Expeditions : Voyage dans le temps
Si vous êtes un peu joueur, vous avez peut-être déjà entendu parler d’Expéditions. Il est en effet possible que vous connaissiez le jeu depuis longtemps, puisqu’il s’agit de la réédition d’un opus sorti en 1996, lui-même déclinaison de Wildlife Adventure sorti en 1985 (et oui ça ne nous rajeunit pas !) un titre imaginé à l’époque par Wolfgang Kramer et sa femme Ursula Kramer. Un nom qui doit vous dire quelque chose, Kramer étant synonyme de très grands jeux tels que Tikal, El Grande, Les Princes de Florence, 6 qui prend, mais aussi Top Race qui donna Downforce, etc.
Mais figurez-vous que pour moi, Expéditions était une découverte. Voici donc mon compte-rendu personnel sur cette découverte de 40 ans d’âge.
Côté règles, comme à mon habitude, je vous renvoie au Ludochrono si vous voulez savoir comment le jeu fonctionne. Mais en deux mots, sachez que l’on va voyager sur une carte, en se rendant à des objectifs via des tronçons d’expéditions qui sont communs à tous les joueurs, et qu’à son tour on décidera du chemin qu’ils emprunteront. On fait cela jusqu’à ce qu’un joueur ait validé tous ses objectifs (secrets et annoncés), et celui qui en a le plus remporte la partie. Bref c’est une sorte de course déguisée, où l’on se dit qu’on va travailler ensemble, mais qu’en fait pas du tout.
En effet, vous allez tenter de faire rejoindre le plus vite possible les expéditions aux destinations que vous aurez en main. Pour cela tous les joueurs pourront les faire avancer. Parfois dans une direction qui vous arrange, et parfois pas du tout, ce qui donne plein de moments qui font vivre des choses autour de la table, autant de plaisir que de frustration.
Là où le jeu annonce la couleur, c’est que parmi vos objectifs, quatre seront visibles de tous. Les adversaires pourront donc clairement voir s’ils peuvent s’allier à vous temporairement pour diriger une expédition vers un continent qui arrange tout le monde. Cependant il ne faut pas vous y fier, ces mêmes concurrents pourront vous la faire à l’envers quand ils verront que l’expédition se rapproche de votre cible, en prenant un virage à 180 degrés pour vous empêcher de compléter votre but. C’est rageant, mais c’est le jeu, et ces objectifs visibles ajoutent une tension bien palpable, car ils sont aussi plus rémunérateurs que les autres.
Et c’est justement ça qui est bien dans ce jeu, c’est que rien n’est prévisible, tout peut arriver, et ça fait hurler de rage de voir une expédition que l’on a vu petit à petit traverser le globe, pour finalement faire demi-tour au dernier moment vers une route improbable, anéantissant ainsi tout espoir. Argh!!
Sans compter qu’il y a également tous ces objectifs communs à tous les joueurs. Ils sont vraiment là pour être opportunistes et permettent de faire gagner quelques points aux joueurs qui ont besoin de faire de grands trajets pour atteindre leur but. Cependant, l’accumulation d’infos se fait rapidement sentir. Les joueurs doivent observer les 10 objectifs, surveiller les objectifs visibles des adversaires, mais aussi surveiller ce marché ouvert de 6 objectifs communs. Ça fait beaucoup, voire même trop pour certains joueurs qui paniqueront devant la surcharge d’informations à contrôler. Mais en effet, on passe beaucoup de temps à chercher, revérifier la position des lieux, et même si le système de jeu est plutôt ergonomique, les infos restent assez petites, et donc difficile de tout bien identifier du premier coup d’œil.
Pour plus de maitrise et d’explosivité, le jeu a ce malin mécanisme des tickets, qui permettent principalement de rejouer ou de retirer la dernière flèche posée (et accessoirement de remplacer des cartes objectifs, mais cette règle est rapidement éludée tant elle donne l’impression de perdre du temps pour rien). L’utilisation des tickets pour rejouer est décisive afin de pouvoir atteindre un lieu convoité avant qu’un autre joueur décide de changer de direction. De la même manière, le pouvoir d’annuler la dernière flèche posée est une roue de secours terriblement satisfaisante, pour contrer un changement de direction intempestif, et sauver une destination qui allait être oubliée.
Ces tickets, en plus d’être très puissants, peuvent être joués en cascade, ainsi, on prépare nos petits combos en attendant patiemment son tour en espérant pouvoir le sortir au bon moment et réaliser un super coup. Mais attention au retour de bâton, si d’aventure un joueur se retrouve sans ticket, il va se retrouver vraiment à la merci des autres joueurs, avec un sentiment de perte de contrôle majeur. Les bons coups nous échappent ou nous passent sous le nez, ainsi que les opportunités. Il faudra donc toujours prendre gare à garder au moins un ticket avec vous pour éviter un contrecoup assez frustrant.
Et la boucle, je ne vous en ai pas encore parlé de la boucle ! En effet, lorsqu’une expédition se connecte à elle-même, faisant ainsi une boucle, le joueur qui l’a produite rejoue, et peut repartir d’où il veut depuis n’importe quel lieu déjà traversé par cette expédition. Laissez-moi vous dire que cette petite règle peut donner envie de retourner la table tant elle permet des surprises ! Un joueur peut ainsi repartir à l’autre bout du monde en bouclant une expédition dont la direction actuelle ne l’intéressait pas. Cela génère des retournements de situation assez incroyables, et des regards noirs de vos voisins.
Car oui Expéditions est un jeu qui fait mal. Même si l’affrontement est rarement direct, puisqu’on ne sait pas tout ce que les autres ont en main, il fait souvent hurler de rage de voir partir une expédition dans la mauvaise direction. Du coup, les parties sont très très vivantes, et c’est très plaisant, si tant est que vous appréciez ce genre de jeux. Si vous êtes allergique à toute interaction un peu méchante entre joueurs, passez votre chemin, car ici, vous allez beaucoup râler sur vos concurrents.
À ce sujet, le jeu est jouable de 2 à 6. Je recommande fortement les configurations à 3 ou 4 joueurs, et déconseille les configurations à 5 ou 6. En effet, à trop nombreux, on perd énormément de contrôle à mon sens, et le jeu devient plus chaotique, ce qui peut s’avérer frustrant.
Côté ressentis de jeu et émotions, le jeu être comparé aux Aventuriers du rail sur de nombreux aspects. Ce sont en effet tous les deux des jeux de course à objectifs où l’on évolue sur une carte où l’on trace des trajets, et où les joueurs et les joueuses peuvent clairement se mettre des bâtons dans les roues. Il est fort à parier que si vous aimez l’un, vous aimerez l’autre.
Cependant il ne faut pas se tromper de cible. L’un comme l’autre sont des jeux familiaux, qui ne s’adressent pas à des joueurs trop avertis, qui pourraient être rebutés par l’aspect chance. En effet, Explorations comme son lointain cousin, est dépendant de votre chance au tirage des objectifs que vous récupérez en début de partie, qui peuvent vraiment vous compliquer la tâche. Vous serez également dépendant des objectifs de celui ou celle qui joue juste avant vous, qui va pouvoir vous aider sans le vouloir, à vous rapprocher de vos objectifs.
Bref, il faut accepter ce léger chaos du tirage et dans la partie pour apprécier Expéditions. Avec 10 cartes en main, et les quelques objectifs communs, les scorings de fin de partie seront forcément assez proche (entre 15 et 20 points), ce qui fonctionne très bien pour du jeu familial, mais qui pourra frustrer quelques joueurs qui auront juste manqué de chance.
Au final, j’ai beaucoup apprécié l’expérience proposée par ce titre. Un jeu simple et accessible, soumis à un fort chaos mais qui permet quelques coups d’éclats, mais surtout qui procure de fortes émotions autour de la table. À réserver cependant à un public de joueurs occasionnel et qui tolère les interactions assez méchantes.
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