Fluxx – Emporté par la déferlante
Fluxx, c’est d’abord l’histoire d’une grande confusion. On m’a incité à y jouer en me le vendant ainsi :
« C’est un jeu sans règles et sans but.
— Quoiiiiiii ? répondis-je.
— Non mais t’inquiète. On joue règles et objectifs en cours de partie.
— Quoikoakoa ? » m’enquis-je de plus belle.
La règle de base est simple. Obéir au texte des cartes. Pas de plateau, juste une pioche commune, une défausse, une règle de base et basta. La règle initiale stipule les modalités suivantes : piocher une carte puis jouer une carte. C’est la seule règle qui nous sera imposée en début de partie. Facile d’accès. Mais comment on gagne ?
Ben on ne sait pas. Personne ne sait. Car les conditions de victoire sont des cartes comme les autres, que l’on jouera aussi.
Ben oui, on va jouer une condition de victoire qui sera remplacée par une autre, ou atteinte (en général. Cf. carte rose ci-dessus). La plupart du temps, il faudra deux atouts différents, qui sont d’autres cartes que nous allons jouer et allègrement nous tirer. Par exemple, L’objectif Baba cool vous demandera les atout paix et amour. « Petit déjeuner » vous demandera le Toaster et le soleil, si je me souviens bien. Mignon, et parfois délicatement déjanté. Mais attention : une seule condition de victoire à la fois. Vous en jouez une, vous remplacez l’actuelle.
Sauf que
Ça paraît facile comme ça. Mais il y a un twist. Les règles sont contradictoires et permutables. On peut remplacer la règle de pioche de base « piocher 1 carte » par « piocher 4 cartes », et le « jouer 1 carte » de départ se transformera vite en « jouer 4 cartes », voire « jouer tout sauf 1 cartes ». On pourra vous faire jouer votre première carte au pif, limiter votre main et/ou votre nombre d’atouts en jeu, le tout de façon assez intuitive et assez simple.
Certaines cartes ne sont ni des objectif, ni des atouts, ni des règles : ce sont des actions, qui ont souvent trait à de l’interaction directe. Piquez un de ses atouts, jouez à pierre-feuille-ciseaux avec pour enjeu la main de cartes tout entière, obligez-le à jouer ses cartes dans un certain ordre, etc.
Ainsi, vous pourrez être assez embêté par le principe du jeu, qui cherche absolument à vous rendre marteau. Impossible de contrôler quoi que ce soit, surtout quand les gadjos d’à côté n’en font qu’à leur tête et échangent atouts, limites de main et règles alternatives pour rendre la partie plus bordélique que jamais. La victoire s’acquiert au bout d’un temps certain. Quoi qu’il n’y ait pas de timer pour limiter les durées de partie, Fluxx ne peut pas durer éternellement : à force de débilités, les atouts s’accumulent, le jeu s’étoffe car tout le monde pioche plus, et joue plus. Malgré leur côté disruptif, les effets spéciaux tendent à aller vers l’amélioration plutôt que vers la diminution du jeu. La quantité de cartes jouées augmentant drastiquement, il devient dès lors plus facile d’ourdir un plan à super court terme pour gagner. Et la personne qui gagne n’est pas forcément celle qui a le plus d’avance, car ici, l’opportunité est reine.
Le problème dans tout ça, c’est que malgré le côté fun et exponentiel des règles et des cartes, on fera très vite le tour de Fluxx. Les cartes tournent beaucoup, car les va et vient n’arrêtent pas, pour rendre le jeu quasi impossible à clôturer (et il l’est, en théorie) jusqu’au point d’explosion. En une partie, il n’est pas rare que la pioche tourne une, voire deux fois. Alors, certes, c’est fun, mais on n’y rejouera pas de longues soirées d’hiver.
Go with the Fluxx
Autant vous prévenir, l’équilibrage de Fluxx est fait à la truelle. Voire au marteau piqueur. Aucune délicatesse. Et vous allez manger des contretemps sévères, qui peuvent aller jusqu’à redémarrer la partie à zéro. En cela, cet opus est un peu l’essence de l’Ameritrash. Incontrôlable, déjanté, Fluxx embarque son public de joueur dans une débandade vertueuse où l’on lâche prise sur la gestion, où l’on joue plus pour le ridicule des situations proposées que pour les ambitions de victoire.
Les retournements de situation font partie intégrante de l’expérience : vous êtes en train de gagner, et pouf, on vous change la condition de victoire. Ou alors, pis encore, on vous chipe des atouts cruciaux. Là, vous pleurez un coup et rigolez en même temps. Rien n’est vraiment grave dans Fluxx, car une fois les règles un peu plus avancées mises en place, vous allez jouer de façon très, très exponentielle. Ainsi, il devient difficile de s’attacher à la victoire, pour se plonger dans cette expérience vague où l’on se laisse traîner par les déferlantes.
En fait, Fluxx, c’est ça : c’est se laisser porter par une vague, sans autre but que le plaisir de se laisser faire. Dans ces conditions, difficile de le recommander aux accros du scoring forcené : la victoire y est insipide au possible, mais c’est le parcours qui compte. Ce chaos ambiant, cette spirale de n’importe quoi qui ne va que croissant. Cependant, ce titre représente une expérience ludique hors du commun, très loufoque, qui vaut le coup qu’on le teste. Pas sûr que ce soit très rejouable, mais pour peu qu’on ait un peu le goût du carton… Pourquoi pas, ma foi.
À noter qu’il est simplissime d’abord, pour se compliquer assez vite, et donc qu’il parviendra à satisfaire les joueurs les plus occasionnels. En revanche, si votre délire, c’est de calculer la victoire en posant le bon meeple au bon moment, de calculer le nombre et la couleur des cubes de ressources qu’il vous faudra dans trois tours, passez votre chemin. Aucune chance de maîtriser un Fluxx comme ça.
Un jeu de Andrew Looney
Edité par Edge, Looney Labs
Langue et traductions : Anglais, Francais
Date de sortie : 08/04/2015
De 2 à 6 joueurs
A partir de 8 ans
Durée moyenne d’une partie : 20 minutes
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anthopatate 28/08/2015
Pour avoir joué 2 parties de fluxx il y a quelques mois lors de sa sortie en France, j’avoue que je suis du même avis qu’Umberling. Lors de la première partie, j’ai trouvé le principe amusant et la partie à été vite terminée. Lors de la deuxième partie, l’excitation de la découverte passée, je me suis fermement ennuyé à tel point que nous avons abandonné avant de finir tellement cela s’eternisait (après avoir passé 2 fois la pioche et recommencé plusieurs fois). Après tout le bien que j’avais entendu de ce jeu, j’avoue que j’ai été bien déçu.
Umberling 28/08/2015
Je suis très content d’avoir essayé, par contre je ne l’achèterai pas, c’est certain 😉
anthopatate 28/08/2015
Idem, content d’avoir vu ce que c’était mais ce n’est pas pour moi 🙂
morlockbob 29/08/2015
perso j adore fluxx… la règle est claire : il n y en a pas. Ce qui annonce la couleur par rapport a pas mal de jeu qui veulent nous faire croire que…. Pendant des années je me suis demandé pourquoi il n y avait pas de vf…Puis elle est arrivée et ça a été le Flop… les gens autour du moi ont eu les mêmes réactions. c’est vrai qu ‘en plus la boîte de base est pas attirante…. et j’avoue ne pas y avoir retrouvé le même pétillement ????
Umberling 29/08/2015
La question est peut-être plus « Fluxx s’adresse-t-il aux joueurs ? »
Le jeu est bon, mais pas rejouable (du moins pas avec les mêmes personnes).
fouilloux 31/08/2015
J’ai pour ma part eu l’occasion de jouer à la version sacré Graal. Là, le jeu prenait tout son absurde sens et était assez rigolo. Mais idem, pas sûr d’y rejouer une deuxième fois.
Shanouillette 31/08/2015
Une nouvelle version toute naturelle va arriver d’ici la fin de l’année. >> Nature fluxx
Umberling 31/08/2015
Si c’est pas sponsorisé par Opla, j’achète pas ! 😀