Jonque à quai
Pas de doute, cette seconde collaboration entre Hurrican et Vincent Dutrait est un nouveau succès visuel.
Le plateau et le matériel sont superbement colorés et font plus qu’envie, même si (je dois avoir un problème) je reste moins fan des couvertures de boîtes de Vincent que du reste de ses illustrations.
Le thème plutôt dépaysant et bien choisi est donc ainsi à l’honneur, malgré l’abstraction globale du jeu.
Au niveau de la mécanique donc, l’idée de base très cathalienne des séries croissantes avec changement de couleurs (prolongement des séries de Knizia) est brillante et méritait indéniablement un jeu. Mais peut être pas exactement celui là.
Bien que prometteuse sur le papier, la partie se révèle en effet assez peu palpitante.
On se borne à trancher entre grosso modo deux possibilités :
– soit jouer sa plus petite carte parmi les plus grosses que la dernière jouée, pour espérer prolonger au maximum l’expédition en cours tout en se réservant le moins mauvais ordre de pioche possible
– soit laisser tomber pour mieux préparer l’expédition suivante, en espérant piocher premier
Certes, j’exagère un peu car ce n’est pas tout à fait si simple du fait des éventuels symboles présents sur les cartes, mais en tous cas cette réflexion un peu binaire m’a laissé sur ma faim en termes de maîtrise et de beau jeu.
Idem pour la pioche, on ramasse la moins pire carte en mode automatique ; sachant que le dernier n’a même pas de choix, c’est vite vu.
Tout bien considéré, on a que très peu la main sur sa construction de main. Dommage, alors que c’est le coeur du jeu.
Autre bonne idée un peu gâchée : si il est bien vu de récompenser aussi les expéditions mono-couleur (et que la difficulté pour parvenir sur ces cases est bien dosée), les cartes événements ainsi gagnées sont chaotiques au possible, déséquilibrées diront certains.
Le plus grossier exemple en est la carte Pilote, présente à seulement 3 exemplaires, surpuissante déjà de base puisque offrant une diagonale gratuite, et qui en plus de cela est carrément nécessaire pour piller Hong-Kong et prendre les 10PV. Il aura fallu d’ailleurs s’arracher les cheveux pour déduire cette info, rien ne venant la donner dans la règle, ni préciser le nombre de couleurs, ni leur rareté. Autant dire qu’entre piocher cette carte et piocher un pauvre PV en fin de partie, c’est pas la même limonade.
Je rajoute également à cela la durée un peu longuette à quatre joueurs pour le genre : les 40min annoncées sont bien loin.
Au final, Madame Ching est un jeu joliment édité, avec sous le capot un mécanisme de base classieux, mais qui malheureusement ne génère pas, chez moi, le plaisir de jeu qui aurait du aller avec.
La faute à un manque de maitrise, doublé d’un saupoudrage d’effets abusivement disparates, voire délirants.



