La Boca : Empilement au pays du Tango
Badaboum !
On pourrait qualifier La Boca de jeu de Kubenbois…
Enfin pas Kubenbois comme ça :
Mais pas non plus Kubenbois comme ça (quoique déjà plus) :
(Spéciale dédicace aux plus de 35 ans…)
Une vue rapide du matériel nous en dira plus : une grosse boite, des cartes défis en deux niveaux de difficulté, des tuiles pour déterminer qui joue avec qui, des points de victoire, un timer et des grosses formes de bois colorées.
Point fort du matériel, on joue sur et dans la boîte, celle-ci permettant de stocker les jetons points de victoire, de construire sur un petit plateau quadrillé et d’insérer les cartes défis de manière à ce que chacun des joueurs n’en voie qu’un côté.
Bon, quand on voit ces fameux cubes, on comprend vite qu’il s’agira malgré tout de construire quelque chose, mais quoi et comment ?
Don’t cry for me Argentina…
La Boca est un quartier pauvre de Buenos Aires qui doit son nom (La Bouche pour les non hispanophones qui ne l’auraient pas deviné) à sa position à l’embouchure du fleuve Riochuelo.
Au XIXè siècle, les ouvriers italiens prirent l’habitude de peindre les façades de leurs maisons avec les restes de peinture de leurs bateaux, donnant naissance à El Caminito, une rue aux façades très colorées.
La Boca est un quartier à l’histoire riche : sécession du reste de l’argentine, berceau du tango, temple du futball avec le club Boca Junior…
C’est ce quartier que nous allons construire, enfin, métaphoriquement parlant.
À vos truelles…
Les premiers paragraphes de cet article ont probablement envoyé des signaux contradictoires dans vos esprits de gamers : références historiques, constructions, grosses pièces de bois… et pour les plus attentifs les noms de Inka et Marcus Brand en couverture (Descendance…).
Alors rentrons dans le vif du sujet. Dans La Boca, deux joueurs actifs vont édifier ensemble une construction à l’aide des pièces de bois colorées. Cependant, chacun des deux joueurs ne voit qu’une façade de l’édifice.
Je détaille :
- Chaque joueur choisit une grosse tuile de couleur et prend également les petites tuiles des couleurs choisies par les autres joueurs et les dispose face cachée devant lui.
- À l’aide des petites tuiles colorées, on détermine qui va jouer avec qui pour la manche en cours : le joueur dont c’est le tour retourne une petite tuile dont la couleur correspond à la grosse tuile d’un autre joueur, et hop, le duo est formé. Ainsi, chaque participant jouera 2 fois avec chacun des autres joueurs.
- On pioche une carte défi facile de teinte claire (si l’on joue avec des enfants principalement) ou difficile de teinte foncée (qui met en jeu une grosse pièce rouge en forme de L qui n’a pas fini de vous enquiquiner) et on la place verticalement dans l’orifice prévu à cet effet dans la boite, ce qui permet à chaque joueur de n’en voir qu’une face (évidemment différente de l’autre face 😀 ).
- On met le timer en route,
- On construit en même temps en essayant de disposer les pièces de bois de manière à faire faire correspondre l’agencement de couleurs avec ce que l’on voit de notre côté de la carte.
- Quand les deux joueurs pensent avoir bon, on arrête le timer, on vérifie que tout corresponde bien de chaque côté et on marque chacun de 1 à 20 points, octroyés en fonction du temps mis pour réaliser la construction.
- Si d’aventure quelqu’un s’est trompé dans la construction ou si l’on dépasse 2 minutes, on rentre bredouille.
- On change de joueur actif et on repart comme au début.
Quand tout le monde a révélé toutes ses petites tuiles (et donc que tout le monde a joué 2 fois avec chacun des autres participants), on compte les points accumulés et le meilleur architecte l’emporte.
Euh, je crois que le plan est à l’envers…
Simple, n’est-ce pas ?
Alors La Boca n’est-il finalement qu’un jeu d’empilement à vocation de développement de la motricité fine et destiné aux enfants de 2-4 ans ?
Non, bien sûr, on se rend très vite compte que La Boca est en réalité essentiellement un jeu de communication !
Essayez de construire chacun de votre côté, sans parler. Très vite vous allez pousser ce que votre coéquipier du moment a construit pour mettre en place ce pavé rose ou ce cube gris, et aussitôt votre compagnon va grogner et tout pousser à nouveau avec cette fameuse pièce rouge…
Résultat, après 3-4 minutes, vous arriverez peut-être enfin (et ce n’est même pas sûr tant certains défis sont retors) à enfin arrêter le timer et marquer éventuellement un malheureux point…
Le plaisir n’est pas là.
La Boca amène une sensation de jeu délicieuse entre pression du timer et nécessité de communiquer en permanence avec son partenaire pour résoudre le puzzle proposé dans le temps le plus court possible.
En conséquence, on peut aussi rapidement en déduire que le thème et la jolie carte postale décrite plus haut ne transpirent pas spécialement dans ce jeu en fait très abstrait.
Alors, c’est du solide ?
La Boca est un jeu qui bénéficie d’une qualité d’édition excellente.
Ces grosses pièces de bois donnent immédiatement envie à n’importe qui de les empiler pour construire quelque chose.
L’idée des tuiles colorées que l’on retourne à chaque tour pour qu’en fin de compte tout le monde autour de la table ait joué avec chacun des autres joueurs présents est très maline et casse la monotonie des tours de jeu fixes.
La plupart des manches se jouent en un temps très court (même si un défi nous a demandé près de 8 minutes pour être réalisé, mais cela reste exceptionnel) ce qui est important ici pour garder tout le monde impliqué, même les joueurs dont ce n’est pas le tour et qui évite d’en faire un jeu « vaisselle » [NDLR : expression pour parler d’un jeu où l’on peut se lever pour aller faire la vaisselle entre les tours tant les joueurs ne sont pas impliqués entre les tours].
Le passage des cartes défis faciles aux cartes difficiles est un réel gap dans la complexité des constructions à réaliser, impliquant d’utiliser des pièces qui seront cachées par la suite simplement pour réussir l’empilement demandé. De plus, chaque carte comporte 2 puzzles ce qui assure une bonne rejouabilité au titre (je vous mets au défi justement de vous souvenir de l’agencement nécessaire pour réaliser une façade donnée, même si vous avez déjà joué la carte quelques temps auparavant !).
Le système de comptage de points et encore une fois le fait que tout le monde jouera 2 fois avec chacun des autres joueurs permet de lisser les différences de niveaux entre les joueurs et de laisser une chance même à ceux dont les capacités de représentation dans l’espace ne sont pas optimales.
Enfin et surtout, La Boca est pour moi un jeu à part, un peu comme Concept, où l’on peut s’affranchir de toute idée de comptage de points, de compétition et que l’on peut même sortir à 2 joueurs (même si la boîte indique 3 joueurs minimum), simplement pour le plaisir de résoudre 2, 3 cartes défis, comme ça…
Dans cet état d’esprit, La Boca peut se jouer facilement et rapidement y compris avec des enfants plus jeunes que prévu : ma fille de 5 ans s’y amuse beaucoup… et pour le coup développe vraiment ses capacités de représentation dans l’espace avec une réelle courbe de progression.
Vous aurez compris que ce jeu est vraiment un coup de cœur pour moi, cependant compte tenu de son fonctionnement qui tient un peut de l’OLNI [NDLR : Objet Ludique Non Identifié] et qui se rapproche finalement plus de casse-têtes partagés que d’un jeu de société classique, je comprendrais aisément qu’il ne fasse pas l’unanimité.
Après en avoir longtemps entendu parler, je me suis décidé à le commander l’été dernier, ce qui m’a permis de m’apercevoir qu’il devenait assez compliqué de mettre la main dessus. J’ai eu un des derniers exemplaires Kosmos en import sur le grand site marchand avec un A (en allemand, mais la règle française est facilement trouvable et aucun élément de jeu ne porte de texte).
J’ai l’impression qu’il est en rupture chez la majorité des grands sites français, et à des prix exorbitants en import US de chez Z-Man. Peut-être en trouverez-vous un exemplaire qui traîne dans votre crèmerie locale habituelle, sinon, il semble en passer assez régulièrement sur le marché de l’occasion.
Un jeu de Inka Brand, Markus Brand
Illustré par Franz Vohwinkel
Edité par Z-Man, Filosofia, Kosmos
Langue et traductions : Français…
Date de sortie : 09-2013
De 3 à 6 joueurs
A partir de 8 ans
Durée moyenne d’une partie : 40 minutes
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Grovast 22/12/2015
Aimant beaucoup également, je ne peux qu’appuyer cette mise en lumière méritée.
Un peu long à 6 tout de même, surtout lorsque les tirages répartissent mal les choses (jouer deux fois de suite puis plus rien pendant 15 minutes)
bub 22/12/2015
J’adore ce jeu, et le concept d’équipe tournante, bien que pas novateur, est très appréciable. Seul gros bémol à la qualité de l’édition, je trouve : l’absence de bouton/arrêt-marche sur le timer : on est obligé d’enlever la pile si on veut éviter de consommer bêtement…