Fog of Love – Simulateur de comédie romantique
Fog of Love, c’est un OLNI que nous a attiré l’œil dès son annonce et son Kickstarter. Une certaine popularité sur le fameux site BGG pour ce titre qui arbore pourtant une promesse étrange : l’amour. Un jeu qui a pour thème la relation de couple, oui. Loin de l’abstraction d’And Then We Held Hands, loin aussi des affres du divorce de Kune v. Lakia, Fog of Love propose donc de vivre, à deux joueurs, une relation amoureuse, de son début jusqu’à un moment clef – heureux ou non.
À Essen, nous papotions avec l’auteur, qui nous promettait qu’une version française n’était pas si loin et nous remettait la boîte de base. Curieux, j’ai donc essayé cette chose ludique, qui promettait résolument d’être différente.
Note : Fog of Love est essentiellement basé sur le texte, mais l’anglais employé est simple, et fait référence à notre monde à nous. Pas de grosses difficultés dès qu’on est un brin anglophile !
Un seul but
La question que se pose tout joueur, c’est comment on gagne. Chacun des joueurs de ce jeu en duo (chacun des partenaires du couple) possède une main de cartes Destinée. Ces cartes sont des conditions de victoire, sachant que l’on en abattra une et une seule à chaque fin de partie. Mais en cours de partie, on en défaussera un peu : eh oui, quand la relation se solidifie, les désirs s’affirment. Bref, on aura bien plus la pression. Nos conditions de victoire sont ensuite comparées. Un couple peut marcher et s’épanouir de nombreuses façons : si les deux joueurs cherchent à être heureux “au même point”, cela risque de fonctionner, mais si l’un des partenaires veut être plus heureux que l’autre, de l’orage est à prévoir dans le ménage. Mais une relation n’a pas besoin d’être saine pour fonctionner, ni de durer pour rendre les partenaires (ou ex) heureux. Bref, les issues sont multiples, et pas forcément symétriques.
De quoi alimenter pas mal de conflit – ou d’harmonie.
Persona
Vous aurez peut-être remarqué que j’ai parlé de partenaires pour décrire les avatars des joueurs. Et en effet, malgré les couleurs rappelant vaguement la Manif pour Tous, sachez que le genre est un choix libre dans Fog of Love.
Et la création de son avatar ne s’arrête pas à ce choix : en effet, on lui choisira une personnalité (ce à quoi on aspire dans la vie) et un métier. Puis on choisira des caractéristiques spécifiques… pour l’autre joueur. Qu’est-ce qui nous a fait craquer chez l’autre ? Son regard de braise ? Son style vestimentaire ? Sa passion véhémente ? Cela aura certes un petit impact sur le gameplay, commençant à remplir des jauges (introversion/extraversion, gentillesse/dureté, etc), mais cela aura surtout pour effet de créer un caractère, une tronche, un avatar qu’on peut incarner comme un personnage de jeu de rôle, un à qui on peut prêter des désirs, des défauts.
Il est recommandé de jouer le personnage, de l’incarner, d’inventer ses choix. Et effectivement, cela donne corps à un univers. Petit à petit, le personnage prend vie, s’anime au lieu d’être un tas de statistiques. On se prend au jeu et, comme prompté par certaines cartes, on explique les opinions du personnage, on l’exprime – voir la carte You need to forgive me ci-dessous. Ce qui donne à Fog of Love quelques airs de jeu de rôle, chose qui n’est pas pour nous déplaire, loin de là. Bien au contraire : le poids de la narrativité est en partie reporté sur les joueurs, ce qui évite au jeu d’avoir tout à faire.
Fort heureusement que cet aspect fonctionne : l’illustration est réduite à sa portion congrue et toute l’immersion se fait par le texte, les mécaniques, et l’histoire qui de développe. (Bon côté cependant, on n’est pas enferré à une image de sa relation ou de son avatar.)
Le jeu de l’amour et du hasard
Le corps de Fog of Love est un scénario se déroulant en trois chapitres. Trois chapitres pendant lesquels on jouera un certain nombre d’événements, ou scènes. Plus ou moins dures, plus ou moins sérieuses, ces scènes proposent la plupart du temps un choix. D’un partenaire ou des deux, elles augmentent ou diminuent le bonheur de chacun, tirent la personnalité vers des traits particuliers. La sélection simultanée d’un choix parmi quatre peut sembler très aléatoire au début, et puis on se rend vite compte que le partenaire a une personnalité. Qu’il répondra souvent de façon prévisible. Mais d’un autre côté, cela ne nous conviendra pas toujours, et on voudrait bien tirer la couverture à soi… Fog of Love veut émuler les tensions que l’on peut avoir dans une relation, les différentes idées de la relation. Est-ce celle de tout une vie pour l’un, mais une agréable passade pour l’autre ? Ou bien même une prison empêchant de s’affirmer et de se réaliser ?
Petit à petit, on lit les choix de son ou sa partenaire. On comprend. On fait parfois preuve d’empathie, parfois de fermeté. On s’affirme aussi. On réagit à des événements singuliers avec des valeurs : « j’ai trouvé ta sex tape, dis… ». Que faire de cet événement, de cette trahison obligée ? Le fait de décider sans concerter, de n’observer que les conséquences et l’autre, est intéressant. On tente de lire le jeu de son ou sa partenaire, parfois en optimisant un peu trop pour prendre la meilleure (ou la moins pire) des issues. Mais c’est lorsque les caractères viennent s’en mêler que le fun commence : lorsqu’on veut s’affirmer en tant qu’individualiste extroverti patenté, on aura vite tendance à faire des choix n’allant pas dans le sens du couple… et l’on pourrait fort orienter la partie vers une Destinée de dominant. Ce qui ne convient peut-être pas à l’autre, qui voudrait peut-être tirer du côté des amoureux égaux l’un à l’autre dans la relation. En bref, comme une vraie relation, Fog of Love se pilote à deux.
Bien entendu, les événements, triés par gravité, sont à force de quelques parties un peu répétitifs, mais l’ajout d’extensions fera merveille. Pour information, la boîte de base contient trois scénarios rejouables, sous formes de chapitres et d’événements supplémentaires qui sont intégrés au jeu. Chaque scénario a son propre ensemble de sous-règles, et n’est pas nécessairement « unique » : vous pourrez les rejouer quelques fois. D’autres extensions thématiques sont d’ores et déjà disponibles. D’autant que jouer avec d’autres scénarios vous rajoutera des Destinées, comme “Brise-cœur” et “Sortie honorable”, les moyens de rompre la relation, ou encore “Accomplissement de soi”, qui demande de s’accomplir en tant que personne pour pouvoir s’épanouir dans la relation.
Happy End
Tenant du jeu de rôle autant que du jeu de plateau, Fog of Love s’épanouit lorsqu’on lui donne un certain espace mental et émotionnel. Si l’on est là pour faire pivoter des rouages et bâtir des tableurs Excel dans sa tête (rigolez pas, j’aime bien aussi), ce titre fera office d’un casse-tête coopératif intéressant quelques parties. Mais dès que l’on parvient à y ajouter l’émotion et l’interprétation, on rentre dans une nouvelle catégorie d’expérience, atypique, forte, et assurément très narrative. Le jeu pourrait se résumer à tirer la relation, soi, et l’autre vers un but, cette fameuse Destinée, dans le but de l’accomplir. Mais avec l’investissement dans les personnages et dans l’histoire, comment se contenter de cela ? On invente, vit, vibre avec nos avatars.
Fog of Love m’aura laissé à la fois surpris et sous le charme, tout bonnement. On se sent comme dans une comédie romantique : parfois ça vire au drame, pour se rabibocher l’instant d’après.
Pour aller plus loin : une interview de l’auteur à Essen.
LUDOVOX est un site indépendant !
Vous pouvez nous soutenir en faisant un don sur :
Et également en cliquant sur le lien de nos partenaires pour faire vos achats :
Meeple_Cam 03/01/2019
Et définitivement, entre Umberling et moi, ça ne collera pas 😀
Mr. Zombi 03/01/2019
Le concept a l’air vraiment excellent, une idée de la date de sortie en VF évoquée à Esssen ?
Umberling 23/01/2019
Essen 2019 pour la VF !