Familiar Tales : c’est l’heure de rendre des contes
Familiar Tales ne se trompe pas de nom. Il raconte, en effet, un conte familial : on y joue des petites créatures boostées de magie qui se retrouvent du jour au lendemain les tuteurs d’une petite fille, tout bébé au commencement de l’histoire, qu’il faudra protéger et éduquer. Une petite famille, étonnante et attachante.
Nos héros vont – comme il se doit en tant que héros – devoir juguler des forces ennemies, infiltrer des lieux sans se faire repérer, crafter de nouveaux objets… Mais petits êtres projetés dans une histoire qui semble les dépasser, ils vont aussi devoir changer des couches et gérer la frustration ondoyante d’une jeune enfant.
Changer des couches vous dites ? Voilà une histoire qu’on ne m’avait pas encore racontée !
Genre de jeu
Jeu éminemment narratif dans sa veine dungeon crawler, Familiar Tales (par l’auteur de Mice & Mystics, Aftermath… Jerry Hawthorne) propose une grande aventure coopérative qui se déroule sur trois Eres, chacune divisée en plusieurs chapitres (et vous ne verrez pas tout, selon vos choix).
Chaque session de jeu durera entre 30 et 60 minutes, avec ce qu’il se passe sur le plateau-livret de jeu, mais aussi en dehors. Le jeu entremêle en effet récit et action à un rythme soutenu : chaque session débutera par une mise en place narrative des enjeux avant de passer à la partie plus “figurines” de la scène. Cela dit, il ne s’agit pas d’une simple alternance entre longs moments passifs et longs moments actifs, puisqu’il peut survenir des breaks narratifs pendant l’action, et les moments de récits ne sont pas dépourvus de choix importants en eux-mêmes.
Quoi qu’il en soit, le jeu s’appelle “…Tales” et la narration représente en effet, une grosse partie du jeu : si vous n’aimez pas quand il faut juste écouter, ce titre n’est sans doute pas pour vous. Le mot “Familiar” fait référence aux familiers que nous jouons. On pourrait se dire aussi que le jeu cible les familles. Sans doute, mais attention on dit bien “famille”, pas “enfant” (ne comptez pas sur vos enfants pour y jouer en autonomie). À mon sens, Familiar Tales s’adresse aux familles joueuses, aux parents avides de partager certaines passions pour les donjons obscurs avec une approche plus lumineuse.
Qui dit texte, dit orateur
Personnellement, lire à haute voix fait partie de mes petits plaisirs, mais c’est loin d’être le cas pour tout le monde et j’apprécie tout autant de me laisser porter par la rondeur d’une voix sachant interpréter et mettre le ton pour chaque personnage afin de faire vibrer une histoire. Le jeu est conduit par une excellente web-app, qui servira de tutoriel (très bien conçue, notamment s’il y a des plus jeunes à la table, pour apprendre les règles) ; elle vous accompagne tout au long de votre aventure, et propose généreusement de lire pour vous tous les textes de l’histoire, avec des acteurs manifestement professionnels, vu la qualité de l’ensemble, qui contribuera grandement à l’immersion.
L’écriture s’attarde sur des petits moments plein de tendresse autant sinon plus que sur les enjeux du royaume, donnant corps aux personnages et vie à ces lieux emplis de magie. Vu la façon dont le narratif peut survenir dans l’action, il peut y avoir des petites incohérences comme tel personnage qui n’est pas à côté de tel autre à ce moment précis mais qui se parlent pourtant. Rien de méchant. On retiendra surtout la variété dans les scènes, chacune fait preuve d’imagination, d’un petit “truc” qui maintient toujours l’envie de découvrir la suite.
Danger !
Quand vous êtes dans un moment de préparation en amont d’une expédition, vous pouvez passer autant de temps que vous le voulez à cliquer sur les différentes propositions de l’appli (aller chez l’artisan, parler avec le chat, etc) mais à chaque fois, le danger montera d’un cran, insidieusement. À vous de voir si vous souhaitez être bien informé mais avec un niveau de jeu plus au taquet, ou partir la fleur au fusil (tip : Prenez en compte votre état général pour faire les bons choix !).
Avec Étincelle la fée je-sais-tout, Flamme la renarde un peu âpre et mordante, Raymond le batracien bon camarade qui rêve de retrouver sa forme humaine d’antan, et Granit aka “Gros caillou”, l’adorable golem stoïque, nous formons une drôle d’équipe qui attire les regards. Pourtant il nous faudra tenter de rester discrets car là où nous vivons, le Seigneur n’est pas commode… Quel que soit le nombre de joueurs, ces quatre personnages seront toujours de la partie, et cela fait sens tant ils se complètent à de nombreux moments de l’histoire.
La main sur le jeu
C’est par un système de cartes que vous agirez le plus. Vous aurez une main de 5 cartes qui sont toutes plurielles et versatiles (elles servent pour les combats, les Tests, et les activations d’objets) et de fait, entre s’occuper de l’enfant, attaquer ou se défendre, se déplacer, activer ses objets, fouiller, interagir avec les lieux… rares sont les tours où l’on n’est pas occupés.
Vous pourrez progressivement améliorer votre main en achetant de nouvelles cartes : ce n’est pas vraiment un deck-building (zéro combo de cartes), le plus important sera de répartir les forces intelligemment entre les joueurs selon les rôles joués, et d’éviter d’accumuler trop d’épuisements (cartes faibles qui ternissent votre deck et augmentent le danger). Vous pourrez aussi bannir des cartes pour vous orienter sur un deck plus court et maîtrisable. La versatilité des cartes engendre une belle permissivité dans les façons d’aborder chaque scène, chaque combat, sans avoir eu besoin d’empiler des règles.
Après il est évident que Flamme la renarde est taillée pour le feu du corps à corps, la grenouille s’escrime plutôt à distance (et son agilité lui permet de bondir et de se cacher), le Golem est une armoire à glace qui peut encaisser les coups (tank) mais aussi très utile dans les déplacements car il peut porter les autres, et Étincelle est une magicienne qui-sait-tout (beaucoup en Perspicacité), elle sait même voler (et lire !). C’est en faisant progresser votre histoire personnelle que vous gagnerez aussi de multiples petits bonus (en jouant les cartes bribes d’histoire et relations). On cerne ainsi de mieux en mieux les personnalités et leurs relations avec l’avancement des sessions.
Dernier aspect de progression des héros : l’équipement bien sûr !
C’est en craftant vos mini-cartes que vous pourrez faire plus de dégâts grâce à des armes accessibles en dépensant les ressources récupérées en chemin (bien sûr, il n’y a pas que des armes, mais aussi des objets, des armures, etc). Des synergies valorisées et évidentes sont à portée de tous, mais rien n’empêche par exemple l’attaquante au corps à corps d’avoir un arc aussi (oui une renarde avec un arc, vous avez bien un golem qui parle enfin, presque, il parle pas mais il a trouvé un moyen, mais bon bref je ne dévoile rien), dans certaines situations, ça peut aider.
Pas de gros combo de cartes donc, pas de stratégies bien complexes à mettre en place, bon nombre de combats sont d’ailleurs parfaitement évitables si vous êtes suffisamment malins et furtifs. Néanmoins, de la variété : chaque rencontre s’accompagne de règles spéciales et divers points déclenchent une narration supplémentaire via l’application. Même si on s’habitue à voir un certain nombre de points, il y a en général toujours un petit élément différent, sans parler de la configuration du terrain.
Bon et sinon, gardez un œil sur l’enfant. Si vous ne vous en occupez pas régulièrement comme il se doit, sa contrariété finira par éclater en grandes crises et vous payerez le prix de cette négligence qui frôle la maltraitance infantile ! On ne laisse pas bébé dans un coin (oui Patrick !).
Une fois un combat lancé, vous pouvez toujours mettre toutes vos cartes dans une seule attaque pour jouer la sécurité ou au contraire, la diviser pour essayer de toucher plusieurs fois et ainsi faire plus de dégâts, mais moins assurés. Vous pouvez aussi vous épuiser (et amoindrir un peu votre deck) pour piocher et augmenter vos options.
Côté ligne de vue, rien de compliqué (c’est bon, maintenant les éditeurs savent qu’on aime pas ça) : les cases sont délimitées par des pointillés ou des lignes continues qui symbolisent la difficulté pour traverser à pied (les êtres ultra-bondissants et volants sont bien au-dessus de ces contrariétés terrestres). S’il y a de l’eau, lisez la règle spéciale pour cette page – rien d’autre. Il se n’agit pas d’un Legacy : les règles de base sont communes à toute l’aventure, puis chaque scène a ses instructions particulières, données au cas par cas, sur la page attenante. En cas de doute, pas de prise de tête : faites toujours au plus logique, au plus simple. Et si vraiment vous êtes embarrassé, l’auteur répond gentiment à toutes les questions sur BGG (et sinon demandez-nous en commentaire ! On fera au mieux ^^).
Autre levier vraiment plus secondaire mais néanmoins parfois intéressant : l’ordre des familiers peut être changé avant chaque rencontre. Enfin, il peut aussi se passer des choses en dehors de votre tour : un joueur vous demande de l’aide, ou un ennemi vous attaque… Toutes les cartes dépensées à ce moment-là seront bienvenues, mais vous débuterez votre prochain tour avec une main plus faible. À vous de voir, selon le niveau de danger et la suite potentielle de la séquence, ce qu’il convient de faire.
Du bon ton
Nous sommes dans un conte bon enfant (d’aucuns disent “Disney-like”). Le ton de l’aventure est donc celui-ci, jamais sinistre, même s’il y a des événements parfois plus funestes. En jeu, il ne peut advenir de véritable défaite : vos actions auront simplement un impact plus ou moins bénéfique sur le déroulé ou au contraire plus ou moins catastrophique. Difficile d’en dire plus sans spoiler mais si vous êtes dans une boucle infernale avec des ennemis qui popent sans fin, c’est peut-être que vous avez négligé quelque aspect du jeu. Souvenez-vous, on ne laisse pas bébé dans un coin (ça va Patrick là…).
Parfois capricieuse, mais quand même attachante, la petite fille dont nous avons la charge représente une contrainte sur le terrain puisqu’il faudra veiller sur elle. Au fil de la campagne, elle grandit et ses besoins évoluent avec elle, mais on ne divulgachera rien. Une chose persiste : Plus vous l’ignorez, plus cela deviendra compliqué pour vous.
Dungeon book
Concernant le “dungeon book”, les illustrations sont vibrantes et la conception de l’ensemble permet une mise en place bien plus rapide que les tuiles modulables de bon nombre de jeux du genre. Autre point positif : vous pourrez sauvegarder régulièrement (environ toutes les 45-60 min).
Epopée en cours
Je ne sais pas si l’on doit retenir de Familiar Tales que l’histoire prime sur le gameplay : si cela avait été le cas, nous n’aurions pas été autant tenus en haleine. Car si l’histoire est portée par un soin évident (je n’ai pas évoqué la musique et les effets sonores qui donnent vie à l’ensemble), sans un vrai jeu devant nous, on aurait quand même plutôt préféré regarder un film. Non, Familiar Tales a aussi des choses à offrir avec les mini-stratégies de combat à établir selon la scène, le niveau de danger à gérer, les besoins de la petite, et surtout la progression des héros, la variété des situations… Mais que les habitués des jeux de cartes ou du massacre de boss ne viennent pas se méprendre. Familiar Tales est surtout plein de charme avec sa campagne rafraîchissante et rythmée (attention sans doute le début est-il plus lent, mais il s’agit aussi de prendre nos marques) ainsi que son approche mimi et friendly du genre.
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Alfa 12/06/2023
Bonjour ,
L’application et une connection internet sont indispensable ?
Shanouillette 13/06/2023
Bonjour Alfa, oui je pense qu’il faut une connexion internet obligatoire pour jouer vu que la web app est indispensable.