En route pour Château Aventure
Château Aventure appartient à cette famille de jeux de société narratifs, 100% coopératifs, très accessibles, aux scénarios non rejouables. Oui, tout ça. Vous pouvez donc placer son livret (128 pages, tout de même) aux côtés de TIME Stories, Unlock!, EXIT, ou D-Start. Comme dans ce dernier, un des joueurs devra incarner le “maître du jeu” mais pas d’angoisse, ici c’est un peu le niveau 0 de la masterisation qui sera attendu de vous, comme nous allons le voir. Les vétérans du jeu de rôle y trouveront comme une madeleine de Proust sous amphétamines, tandis que les néophytes seront accueillis à bord avec champagne et macarons. Bref, quand on dit « tout public », c’est au sens le plus admirable de l’expression.
Un livret dites-vous ? Oui, ce jeu de société est plutôt un livre-jeu. Ici point de dé, ni de plateau, même pas d’écran de maître. On a un livret, extrêmement soigné, et tout y est. Autant dire que Château Aventure pourra plus facilement que la plupart des autres jeux de votre ludothèque se glisser dans vos valises direction les vacances. En réalité, le tout est livré dans une petite boîte cartonnée du plus bel effet, qui permet de réunir également 12 fiches (plans) récapitulatives, qui sont aussi agréables que facultatives (mais comme elles sont vraiment agréables – vive le verni sélectif ! longue vie au verni sélectif ! – elles deviennent indispensables, comprenez).
Vous avez peut-être déjà vu notre interview à FIJ lors de la sortie officielle du jeu ou peut-être avez-vous déjà imprimé et joué le scénario de démo (section ressources de notre fiche de jeu). Cela ne m’empêchera pas de vous raconter comment ça se passe et pourquoi c’est bien.
Comment ça se passe et pourquoi c’est bien
Un joueur prend quelque minutes pour lire le scénario que vous souhaitez jouer. Il lui faut un peu de calme, car à ce moment-là, il va visualiser dans sa tête tout le plan de l’histoire qu’il va masteriser.
Concrètement, les autres vont tous incarner un seul personnage qu’ils vont contrôler à tour de rôle en énonçant des actions très simples (sujet + verbe + complément, pas besoin de role play ici). Quant à vous, vous connaissez le scénario, vous êtes celui qui donne le cadre.
Cela a déjà été dit et répété, le jeu s’inspire des vieux jeux vidéo point & click (genre Maniac Mansion, Monkey Island, Les chevaliers de Baphomet…). Aussi, on ne vous demande pas d’en faire des tonnes, tout est très scripté. Vous décrivez la pièce en lisant le texte, tel qu’il est. En général ces courtes descriptions se terminent par “Les sorties sont” après quoi vous lisez la liste des différents lieux dans lesquels les joueurs peuvent se rendre.
Si vos joueurs sortent des clous et font n’importe quoi, vous n’aurez qu’à répéter votre dernière phrase, prononcée comme un message de PC. Froidement, et patiemment (c’est ce que je préfère dans le jeu, car j’adore prendre des voix de robot :p).
Exemple – que j’invente pour ne rien spoiler – :
“Vous voilà debout dans la salle de bain.
La baignoire est pleine d’eau bien chaude.
Le tiroir de la commode est entrouvert et regorge de flacons colorés.
La fenêtre est ouverte et vous voyez à travers elle un grand ciel bleu.
Les sorties sont : couloir ; porte cagibi.”
Si les joueurs demandent une action non prévue par le livret, comme par exemple “Je sors par la fenêtre !”, il vous suffira de répéter patiemment : “Les sorties sont : couloir ; porte cagibi.”
Ils comprendront bien vite qu’ils doivent s’en tenir au scénario. C’est le niveau 0 de la masterisation que j’évoquais tout à l’heure et paradoxalement c’est là que Chateau Aventure prend son envol. Car nos petits amis vont devoir être efficaces avec ces informations réduites.
S’il y a un indice évident, alors les joueurs doivent tôt ou tard comprendre quoi en faire. Bien entendu, des pièges, des voies sans issue et voire même la mort, peuvent les attendre au tournant. Mais globalement, le cheminement est aussi logique et presque aussi linéaire qu’un rubik’s cube. Oui, comme lui, un scénario de Château Aventure est une sorte de casse-tête en 3 dimensions, où il faudra se déplacer méthodiquement.
Certains joueurs aiment prendre des notes. Pourquoi pas ! Si cela vous permet de bien visualiser ce que vous pouvez faire. Mais le jeu repose avant tout sur votre imagination et votre capacité de déduction.
Heureusement, ce n’est pas parce que tout est plutôt logique et linéaire qu’il n’y a pas de folie dans le jeu. Au contraire. C’est là où le pari est réussi. On ne divulgachera rien ici, mais certaines options offertes sont dans certaines situations vraiment surprenantes et bourrées d’humour. On a un script, mais il vous est laissé une certaine marge de manoeuvre. D’ailleurs, le but non avoué est de s’amuser (étonnant, non ?), aussi, aucune police de la pensée ne viendra vous arrêter si vous décidez de tordre un peu le scénario pour permettre à une action fun d’aboutir. Tant que vous gardez le fil, faites-vous plaisir !
Il est possible de mourir, je le disais. Mais comme dans les jeux vidéo, nous avons bien entendu plusieurs vies. Il est bien rare (ça ne nous est jamais arrivé encore) de mourir “définitivement”. C’est plutôt une petite pression grâce à laquelle chaque décision compte. La conscience de notre inexorable finitude interroge nos choix, comme dans la vraie vie, et c’est peut-être ce qui rend ces jeux-là si touchants, mais hum, je m’égare n’est-il pas ? En d’autres termes, plus triviaux : quand on active le personnage, on sait qu’il ne faut pas faire n’importe quoi, comme sauter du toit d’une maison par exemple.
Les scénarios (au nombre de 12, et c’est appréciable, conçus avec 3 niveaux de difficulté, c’est trop de bonheur) proviennent d’une palanquée de cerveaux différents, à savoir Antoine Bauza, Anthony, Combrexelle, Gabriel Durnerin, Corentin Lebrat, Ludovic Maublanc, Ludovic Papaïs, Théo Rivière et Jared A. Sorensen. Vous comprenez pourquoi chacune des histoires jouit de son propre univers, de ses twists, de ses clins d’oeil, et de ses petites règles spéciales.
Côté illustrations, on vous gâte, jugez plutôt : Vincent Joubert, Mathieu Leyssenne, Jean-Baptiste « djib » Reynaud, Vincent Dutrait, Christine Deschamps, Jérémie Fleury, Miguel Coimbra, Xavier Collette, Piero, Maëva da Silva, Paul Mafayon, et monsieur Naïade. Malgré cette diversité, il se dégage un ensemble vraiment cohérent. Un vrai tour de magie.
Un château à partager en colloc
Le jeu est annoncé à partir de 10 ans mais j’ai joué plusieurs scénarios avec ma fille de 7 ans, car en réalité pour peu qu’ils soient un peu guidés au départ, les enfants s’y retrouvent totalement (et deviennent accro, attention !). Vous pouvez même jouer avec des petits beaucoup plus jeunes que l’âge indiqué, en leur partageant le plan pour leur faciliter la vie, et en adaptant un peu certains passages trop “hards”. Deuxième effet kiss cool direct : Château Aventure s’avère une porte d’entrée absolument idéale pour le jeu de rôle. Rien d’intimidant, ni côté règles, ni côté ambiance (attention tout de même à quelques scénarios “horreur” ou trop complexes pour les petits).
On retrouve des univers codés, stéréotypés, un peu à l’instar de D-start, ces références communes permettent de gagner du temps dans un plaisir communicatif. Attention : allez au-delà de la démo, et au-delà des premiers scénarios si vous cherchez une sensation un peu plus poussée de gamer, car l’ensemble va crescendo.
Il est possible de marquer des points pour les plus compétitifs d’entre vous mais le but du jeu n’est pas là : imagination, sens de la déduction, partage, mémoire, écoute, coopération, Château Aventure est une véritable bouffée d’air frais, accessible et surprenante, potentiellement addictive, conçue avec grand soin par Ludovic Papaïs (chef de projet chez Iello). Non seulement il dépasse Parsely Games dont il est la ré-édition, mais il offre une réelle alternative aux autres jeux narratifs récents cités au début de cet article avec la force de boxer réellement dans la catégorie tout public.
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-Nem- 01/06/2018
J’adore ce jeu également. J’y joue avec mon fils de 4 ans (accro ouais), en famille, avec des joueurs… ça marche très bien à chaque fois, même s’il faut adapter un peu selon le public. Avec des non joueurs je donne un peu des indices si ça patauge trop par exemple. Et je trouve ça cool d’improviser quand les choix des joueurs sont pas prévus dans le scénario mais pertinents ou marrants. Surtout que y a vraiment très peu d’actions possibles sur certains scénarios, et c’est parfois un peu frustrant d’ailleurs 🙂
atom 01/06/2018
Ah bon ? Mais je croyais que tu jouais à Agricola avec lui ^^
TheGoodTheBadAndTheMeeple 01/06/2018
J’attends de trouver le moment et les joueurs pour lancer l’aventure.
@-Nem- a 4 ans tu joues comment ? Je vais reflechir pour dans 1 an et demi 😀
-Nem- 02/06/2018
Alors comme l’a dit shanouillette je lui pose la carte devant lui et lui décris les différents éléments, puis il choisit quoi faire (comme par exemple pêcher un crocodile dans une marre pour le lancer sur le garde, oui oui on a fait ça j’ai trouvé l’idée fort judicieuse 😀 ). Forcément certains scénarios ou cartes ne fonctionnent pas. Mais ceux ou la carte est bien clair ça fonctionne très bien (chateau aventure et fort les ogres par exemple).
fouilloux 01/06/2018
J’avoue Nem tu me fais rêver là!
Shanouillette 01/06/2018
Ahahah regardez moi tous les nouveaux papas tapis dans l’ombre ! Je vous le dis dans l’article, c’est possible avec des enfants très jeunes, donnez leur la map, adaptez le contenu quand ça devient trop difficile (donnez des petits indices) ou trop trash (édulcorez). Vous savez peut-être qu’un tome 2 est attendu pour 2019, reste plus qu’à espérer qu’ils fassent un « spécial Kids » maintenant ! 😉
atom 01/06/2018
Commandé pour les vacances ^^
Les enfants c’est l’excuse parfaite ^^
Astoria 03/06/2018
Moi avec des enfants de 5-6 ans : j’ai fait des photocopies grossies de la map que j ai découpée selon les lieux, et donc je pose un pion sur la map et je leur devoile au fur et à mesure en déplaçant le pion là où ils veulent l’amener. De plus j’ai préparé, sous format papier, les objets qu’ils mettent dans leur inventaire ( ex: plusieurs cartes fleurs + carte ficelle = carte bouquet…scenario offert) ils se regalent! Mais clairement c’est du boulot
Shanouillette 04/06/2018
ha oui, la classe 😀