveiller la configuration du plateau, et bien cela je le retrouve dans Galactic Renaissance.
Je retrouve aussi le chaos subtil que provoquent les désordres en jeu que l’on pouvait ressentir dans Inis dans certains combats. Dernier point et non des moindres, les cartes spécialistes ont je pense la même fonction que les cartes Récits épiques d’Inis, ajouter de la fougue, du fantastique et dans l’un comme l’autre les cartes osent des effets un peu fous qui peuvent parfois avoir l’air nul dans certaines configurations, mais qui dans d’autres situations peuvent renverser la table quand on a compris l’esprit de la carte.
Si on retrouve la patte de l’auteur, les deux jeux sont sensiblement différents, je pense que Galactic est plus clivant dans sa mécanique de deck-building ultra épuré, s’il n’y a pas de combat, les désordres portent bien leur nom, ils mettent le boxon et détruisent les conditions des victoire que l’on planifie patiemment.
Je suis un grand fan d’Inis (même si je ne suis pas très bon ^^) et je n’arrive pas à savoir si j’aime ce Galactic Renaissance, qui a tendance à me faire des ascenseurs émotionnels. Comme toi, je trouve qu’à quatre joueurs c’est trop chaotique, ça bouge trop vite pour que je puisse avoir un plan qui tienne le choc. »

Je vote ou pas…
J’ai sorti ce jeu quatre fois en deux semaines et j’ai une partie de prévue semaine prochaine. Donc oui : il me plaît. Parce qu’il y a beaucoup d’interactions entre les joueurs et j’aime cela, parce que c’est une interaction certes agressive (j’enlève ou j’oblige le mouvement d’émissaires) mais pas king-maker. Le jeu bouge sans arrêt, un joueur au fond du trou un tour peut prendre le contrôle de plusieurs mondes deux tours plus tard. Après la partie, ça débrief et ça rigole « au punaise si tu n’avais pas pris la majorité sur Pancake12, je gagnai au prochain tour ».
Et ce système de cartes fonctionne très bien. Je me sens vraiment dans la peau d’un stratège : quels pions amener d’où, quel marqueur planète exploiter, dans quel tempo… En plus les explications de règles sont rapides et la mise en place aisée, il est donc facile à sortir.
Ces qualités se dissipent partiellement à quatre joueurs où le temps de jeu se rallonge et le chaos est bien plus présent (là pour le coup ça bouge trop ^^).
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