C’est moi le patron ! Donne-moi tes parts.
Eh ouais, chez Ludovox, ça nous arrive aussi de tester des jeux qui ne datent pas d’hier. I’m the Boss ! (traduit chez nous C’est moi le Patron !) date en fait de 2003, et est parvenu dans nos contrées francophones en 2010. D’ailleurs, le titre a obtenu le titre de jeu familial de l’année 2004 du magazine Games 100. Et même si Edge assure une rupture de stock, on le trouve encore chez pas mal de revendeurs.
(On abrégera en CMLP ! pour plus de concision.)
Matériel
Le plateau, toilé, est plutôt joli et coloré. Chaque case représente une affaire potentielle, et firgure les différents courtiers du jeu.
Le fric, plutôt sympa mais pas double-face pour que les ressources soient cachées, et les affaires, en carton toilé rigide plus épais (format tuile, quoi). On posera les tuiles sur le plateau pour fermer l’accès aux affaires déjà jouées. Notez : les affaires après la dixième ont de plus en plus de chances de finir le jeu.
Le tout est plutôt joli, fonctionnel, quoi qu’un peu chargé (ça manque un peu de lisibilité). Le matériel tient dans une grosse boîte, mais on aurait pu faire plus petit. Regardez plutôt le thermoformage du plastique intérieur : on dirait que la boîte n’est pas faite pour ce jeu tant il reste de place ! Edge voulait sûrement expérimenter et faire des maracas-jeu de société. Ou alors ils ont commandé un même thermoformage pour plusieurs jeux.
Je regrette aussi que les cartes d’investisseur de base ne soient pas des cartes plus solides : on s’en sert tout le temps, et même si on ne les manipule pas à longueur de partie, on va les chiper aux autres assez souvent. Alors qu’on a déjà des cartes toilées solides pour les affaires…
Je suis un peu déçu du format de la boîte : très gros pour pas grand-chose au final.
Côté règles, le livret fait son taf, mais tourne un peu autour du pot en réexpliquant la même chose sans cesse. Oui, c’est bien un jeu familial…
Wall Street is on the line
De quoi ça parle, CMLP ! ? Tout simplement de patronat, d’actions et de multinationales : chaque joueur incarne un (ou deux) investisseurs, prêts à tout pour ramasser le max d’argent. Évidemment, les négociations sont corsées et on se met des bâtons dans les roues pour remporter le jackpot. Avec des clins d’œil bienvenus au mode de la finance que l’on connaît…
Constat simple : à l’instar d’Art Moderne (excellent jeu de Reiner Knizia, que je vous recommande), la thématique de CMLP ! est peut-être un peu trop sérieuse. Pourtant, les mécaniques en sont simples et accessibles.
What to do…
Les joueurs doivent placer leurs investisseurs sur des affaires. Lorsqu’un joueur est « le patron d’une affaire », il en décide les termes. Bien entendu, il sera très difficile, sinon impossible, de résoudre les affaires tout seul : il faudra nécessairement faire appel à ses camarades concurrents… et, bien entendu, monnayer leurs services.
Le choix du joueur est limité : soit il peut résoudre l’affaire du lieu où il se trouve, soit changer de lieu et avoir à nouveau un choix. Piocher trois cartes Influence, ou résoudre l’affaire du lieu en cours.
Les cartes influences sont des contres que l’on peut jouer pour empêcher les autres de tourner en rond, de couper court à leur profit.
À tout moment, on peut envoyer un patron en voyage avec une carte Influence appropriée, ou jouer un membre de la famille d’un des investisseurs (ici Liebgeld), pour les remplacer temporairement. Ou, encore mieux, recruter, sans aucun partage possible, un Investisseur pour soi, avec un brelan de cartes recrutement (en jaune). Enfin, on peut se déclarer être le nouveau Patron de l’affaire, et donc avoir la prérogative de refaire les termes des marchés. Et, le tout, saupoudré d’annulations…
Négociations
Donc, les négociations : c’est le cœur du jeu. Chaque affaire a deux paramètres : le nombre de parts qu’elle rapporte, et les investisseurs requis pour la finaliser. La valeur des parts augmente au fur et à mesure du jeu, rendant les erreurs de début de partie moins grave, et amplifiant ainsi la dimension familiale du plateau. On s’attire les faveurs de qui on veut à coup de sous et/ou de parts d’affaire. Bien entendu, le nombre de parts ne satisfera jamais personne ! Il faudra travailler au consensus, et se renvoyer les ascenseurs. Ici, on rejoint un peu l’univers pesant d’Intrigue – souvent surnommé le « meilleur jeu d’enfoiré » ou « le jeu où l’on perd ses amis » – mais qu’on se rassure, CMLP ! force les joueurs à respecter leurs engagements. Une fois chaque affaire résolue, on distribue les sous à qui se doit.
Les cartes s’enchaînent comme des contres bien huilés et viennent ruiner les négociations âprement menées, mais tout se fait dans la bonne ambiance. Un joyeux boxon qu’on prendra plaisir à réordonner ou bouleverser encore plus !
Évidemment, on se force un peu au consensus, et, un peu comme à Art Moderne, il faut faire des affaires pour gagner. Pas toujours évident, surtout si l’on prend l’avantage de façon un peu trop visible.
Exemple : cette négociation peut être menée par moi seul : je possède Goldman et Wadsworth (le lunetteux jaune dans le coin inférieur gauche. L’affaire en cours, celle sur laquelle le pion Dollar est posée, demande Cashman, Goldman et Sacks. Je peux avancer mon Goldman, jouer une Sacks temporaire et recruter la Cashman d’un autre joueur à l’aide de mes trois recrutements. Ces trois investisseurs me rapportent 4 parts, et chaque part vaut 4 millons de dollars. Si l’affaire se conclut ainsi sans contre, j’empoche seize millions de dollars avec ce coup d’éclat ! À grand renfort de cartes, tout de même. Bien entendu, je récupérerai mon Goldman en fin d’affaire. Les investisseurs de base ne sont pas défaussés, au contraire de leurs héritiers !
We want you!
Verdict, malgré le thème, il s’agit bien d’une boîte familiale, et sa simplicité séduira jeunes et moins jeunes. Question stratégie, il est facile d’aller en complexifiant le jeu avec des variantes, et les parties peuvent vite prendre un tour plus complexe pour peu que l’on élabore une bonne stratégie. Les mécanismes restent tout de même très vulnérables au kingmaking ; assurez-vous donc d’avoir une tablée dotée d’un solide sens du fair play. Hormis cela, CMLP ! est une entrée douce dans le monde un peu ardu des jeux de négociation. On ne fait pas commencer tout le monde par Intrigue et Quo Vadis…
Une fois le côté nébuleux du jeu passé (la phase de négociation peut paraître un peu retorse de prime abord, mais en fait, c’est simple et intuitif), on enchaîne les tours rapidement, sans hic. C’est donc une bonne boîte familiale, mais qui peinera peut-être à trouver sa place à cause de son thème un peu sérieux. Quoique, vous me direz, Monopoly est incontournable, hein. Mais si vos joueurs ont un peu de recul, ils apprécieront certainement ce thème, particulièrement propice aux crocs-en-jambe divers et variés.
Récapitulatif
C’est moi le patron (2010) (en anglais, I’m the Boss!)
Auteur : Sid Sackson
Illustrateurs : William O’Connor
Éditeur : Face 2 Face games, Edge
3 à 6 joueurs, 12 ans et plus
Durée : 40min-1h
Thème : monde des traders
Mécanismes : négociation, ressources cachées, contres
Prix de vente constaté : ~45€
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jalpes 04/09/2014
C’est bien de rajouter un récapitulatif en bas des articles, il faudrait le généraliser pour au moins avoir toujours le nom des auteurs et des illustrateurs.
Shanouillette 04/09/2014
Oui il y aura à terme un lien automatique vers la fiche du jeu !
jalpes 04/09/2014
Oui mais un lien est beaucoup moins pratique car il faut cliquer pour aller chercher les informations. L’intégration d’une mini fiche sur le jeu dont on parle en bas de l’article est plus pratique.
Sha-Man 04/09/2014
En fait ça va être généralisé automatiquement en bas d’article quand il s’agit d’un seul jeu, on a déjà implémenté ça en top de page dans les comptes rendus de parties et dans les tests (ces derniers ne sont pas encore publiques pour le coup 😉 )
Sur la sidebar il y aura les références des jeux et d’autres éléments de navigation contextuels, mais vous verrez bien quand ce sera prêt 😉
Guillaume LEMERY 04/09/2014
Pour être un peu plus précis sur l’historique du jeu, il est initialement sorti en Allemagne en 1994 (et oui, ce jeu a déjà 20 ans !) sous le nom de « Kohle, Kie$ & Knete » chez Schmidt avec un thème graphique décalé sur le monde des affaires.
Il est signé Sid Sackson, un grand nom du jeu (que les moins de 20 ans n’ont malheureusement pas connu) puisqu’il a également fait Acquire ou encore Can’t Stop et Bazaar.
En fait, Edge ne le produit plus, mais il est effectivement déstocké chez pas mal de revendeurs, dont une boutique en ligne partenaire de Ludovox.