Costa Ruana : Trois meeples sur une île
Les pipi, les pipi, les pirates ! Il faut sauver nos précieuses perles, nos trésors !
Chacun pour soi et que Shaman nous guide sur la bonne voie…
Ces perles sont réparties sur les îles de notre archipel. Votre but : les sauver et les ramener chez vous. On ramènera une perle à sa hutte si on est plus nombreux que les autres tribus sur l’île. Mais si les autres tribus sont en conflit et à égalité de force, la perle reviendra à la tribu en nombre inférieur. Ah, ça vous parle ce genre de conflit, on laisse les autres se mettre dessus et on profite de la guerre ! On retrouve ça dans Las Vegas, et bien avant dans certains jeux d’Alex Randolph. À croire que l’auteur, Yuri Zhuravlev, s’est biberonné aux classiques.
Ça peut nécessiter d’avoir pleuré un peu auparavant, d’avoir déplacés les copains… Un petit plan méchant bien mené. On est prêt à tomber très bas pour une perle, comme l’a raconté Steinbeck. Une perle, enfin une demi perle sinon ça roule (malins, les Lifestyle), ramène 2 points en fin de partie.
3 meeples sur une île
La voix du Shaman
On commence la partie avec 5 cartes distribuées au hasard. Quatre couleurs de cartes, quatre types d’action possibles entre placer des gens de sa tribu sur les îles, en enlever, les déplacer vers une autre île, ou déplacer une perle.
On va jouer une carte face visible devant soi ou devant un autre joueur, puis on jouera un autre tour où l’on placera une carte face cachée, éventuellement devant un autre joueur. Enfin, on pourra placer un titom (pour meeple – Ndlr) pour copier une action au moment où elle sera jouée par soi ou par le joueur qui a cette carte devant lui.
Quatre couleurs, mais seulement deux seront actives à ce tour. C’est Shaman qui décidera bientôt.
Du coup le joueur Shaman va nous bluffer, s’il en a les moyens. Après tout, le tirage des cartes est hasardeux.
Il peut aussi se défiler et passer le rôle à un autre joueur… Mais la fonction est quand même enviable, c’est bon de dicter les lois de la manche.
Dans quelle voie Shaman va nous mener ? Je peux toujours essayer de le double-guesser, mais faut pas oublier qu’il est sous psychotrope lui ; pas moi normalement !
Les joueurs vont donc chercher à deviner les intentions de Shaman (quelle couleur va-t-il garder pour le rituel ?), mais aussi tenter de l’influencer en lui mettant à disposition une carte alléchante afin de lui faire choisir une couleur qui nous intéresse.
Et pourquoi pas, le piéger ? Car il y a un peu de programmation aussi dans cette phase du jeu. Une fois les couleurs connues, les cartes actions sont jouées à tour de rôle, en commençant par le Shaman. L’ordre des actions a donc de l’importance. Jouer la dernière action de la manche semble intéressant pour prendre une majorité. Vous aussi ça vous plait d’avoir le dernier mot ?
Shaman aussi a sans doute envie d’avoir une action vers la fin de la manche, lui qui a dû se placer en premier. Ma carte visible n’est peut-être pas bien intéressante, et il se dit que j’ai jouée ma plus belle carte face cachée. Je peux le piéger avec elle, l’action d’enlever des gens par exemple. Voilà qui peut être bien fourbe en tout cas.
Des cartes qui servent à enlever des gens, il y en a quand même pas mal dans le jeu. On va pouvoir les jouer devant les autres joueurs bien sûr, ça c’est drôle, mais elles vont avoir un intérêt également à la dernière manche, quand il sera profitable de ramener le peuple à sa hutte. Les perles, enfin les demi perles, valent 2 points, et les insulaires de retour à la maison c’est 1 point.
L’heure du rituel
C’est maintenant l’heure du choix pour Shaman, il va devoir retourner une des deux cartes rituel, le choix des deux couleurs actives à cette manche, un moment clé. Les cartes jouées des autres couleurs seront inutiles.
cartes rituel : rose et rouge sont les couleurs actives après le choix du Shaman
La partie dure 5 manches. Les premiers tours, on essaie de prendre les majorités en déployant ses insulaires, puis les perles seront de moins en moins nombreuses sur chaque île, puisqu’à chaque tour une perle aura été mise à l’abri dans une hutte, ramenée par un insulaire. Ça va alors devenir intéressant de jouer l’action ‘déplacer des trésors’. Méchant et donc plutôt marrant de déplacer la dernière perle de l’île où un troupeau d’autres tribus s’était agglutiné, pour l’amener vers une île que l’on domine.
Bluff, guessing, programmation, mais aussi un peu de mémoire (juste pour se rappeler combien de perles chacun a cachées dans sa hutte). Attention, vous entendrez couiner ! Extrait : “Non mais sérieux tu t’en prends à moi là, alors que Nicole a carrément plus de perles, c’est pas moi la cible !”. La victoire tient peut-être là dedans.
C’est un jeu beaucoup plus méchant que ne laisse présumer ces belles petites îles et ces jolies (demi) perles. La refonte graphique lors de la localisation par Lifestyle est très bénéfique. La couverture comme les cartes ressemblent à des linogravures de dessins tribaux. La boîte, les cartes les petites huttes pour cacher nos trésors participent, simplement mais efficacement, au plaisir du jeu. Le titre avait eu une première édition brésilienne en 2014, c’est clairement pas la même limonade.
Sachez-le, la « Costa Ruana » n’existe pas, mais le titre nous fait voyager vers un pays exotique, peut-être des archipels de Basse Californie comme dans La Perle, là où dans ce conte, l’Esprit de la Perle réveille les esprits maléfiques d’avidité et de malveillance…
Un puzzle de 10 cartes : ça ne sert pas au jeu, mais c’est beau !
Le but est simple, sauver des perles et les ramener à la maison. Ça ne semble pas compliqué de prévoir comment les autres vont jouer, mais c’est sans compter que la résolution des actions se fait à tour de rôle. C’est l’une des épices du jeu. Les mouvements et les majorités seront alors moins prévisibles, et ça laisse une belle place pour les pleurs et la négociation. Tout ne va pas se passer comme prévu, ce n’est pas un jeu stratégique, plutôt opportuniste, avec une forte interaction.
À 2 ou 3 joueurs, les déplacements sont plus prévisibles, on peut calculer ce qui risque de se passer, et la recette devient moins piquante. Tandis qu’à plus nombreux l’ambiance crapuleuse va prendre le pas sur le calcul. On n’atteint pas le niveau d’un Intrigues, rassurez-vous, dans Costa Ruana on pourra rester amis à la fin de la partie.
Le tour est simple, il faudra cependant plus d’une partie pour être à l’aise avec le potentiel de vilenie que nous offre ce jeu.
Un archipel russe alors ?
Cette année est chargée pour l’auteur russe Yuri Zhuravlev : nous avons pu voir Catham City chez Gigamic et Space Explorers chez Blam! Costa Ruana date quant à lui de l’époque de Viceroy. Lifestyle, éditeur en France et distributeur principalement en Russie, nous propose quelques titres avec des twists originaux (Roulapik, Elastium). Pas de méca originale pour Costa Ruana, mais c’est une recette qui a du goût.
Je résume donc, pour un Costa Ruana :
- 200g de guessing 50 g de chance
- 200 g de bluff un zeste de larme et une pincée de méchantise
- 50 g de programmation
- 45 mn de cuisson pour 2 à 6 convives. Invitez des copains à votre table, c’est plus agréable !
LUDOVOX est un site indépendant !
Vous pouvez nous soutenir en faisant un don sur :
Et également en cliquant sur le lien de nos partenaires pour faire vos achats :
TheGoodTheBadAndTheMeeple 13/12/2019
joli JP merci !
lajuan 08/03/2020
Je trouve ce jeu très sympa.