Crime Zoom : sortez les objectifs !
Les jeux d’enquête, c’est un peu comme une boîte de chocolats : tu sais jamais ce que tu vas trouver dedans, à part que c’est du chocolat. Du moins c’est ce que dit plus ou moins Forrest Gump dans mon imaginaire attaqué par la caféine. Donc si on outrepasse Sherlock Holmes Détective Conseil (SHDC), on va trouver une petite ribambelle de titres au succès souvent éclatant – Detective, Q-System, Chronicles of crime on pense à vous – et des évolutions souvent intéressantes (Watson & Holmes, Minuit Meurtre en Mer pour le compétitif, par exemple). Et voici qu’en l’an de grâce 2020 paraît Crime Zoom chez Aurora, un coop par Stéphane Anquetil (l’homme est spécialiste, il a déjà planché sur SHDC et Chronicles of crime entre autres).
Dans une fenêtre de temps plus restreinte qu’un SHDC/Detective (une heure contre deux-trois pour les autres), on (c’est-à-dire 1 à 6 joueurs à partir de 14 ans) résoudra une enquête tenant en un paquet de cartes.
J’ai pu jouer à une démo, précédemment, mais cette fois-ci, c’est le véritable jeu que j’ai pu essayer – et ce scénario, Sa Dernière Carte, ne sera assurément pas le dernier, puisque d’autres sont d’ores et déjà prévus.
À voir : conférence sur le sujet des jeux d’enquêtes
Focus sur Zoom
Le mot “Zoom” du titre n’est pas un vain mot. Nous commençons avec un panorama – une scène de crime. Nous sommes chez un certain Frank Bucco, un cadavre est étalé sur le canapé, une balle dans la boîte crânienne. Frank, c’est un type de la maison, un flic du contrôle de l’hygiène des restaurants. Mais quid de sa vie ? L’enquête commence dès lors : on essaie méthodiquement de capter tel ou tel élément, glanant et réunissant ce que l’on peut de cet appartement cradingue, du macchabée. Exit l’intellectualisation excessive d’un SHDC ou d’un Detective, il s’agit souvent ici d’intelligence pratique à mettre en œuvre.
Contrairement aux scènes de crime de Chronicles of Crime, le but n’est pas là de repérer les indices le plus vite possible, mais plutôt de zoomer dessus, d’approfondir et de reconstruire. Vous pouvez approfondir une piste en retournant une carte et en analysant ce que vous avez. Vous pouvez ainsi gagner l’accès à de nouvelles pistes, à de nouvelles informations. Peu à peu, il faut remettre les informations bout à bout. Comme dans tout jeu d’enquête, le but ne sera pas de “tout explorer”, mais surtout d’aller visiter les pistes valides, de ne pas perdre de temps en conjectures inutiles : le scoring se fait non seulement (et majoritairement) à la portion du scénario connue, mais aussi au nombre de cartes restantes non révélées.
Plutôt que de vous exposer de vagues directions, Crime Zoom prend le buffle par les cornes et parle de faits. La scène de crime est donc représentée frontalement, et force est de reconnaître que le support graphique donne un sentiment d’immersion assez fort, renforcé par une écriture efficace. On ne niaise pas, on est complètement dedans dès le début et on se doit de reconnaître que le décorum est vite planté. Pas de blabla qui prend dix minutes à lire en début de partie comme dans un Sherlock Holmes Détective Conseil, pas de mise en place trop laborieuse, juste ce puzzle de cartes rapide, avec le paquet de preuves à côté. Format obligeant, on n’est pas dans une intrigue d’un détail ni d’une complexité folles, mais malgré les raccourcis, les simplifications et autres joints de gameplay, on a véritablement accès à une histoire pleine et satisfaisante. Difficile d’en dire plus sans divulgâcher la chose, mais l’ambiance du Manhattan des eighties (fantasmé, le Manhattan en question, hein, j’ai jamais pu voir ça de mes propres yeux et le voyage spatio-temporel est encore hors de portée pour moi) est bien dépeinte. Résonnant avec la pop-culture autour de la période et du lieu, on se retrouve en terrain (presque) maîtrisé.
Enjeux en jeu
La résolution du scénario se fait au moment où on le souhaite, où l’on décide d’annoncer la fin de partie et l’on déroule une liste de questions, circonstanciée par des preuves/cartes que l’on aura révélées. Bien entendu, il est fort souhaitable d’avoir les preuves correspondantes. On s’aperçoit que le jeu est pas très punitif vis-à-vis du temps perdu en fausses pistes… qui sont peu nombreuses. On pourrait se demander ce que voulaient Stéphane Anquetil et son éditeur si une phrase du livret de règles n’attirait pas notre attention sur le véritable enjeu de Crime Zoom : c’est la compréhension de l’intrigue qui compte, la satisfaction d’avoir fait le travail correctement et non pas une mesure numérique abstraite. Libre aux joueurs d’évaluer leur degré de réussite en fonction de ce qu’ils ont manqué, et de ce qu’ils ont réussi.
Je trouve que cet équilibre est un peu trop penché en faveur de l’exploration, le nombre de pistes disponibles n’étant pas infini, étant donné le format du jeu, on est sûrement un peu trop incités à aller “trop loin” dans l’exploration, sans réelle contrainte, au détriment d’une certaine tension. Mais, encore une fois, l’accent est ici mis sur le narratif, sur l’envie de découvrir les destins embrouillés et non d’assouvir un objectif de score.
Crime Zoom se veut une enquête de poche, et force est de reconnaître que ce premier scénario n’édulcore en rien, ou presque, les sensations d’un jeu plus volumineux. Avec ses partis-pris fins, son décorum rendu dans le détail, le format pocket de Crime Zoom vous permettra de faire une escapade d’une heure dans le monde bourbeux d’un Manhattan pourri par le crime. Bref, voilà un format de poche qui n’a rien à envier aux grands et dont on surveillera les suites !
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moi 19/03/2020
Très détaillé, avec vos + et -.
Ça me donne clairement l’idée de qui appréciera ou non et à quoi s’attendre.
Tealc 20/03/2020
C’est du compétitif ou coopératif?
Umberling 20/03/2020
Coop, bien qu’une variante compétitive soit proposée par les règles !